« Le “Za’im [Leader]” et les frères
du quartier. Une ethnographie du vide. Ta’izz, Yemen. » (Mémoire de
maîtrise d’ethnologie, Université Paris X-Nanterre, 2004), p.110
[https://www.academia.edu/2396682/].
Je ne mentionnais donc pas la tentative de
viol de Nabil dans cette première étude, et on
peut le comprendre aisément. Je sentais bien
que l’incident n’était pas représentatif de la société yéménite, qu’il
était lié à mon enquête, et aussi à mon obstination dans celle-ci. Ce
dénouement marquait en fait les limites de ma démarche
d’immersion - longuement problématisées dans mon mémoire par
ailleurs, mais cet incident-là devait rester entre moi et mes
partenaires. Où alors je détruisais le contrat qui pouvait encore nous
lier… Bref, je mettais un point d’honneur à ne pas y croire sur le
papier, mais quelque part j’y croyais d’autant plus, en mon for
intérieur.
Dans ce mémoire sociologique qui respectait tous les canons
du genre, le mensonge était structurel. Je minorais la dimension sexuelle
des mises au défi, quitte à majorer le danger. Je n’étais pas capable
d’assumer les aspects les plus dérangeants de mon expérience, et cela me
conduisait à suggérer un monde rongé par la violence et par
la pauvreté. J’avais dramatisé aussi cette « domination
symbolique à laquelle je n’étais pas habitué » -
à laquelle pourtant j’avais
été prêt à me soumettre, afin d’être
initié au fonctionnement de cette société, mais seulement jusqu’à un
certain point… De tout cela à vrai dire je me rendais compte, confusément.
C’est pourquoi il me fallait repartir, en laissant
derrière moi ce mémoire. En laissantaussi derrière moi celle qui m’accompagnait
depuis plus d’un an dans cette aventure, une relation contaminée
dorénavant par le mensonge. Il me fallait être libre,
pour remettre entièrement l’ouvrage
sur le métier.
Peu après la soutenance, je
m’apprêtais donc à repartir à Taez, et j’avais
peur. Je ne parvenais plus à comprendre ce qui m’attirait encore dans
cette société, que j’avais décrite comme une
mer infestée de requins. C’est dans ce contexte que
s’installa dans mon esprit, pour la première fois de ma vie, l’idée que
j’étais homosexuel. Et j’en conçus un étrange soulagement.
Paradoxalement peut-être, l’homosexualité m’apparaissait en juin 2004
comme une sorte de talisman1,
un sauf-conduit pour traverser cette mer, en évitant les mésaventures de
l’année précédente. Ce que j’appelais alors le désir, instinctivement,
me reliait à la société yéménite, et reliait cette société à elle-même.
« Fais attention à ton désir, et tout ira
bien ». Entre
2003 et 2010, j’ai effectué sept séjours au Yémen, soit vingt-quatre
mois en tout, et essentiellement dans le quartier du Hawdh al-Ashraf. Je
n’ai jamais reparlé de cette pseudo-tentative de viol que je pensais
avoir subi.
Le Mensonge est une rivière tumultueuse,
issue d’un lac d’altitude qui est la Vérité. Dorénavant, j’allais nager
à contre-courant dans cette rivière du mensonge, porté par l’espoir
illusoire de rejoindre les eaux calmes et profondes où je voguais
naguère, dans le Bassin des Saints (Hawdh
Al-Ashrâf).
Mais
étrangement, cette disparition me libère! Au cours du mois de
décembre, je mets en ligne à tour de bras, des textes que je faisais
lire à droite à gauche depuis des années2.
Je m’attèle aussi à rédiger un texte sur l’incident survenu à la fin de
mon tout premier séjour, mais à cette date je ne trouve
pas encore les mots… Le 22 janvier 2018, sur un coup de tête, je mets en
ligne l’intégralité de mes archives vidéos personnelles, façon
« rien à cacher »3.
La vidéo fait le buzz - les images d’avant-guerre ne sont pas si
fréquentes - du coup, j’ai tout de même un peu honte… Je ressens
alors le besoin de m’exprimer en arabe, à l’oral : pendant
plusieurs semaines, je prépare des allocutions en parlant tout seul
devant mon ordi, que je fixe dans un français simple, pour mieux les
retraduire au vol en sens inverse4.
