Page
rendue inaccessible du 3 au 28 juin.
Note de remise en ligne (29 juin 2020) :
À l’heure de remettre en ligne ces pages, je voudrais
simplement que le lecteur soit conscient d’une chose.
99 % de mes contributions à l’Alternative Sétoise,
depuis l’origine du mouvement, sont des contributions
d’intérêt général, absolument pas auto-centrées, notamment
des compte-rendus de réunions, la mise en valeur de la
parole des autres.
C’était
exactement
la même chose dans mon implication avec les Gilets
Jaunes : j’ai fait le scribe 99 % du temps, en
rédigeant des compte-rendus qui sont partis dans la
nature, de janvier à juin 2019 ; ce qu’on trouve sur
mon site à la section concernée représente seulement
quelques réactions subjectives ponctuelles dans les
premières semaines du mouvement (décembre 2018). Je fais
clairement la distinction.
99 %
du
travail d’un anthropologue est un travail d’observation et
d’enregistrement, une qualité d’écoute qui permet de
capter les situations avec une certaine économie de
moyens, mais qui ne s’acquiert qu’après de longues années
de travail. L’anthropologie, ce n’est pas l’art de se
raconter une histoire dont on serait le héros. Dans
l’argumentation ethnographique, la mise en récit des
mésaventures de l’observateur n'est qu'une modalité parmi
d’autres. Cette modalité prend le dessus dans des
conjonctures historiques bien particulières, et c’est en
général mauvais signe - cela signifie en gros que
l’observation est impossible, en lien avec un basculement
en cours.
En
temps
normal, l’anthropologie est l’art de produire un point de
vue situé - c’est-à-dire contrôlable - sur une
situation sociale quelle qu’elle soit.
L’Alternative
Sétoise
aurait pu m’employer comme anthropologue. Je me mettais à
sa disposition, après 15 années d’allers-retours entre le
Moyen-Orient et la France (1999-2013), après 6 années de
repli forcé sur Sète (2014-2019), et après 6 mois de
gilets jaunes. Mais elle n’a pas voulu. Elle ne l’a pas
voulu pour des raisons proprement idéologiques, parce
qu’elle n’acceptait pas certaines nouvelles que je lui
rapportais du monde. Dès lors, l'Alternative Sétoise était
comme une voiture dont on aurait supprimé les
rétroviseurs, et dont le conducteur s’étonnerait de rater
systématiquement ses créneaux. Comme un navire dont on
aurait supprimé la courroie de transmission, l’équipage
pratiquant une sorte de danse ésotérique autour du
gouvernail, et s’étonnant de ne pas arriver à bon port. « Se
passer de réflexivité n’est jamais un bon choix » :
je l’ai dit le 12 octobre lors de la première votation, en
guise de mise en garde, avant de réintégrer les troupes en
faisant profil bas. Mais on a tout de même fini par me
mettre sur la touche en m’accusant
« d’entrisme » - et cela en disait long,
qu'on soupçonne d'entrisme une personne aussi isolée que
moi, socialement et intellectuellement, moi qui n’ai plus
d’autre prétention que de vivre heureux dans cette ville
où j’ai posé mes valises. Cela en disait long sur le
rapport au monde de la gauche, cette déformation
subjective caractérisée, entretenue par l’entre-soi
militant.
Pour tout ce que cette campagne m'a apporté à titre
personnel, je remercie Véronique et tous les militants de
l'Alternative Sétoise, en espérant aussi que ces pages
puissent maintenant servir à la réflexion.
L'affiche du dernier meeting de l'Alternative Sétoise.
(finalement annulé pour cause de pandémie)
Au
premier tour du 15 mars 2020, l’Alternative Sétoise est finalement
arrivée en seconde
position (loin) derrière le maire sortant. C’est une
position intéressante, mais les réserves de voix sont limitées. En
effet, ce résultat a été obtenu au prix d’une sévère reprise en
main tout au long du processus, par une équipe de campagne
principalement issue du PCF et de la Fabrique Citoyenne, que
Véronique Calueba a imposé unilatéralement au mouvement. Véronique
a su admirablement instrumentaliser l’aspiration profonde de la
gauche à son propre renouvellement, tout en instrumentalisant
aussi un certain sectarisme, qui lui est inhérent.
Mais
la mobilisation pour le second tour ne pourra pas reposer sur les
mêmes évidences. Que la Gauche le veuille ou non, la
société française est en phase de divorce d’avec les sciences
sociales. C’est en tous cas le diagnostique que je
proposerai sur cette page au cours des prochaines semaines, afin
de mieux anticiper les enjeux du confinement en cours - au-delà de
l’aspect strictement sanitaire.
« Tu
prends 1 coco rouge + 1 socialo rose + 1 écolo vert tu mélanges
bien, mais bien alors vous savez ? et il en sort 100 mégalos
gogos. »
(Thau et Matinal sur midilibre.fr,
le 25 janvier 2020)
« Et
oui, encore une fois, une liste qui dit : tout pour nous,
vous autres on s'en fout... Liste totalement
socialo communiste et bobo de gauche… Ils veulent refaire le
monde, mais surtout le leur… »
(AFA sur midilibre.fr,
le 12 octobre 2019)
« La
grande imposture toujours en route, avec des magouilles
d'étiquettes de soutien, des revirements. Nous sommes en plein
suspens bolchevique, que la vodka coule à flot pour fêter
ça! » (Jeanémart Detout sur midilibre.fr,
le 1er février 2020)
Les sciences
sociales ne peuvent être le lieu d’une rencontre, parce qu’elles
reposent sur une épistémologie dualiste et scientiste obsolète,
adossée aux structures anthropologiques des sociétés occidentales,
dont la clé de voute est le refoulement du lien conflictuel avec
l’Islam. Je défends depuis l'origine une Alternative Sétoise
laboratoire, où nous réapprendrions cette évidence : la
reconnaissance de l’autre implique l’acceptation de la
conflictualité.
Mon témoignage
situé sur le fonctionnement
interne de l'Alternative Sétoise
Si vous
cherchez ce que je pense de l’Alternative Sétoise, vous êtes au
bon endroit. Pour résumer, je pense que l’Alternative Sétoise
était à l’origine un mouvement particulièrement riche, qui
rassemblait des démarches diverses, et tout à fait
interessantes. Des gens qui ont derrière eux toute une
trajectoire professionnelle dans les institutions du "social"
(pour dire vite), et aussi des électrons libres, des marginaux,
qui entretiennent un rapport bien plus douloureux à ces
institutions. Moi je me suis engagé dans ce mouvement pour
régler mes comptes avec la Gauche (mon milieu d’origine), et
pour négocier mon divorce avec les sciences sociales. Donc c’est
ce que je raconte dans ce texte, en racontant un peu ma
vie : l’histoire d’un mariage malheureux…
Si je raconte cette histoire, c’est qu’on continue jusqu’à
présent de me prendre pour un fou, de penser que le problème
vient de ma conversion à l’islam et de ma
« radicalisation ». Et moi je crois qu’au contraire,
c’est la société française toute entière qui est emprisonnée
avec les sciences sociales, dans une relation matrimoniale
particulièrement abusive, et que la gauche est en fait le nœud
du problème. Quant à l’islam, il n’est ici qu’une position pour
observer ce drame : une position stratégique, mais une
position parmi d’autres… J’ai rêvé que l’Alternative Sétoise, à
travers une compréhension renouvelée de la laïcité, soit le
creuset où puissent s’élaborer d’autres perspectives pour la
société française. Ce rêve a beau être démenti par la réalité du
jeu électoral, je continue d’y croire un peu…