Finalement, je ne mettrai en ligne qu’une seule de ces vidéos, dans
laquelle je tente de vider mon sac sur toute cette affaire. Postée le 28
mars 2018, elle s’intitule « Ce qui m’est
arrivé en 2003 » [https://youtu.be/UD0dr_399og].
Mais à cette date encore, je présente cette tentative de viol comme une
mise en scène collective, dont Nabil lui-même aurait été complice, et
même le premier instigateur.
- « Eurêka j’ai compris, à l’instant !
La tentative de viol de Nabil, c’était une histoire que Ammar a inventé
dans l’instant, pour éviter qu’il ne lui passe un savon devant moi.
Regarde à 9:58 : https://youtu.be/UD0dr_399og?t=9m57s »
Et Yazid répond :
- « Oui, j’ai
vu quand tu me l’as envoyé, il y a un mois ou plus, j’ai tout de
suite compris… »
Yazid ne comprend pas vraiment l’importance
que prend à mes yeux
cette révélation. Il sait que dans mon
enquête, un soupçon a toujours pesé sur son frère et sur sa famille,
mais il n’en connaît pas l’origine, et cela s’inscrit aussi dans la
nature des rapports sociaux dans la société yéménite [voir mon texte
« Incertitude
& insécurité dans le Yémen des années 2000 »].
C’est quelque chose avec lequel il a appris à vivre lui aussi, depuis
qu’il s’est engagé politiquement (2009). Mais pour moi, outre l’aspect
affectif, c’est une question théorique décisive pour mes analyses.
Jusque là j’étais persuadé que ce 29
septembre 2003, le « Régime » avait
« fait pression » pour que notre histoire s’arrête.
Je pensais que Nabil avait repris les ordres à son propre compte, d’une
manière ou d’une autre. Or ce soir-là, Nabil était simplement sorti nous
dire de ne pas traîner dans la rue, pour ne pas gêner les voisins ou
quelque chose de cet ordre… Sauf qu’il menaçait ainsi de faire intrusion
dans notre histoire, celle que nous nous racontions, moi et les jeunes
de ce quartier - et même tous mes
interlocuteurs quel que soit leur milieu5,
finalement tombés d’accord sur une histoire qui s’écrivait sur le dos de
Ziad. L’histoire racontait comment tous, nous nous étions émancipés
collectivement de l’esprit de domination qu’il tentait de nous imposer.
Une fraternité nouvelle et insoupçonnée avait fait jour entre nous, et
Ziad s’était finalement retiré, mais nous craignions des représailles de
la part de son frère Nabil…
Bien sûr, je n’avais pas
vraiment cru à toute cette mise en scène. Mais
une fois rentré en France, il était plus facile
de croire à l’existence du « Régime ». Je
croyais au Régimeau titre d’une
hypothèse que j’entendais un jour déconstruire, dont je ne parlais donc
jamais dans mon travail, mais avec laquelle je devais tout de même
composer. C’était le Yémen des années 2000 : je
rentrais et sortais du Yémen comme bon me semblait avec mon passeport
français, je me promenais comme je voulais dans les villes et dans les
campagnes, grâce à un permis de recherche délivré par Sanaa, pendant que
les drones lâchaient leurs bombes. Et les Yéménites étaient toujours
gentils, généreux et dignes - sauf certains comportements, liés
justement à ce « Régime ». Depuis quinze ans, j’avais déployé
tous mes efforts pour déconstruire cette notion, pour ne pas reporter
sur la « réalité sociale » les impensés de l’interaction
d’enquête. Mais autour de cette affaire-là, un non-dit avait persisté,
et le Régime de ce fait continuait d’exister à mes yeux, à
l’arrière-plan de mon expérience. Jusqu’à ce 27 mai 2018 : jour où
véritablement pour moi, le Régime yéménite est tombé.
Entre les enjeux liés à l’islam et ceux liés à l’unité des
sciences sociales dans le monde contemporain, il existe une intrication
extrêmement profonde. Le problème est qu’aujourd’hui, ni chez les
sociologues, ni chez les musulmans, on ne trouve le moindre début de prise
de conscience sur ce fait. Un tel déni structurel mérite en lui-même une
explication.
À travers mon histoire, le
problème qui nous occupe est la rencontre entre ce monde universitaire
européen et une société musulmane massivement alphabétisée - telle
qu’était alors la société yéménite dans la région de Taez, depuis
quelques générations. Et ce, dans le contexte
post-orientaliste que j’ai décrit, après suspension de l’exception
universitaire antérieurement associée à l’islam. Dorénavant, les
sciences sociales sont la
discipline ayant autorité pour aller à la rencontre des sociétés
musulmanes, comme de toute autre société du monde. Ainsi, les outils
élaborés pour la compréhension des épistémologies non-occidentales, qui
habitent l’anthropologie et la sociologie depuis leur fondation, vont
être utilisés au contact d’une société monothéiste, en toute
inconscience de par et d’autre. Ce qui conduit directement à la
situation suivante : les Yéménites voient arriver en face d’eux un
être qui, à l’évidence, manipule des catégories païennes, qui adore ses
propres idoles et invite les Yéménites à interagir avec lui dans ce
cadre. Invitation à
laquelle les Yéménites vont répondre résolument, pour démontrer leur
hospitalité, leur ouverture d’esprit et leur
« modernité ».
Sauf que l’ethnographe, en réalité, sait
au fond de lui qu’il fait du monothéisme. Au travers de ces outils, dont
il invite l’Autre à se saisir, l’ethnographe
se sait capable de comprendre la
population qu’il s’est donnée pour objet.
Et cette démarche
d’anthropologie symétrique représente la quintessence-même du
monothéisme, qu’il ne sait concevoir autrement. En
recherchant un dialogue de vérité,
il incite ouvertement au mensonge, mais
sans en avoir conscience.
Ainsi voit-il
chacun de ses interlocuteurs se saborderface à lui, l’un
après l’autre, afind’accueillir cette
vérité qu’il avance, dont lui-même ne
connaît pas très bien les contours. Cette
vérité,il la
cherche dans la rencontre avec une société qui se dérobe
perpétuellement. La même expérience se répète
et, peu à peu, constitue
à ses yeux le défi qu’il finira par relever - qu’il ne saura
relever que de la manière la plus intime, la plus inconcevable :
pour accueillir la vérité de l’autre, prendre sur lui la responsabilité
du mensonge.
Quelques semaines plus tard, les Yéménites
m’avaient rendu fou. Il y eut cet incident avec Nabil - ou ce
pseudo-incident - je montai donc à
Sanaa, et là, j’ai fait une erreur. J’ai fait une erreur avec Waddah, un
cousin de Ziad exilé dans la Capitale, où il
travaillait comme employé de banque. Une
erreur, car je sais aujourd’hui que lui-même s’est trouvé pris au piège
[voir mon texte : «Pourquoi
j'ai dû croire?»],
mais à l’époque j’avais le sentiment que tous les Yéménites pratiquaient
allègrement l’homosexualité. Je n’en parlai pas dans mon mémoire mais de
mon point de vue, c’est cela qui leur avait permis de me rendre fou… Et
finalement moi-aussi, je m’étais laissé emporter par ce vent de folie,
que nous ne nommions pas encore un Printemps Arabe… Or à mon retour, la
Révolution avait disparu !
Avec ces régimes tyranniques,
les sociétés arabes paient leur manque de sincérité, notamment
dans l’interaction avec l’étranger, et elles le savent
parfaitement. En même temps, ces régimes empêchent le témoignage sincère
par leur fonctionnement, et il est difficile que cet aspect des choses
affleure à la conscience occidentale, par la construction-même des
rapports entre l’Europe et l’islam. Le plus souvent, les
spécialistes de sciences politiques ne voient
simplement pas comment la notion de shirk
pourrait s’intégrer au registre des sciences sociales. En langue
française, « l’idolâtrie » est un mot poussiéreux : au
sortir de ce séjour, j’étais à mille lieues de soupçonner que ces
questions aient pu être liées à mon expérience, de quelque manière que
ce soit. Ce que Ziad pouvait vouloir me dire en répétant que je n’étais
« pas logique » (« لا تفكر بمنطق »), je l’avais
complètement perdu de vue.
Par contre, j’étais tout de même confronté à un problème. Je
voyais bien que mon passage à l’écriture11
avait complètement effacé mon aisance, ma capacité à interagir. Mais je
ne savais pas concevoir d’autres réponse qu’intellectuelle : mes
représentations n’étaient pas les bonnes. J’étais tellement perdu,
tellement confondu de ne plus rien savoir, que je me mis à envisager
très différemment l’expérience de mon premier séjour. Contrairement à la
manière dont je viens d’en rendre compte (cf supra :
« L’hypnose
de l’immersion »), cette
explication nouvelle reposait sur le postulat de mon ignorance : je
reconstruisais la scène avec l’idée qu’au moment des faits, j’avais été
là sans vraiment y être, sans vraiment sentir ce que sentaient mes
interlocuteurs Yéménites, ignorant même ma propre ignorance. Dans cette
perspective, le comportement des Yéménites était une manière de
« gérer » ma présence, de gérer mon ignorance. Il avait fallu
me faire peur avec une tentative de viol, pas juste à cause d’un
individu dangereux mais pour une autre raison : un
contexte, que les Yéménites percevaient et que je ne percevais pas, et
qui s’imposait contre leur gré. Ce contexte
s’appelait « le Régime ». Élaborée après coup, cette
explication est restée installée dans mon esprit pendant presque quinze
ans.
« Je suggère (…) d'habituer les
savants à (…) faire des nœuds à leurs mouchoirs, chaque fois qu'ils
laissent quelque chose d'informulé, c'est-à-dire leur apprendre à
consentir à laisser cela tel quel, pendant des années, mais en marquant
d'un signe d'avertissement la terminologie qu'ils utilisent ; de
telle sorte que ces termes puissent se dresser non pas comme des
palissades, dissimulant l'inconnu aux visiteurs à venir, mais comme des
poteaux indicateurs où l'on puisse lire : « INEXPLORÉ AU-DELÀ DE CE
POINT. »
Gregory Bateson12,
« Comment penser sur un matériel
ethnologique : quelques expériences » (1940)
Pendant près de quinze ans, je n’ai pas eu
conscience d’avoir halluciné la tentative de viol de Nabil. Par
contre, la dimension collective de l’incident ne faisait pour moi aucun
doute. Il y avait là une expérience
fondamentale, qui me vaccinait contre toute
tentative de traiter le Régime comme une chose. Par
défaut, je considérais donc que le Régime était en jeu dans chacune de
mes interactions avec les Yéménites, et dans leur propension-même à
collaborer avec les sciences sociales. Et
les sciences sociales elles-mêmes, incitaient à composer avec des contextes
sous forme de choses.
La problématique du shirk
était là, même si je ne la nommais pas encore de cette manière :
« Ce
jour-là, les meneurs [idoles]
renieront ceux qui les auront suivis, et toute attache sera rompue entre
eux, à la vue du supplice… » (Coran
2:166)
Voilà ce qu’était le
Régime : un contexte
avec lequel nousavions
préféré composer
sous forme d’une chose -
et qui s’était rappelé à nous de la façon la plus désagréable. C’est
en réfléchissant à ces paradoxes que j’ai fini par intégrer Dieu :
un contexte
se donnant sous forme d’une relation,
surplombant aussi bien ma pratique théorique que mon positionnement de
terrain. Mais à ce stade, je commençais seulement à comprendre qu’il y
avait un problème, etpour remettre à l’épreuve mes catégories, j’ai
bien sûr commencé par m’en remettre à la
société yéménite…
Je continuais aussi
de fréquenter Ziad, et les jeunes de
cepetit quartier adjacent
où j’avais mené ma première étude.
Je voyais donc aussi Nabil. Je ne
lui en voulais pas spécialement, mais nos
interactions étaient très limitées. Nabil travaillait
pour le Régime, à la municipalité de Taez. Je n’étais pas confronté
directement à lui, car le secteur du Hawdh al-Ashraf ne relevait pas de
sa responsabilité, mais je savais que notre interaction devait en rester
là. Sans doute l’avait-il senti lui-même, confronté à un mur à chaque
tentative pour m’emmener en ballade, ou restaurer entre nous une sorte
de familiarité. En fait, Nabil était la seule personne dans le secteur
du Hawdh al-Ashrâf que je ne cherchais pas à comprendre, à laquelle je
ne pouvais m’identifier.
À chaque instant sur le carrefour, je me
demandais ce que mes interlocuteurs percevaient de ma position, du
secret qui me liait au quartier de Ziad, et de ce viol qui n’en était
pas vraiment un. Si je restais en ce lieu, c’est que je percevais une
connivence : cette histoire que je ne savais plus dire, que je ne
comprenais plus, je sentais que les gens ne l’avaient pas oubliée… Certes,
je culpabilisais par rapport à mes
interlocuteurs académiques, de me trouver
échoué dans un tel lieu, de ne pas aller et venir comme font les autres
chercheurs. Mais à vrai dire, je ne voyais pas d’intérêt scientifique ou
intellectuel à ce genre de collectes. Peu à peu, j’ai appris à nommer ce
qui me retenait là. À cet endroit seulement, mon ambivalence me donnait
accès à celle des autres. Finalement, nous étions tous des
« captifs amoureux » (Jean Genet) :
tous un peu complices quelque part, d’un ordre politique fondé sur le
désir et l’amour.
Voici comment se posait à l’époque
le mystère de cette huitre. J’avais face à moi deux milieux - comme
deux coquilles :
(1)les
jeunes du quartier ;
(2)les
commerçants du carrefour.
Deux milieux qui avaient toujours semblé antagonistes l’un à
l’autre. Les premiers avaient été complices de mon alliance avec Ziad,
tandis que les seconds m’avaient toujours mis en garde contre lui
et contre son milieu. Mais il ne m’avait pas échappé qu’à un
certain stade, ces deux milieux s’étaient tout de même mis d’accord pour
me retourner contre Ziad, pour me faire croire à cette
tentative de viol de Nabil, juste le temps que je m’en aille… À
présent, je contemplais l’huitre de l’extérieur, et elle semblait à
nouveau composée de ces deux milieux antagonistes. Mais j’avais
bien remarqué comment l’huitre s’y était prise pour m’expulser :
ces deux milieux, je les savais liés l’un à l’autre par une sorte
de connivence, qui était le « Régime ».
Cette année-là en
2004, je me suis rapproché spontanément d’une
troisième population : des hommes ruraux
qui peuplaient aussi ce quartier de Hawdh al-Ashraf - souvent de
jeunes célibataires ou des hommes isolés de leur famille, qui
cherchaient là du travail en tant qu’ouvriers journaliers. Une
population (3)que
je n’avais pas vu l’année précédente, pour ainsi dire.
Si j’ai ressenti le besoin d’aller vers cette
troisième population et de leur consacrer mon
second travail, c’était dans l’espoir de contourner un malaise que je
ressentais avec les citadins - toujours
ce « Régime », ce contexte qu’ils percevaient et que je ne
percevais pas… Je m’identifiais à ces jeunes
ruraux, effarouchés par cette ville dont ils n’avaient pas les clés. Leur
compagnie chaleureuse me
donnait une contenance, très prosaïquement, un
poste d’observation. J’essayais de puiser en
eux le courage de tenir le cap que je m’étais fixé pour comprendre. Mais
je m’identifiais aussi quelque part aux
hommes plus âgés, vieux migrants transnationaux refoulés par l’Arabie
Saoudite lors de la crise du Golfe de 1990 et échoués aussi finalement
sur ce carrefour, à quelques dizaines de kilomètres seulement de leur
village. J’essayais de comprendre le « Régime » dont faisaient
l’expérience les uns et les autres au sein de
cette population : comment certains finissaient enlisés sur le bord
de la route, précisément là où d’autres s’élançaient à la conquête de la
ville. Ce travail prit
par endroits des accents « marxistes », bien
que je ne dominais absolument pas la situation
dans laquelle je me trouvais pris16…
Avec le recul, cette
stratégie de recherche m’apparait cohérente
surtout en termes de positionnement tactique :
afin de forcer l’évolution d’une situation.
« Vous n’atteindrez la piété qu’en
donnant de ce que vous aimez. Et quelque aumône que vous fassiez, Dieu
en est parfaitement Informé. » (Sourate de Imrân 3:92)
Donner de ce que j’aime, c’est-à-dire non pas de l’argent,
non pas du temps - ni même une vie personnelle et amoureuse dont je
ne perçois plus la valeur - mais donner de cette passion
intellectuelle qui me fait vivre. Donc je ne prétends plus rien savoir,
surtout dans cette phase-là de mon enquête - mais
j’apprends à ne plus noter, à suspendre l’objectivation par défaut, à
débrayer l’appareillage théorique que j’ai élaboré jusque là. Il faut que
la cohérence globale de mon travail intellectuel soit suspendue à quelque
chose qui m’échappe - comme on le lit dans ce message de septembre
200818,
au début de mon cinquième séjour à Taez. Installé cette fois dans un
appartement un peu à l’écart, je me démenais pour lancer la rédaction de
ma thèse, et me rendais régulièrement au chevet de Ziad :
وداعاً يا حوض الأشراف : Mes adieux
filmés au Hawdh (17/11/2008), enrichis de documents antérieurs,
2018, https://youtu.be/TGeLsf6XFfA.
Dans ces archives vidéos, les trois milieux sont
évoqués dans l’ordre où ils apparaissaient dans le film initial, soit :
- (2) Les commerçants,dans
les treize premières minutes ;
- (3) Les
journaliers ruraux, entre 13:30
et 15:15, puis à
nouveau brièvement vers 27:56,
où l’on voit la (non)interaction avec les jeunes du quartier, et
aussi en 36:30 ;
- (1) Les
jeunes du quartier de Ziad, après
la dix-septième
minute(où
l’on entend parler le fils de Nabil).
C’est aussi dans ce contexte que je rédige ma candidature
au Prix Michel Seurat, qui me sera accordé quelques mois plus tard par
le CNRS20.
Mais pour ma part, je n’ai pas conscience des implications ultimes de ce
défi. Je n’ai pas conscience de défier l’Histoire. J’espère juste que Ziad
ira mieux, pouvoir vivre ma petite histoire au Yémen, poursuivre mon petit
chemin intellectuel. Je n’ai pas conscience qu’en lui-même, notre défi
annonce la destruction de cette société à moyen terme.
« Parmi ceux qui profiteront de l'ombre
de Dieu, le jour où il n'y aura d'autre ombre que la Sienne (…) deux
hommes qui s'aiment en Dieu, qui se rencontrent et se séparent pour Lui »
(Parole prophétique attestée par le Sahîhd’al-Bukhârî, 1423).
Mais étrangement, ni les sociologues de l’islam, ni les
musulmans diplômés, n’ont trouvé ma démarche légitime à ce jour. Tous
trouvaient bien plus « rationnel » de considérer que je
n’étais pour rien dans la folie de Ziad, sans même parler de la mort de
Nabil. Et ma pensée elle-même, bien sûr, avait effacé derrière elle
toute trace de cette implication. Pour autant, je sentais bien qu’il y
avait un lien, que j’ai découvert les années suivantes - par la
grâce du « contexte surplombant », qui versait dorénavant Sa
lumière sur notre histoire22.
Mais dans la communauté des sciences sociales, je fis l’expérience d’un
refus structurel d’envisager mes résultats. Dans la mesure où je n’ai
jamais utilisé d’autre langage ni d’autres principes que ceux des
sciences sociales, ce refus relevait d’une infraction flagrante aux
principes de laïcité et de neutralité religieuse. Mais l’histoire de mon
interaction avec Ziad s’inscrivait en contradiction avec « l’ordre
des choses » culturaliste, et représentait surtout un
« mauvais présage », sur lequel personne n’avait envie de
s’attarder.
Entre mon
enquête et les malheurs de la famille de Ziad, le lien était indirect,
bien sûr, mais pas si complexe que ça. Quand
je l’ai eu découvert, j’ai eu honte. J’ai
définitivement quitté le Yémen à la fin de l’année 2010 :
indépendamment de toute considération politique ou sécuritaire, mais sur
un dernier conflit avec Yazid, et par respect pour lui. En contrepartie
de mon retrait, Yazid s’engageait tacitement à ne plus renvoyer Ziad en
prison. C’est ainsi qu’en 2012, après
l’enlisement de la Révolution,
Ziad se mit à déambuler
dans les rues de
Taez en annonçant la venue du Jugement Dernier.
Yazid et moi n’avons
renoué qu’à l’été
2013. C’est
largement cette
situation douloureuse qui m’a empêché de rédiger ma thèse, dans les
années décisives du Printemps Yéménite. Mon
lien avec cette famille, du fait-même qu’il s’était noué dans le cadre
d’un terrain, restait une relation honteuse, du
point de vue professionnel et du point de vue privé. Au
fil des années, j’avais laissé cette passion envahir ma vie, cette
passion qui me rendait étranger, aussi bien
aux Français qu’aux Yéménites, aussi bien aux sociologues qu’aux
musulmans. Que
Nabil ait pu être un violeur, je
m’étais habitué à l’idée, il faut croire. Mais je ne lui en voulais pas,
je ne lui en avais jamais vraiment voulu. Cette indulgence
structurelle, mes interlocuteurs la repéraient tout de suite : on
voyait bien qu’il s’était passé quelque chose, et je ne pouvais pas le
nier. Pendant quinze ans, j’ai porté la honte de mon attachement à cette
famille, où l’on avait tenté de me violer.
Mais combien de
chercheurs, de chercheuses, combien d’autres enquêtes sont restées
prisonnières d’une première rencontre et
d’errements de jeunesse ? Un
demi-siècle après les Indépendances,
n’est-ce pas
précisément ce phénomène qui, à l’échelle démographique,
aboutit à ce climat détestable de non-dit et de complaisance dans
la communauté des sciences sociales, empoisonnant
l’islam sur le sol français, emprisonnant
le destin politique du Moyen-Orient ?
Pour
ma part, je m’oppose à la thèse de Laurent Bonnefoy et de François
Burgat, selon lesquels la situation au Yémen serait le produit d’une
contre-révolution menée par « l’État profond » derrière Ali
Abdallah Saleh23.
Cette thèse apparaît contradictoire avec l’effondrement de
facto de son camps, apparu en pleine lumière
en décembre 2017. Et comme Burgat le dit lui-même, le comportement de
l’ancien président après sa destitution était tout à fait logique. J’ai
fait la même chose en 2004, à une toute autre échelle, en m’alliant avec
les déshérités ruraux dans mes tentatives pour « rallumer le
feu » - et je tentais seulement d’exister ! Donc la
perversité est ailleurs : « L’État profond » en question
est en fait aussi une rémanence cognitive, entretenue par des
intellectuels (frères musulmans et autres) qui en avaient besoin pour se
définir en surplomb. Forts de leur cooptation par les sciences
politiques, ceux-ci ont fait le jeu de l’ingérence internationale. Et
ils ont ainsi fait sombrer leur pays, dans un chaos sans équivalent pour
les révolutions européennes du XIXème
siècle. D’où l’intérêt de réfléchir à la rémanence
de la notion de « Régime », par analogie avec ma « scène
primitive », le quiproquo de cette pseudo-tentative de viol.
Au sein de l’anthropologie la plus
générale et la plus fondamentale, ce genre de phénomène perceptif a été
largement problématisé, notamment par l’anthropologue britannique
Gregory Bateson (1904-1980). Il fut l’un des précurseurs de
l’ethnographie moderne avec Naven (1936)24,
son oeuvre de jeunesse sur les chasseurs de tête de Nouvelle Guinée. Il
travailla ensuite sur beaucoup d’autres choses, notamment en psychiatrie
(double contrainte) et en psychologie de l’apprentissage (apprendre à
apprendre). Vers la fin de sa vie, il développa une critique
épistémologique très générale, appelée Écologie
de l’esprit, qui me semble une alternative
précieuse à l’islamo-scientisme. Bateson
disait par exemple, à propos de l’erreur du concret mal placé :
« Un cas courant d'explication vide
est le recours à ce que j'appelle le principe dormitif : j'emprunte
ce mot "dormitif" à Molière. Le final en latin macaronique du Malade
imaginaire met en scène un examen médiéval, oral et doctoral. Le premier
docteur demande au candidat pourquoi l'opium fait dormir. A quoi le
candidat répond, avec un air de triomphe : "Parce que, éminents
docteurs, il contient une vertu dormitive. »25
Le mot « régime » (nizâm
en arabe) est un exemple typique de concept
dormitif, et ce n’est pas le moindre des problèmes actuels
du Moyen-Orient. Les
plus diplômés, qui en parlent le plus éloquemment,
ont rarement conscience
dudit « Régime » dans sa dimension épistémique, liée
aux structures des sciences occidentales :
« Je
m’en prenais récemment aux insuffisances de l’éducation
occidentale : dans une lettre à mes confrères du Conseil
d’administration de l’Université de Californie, j’avais glissé la
phrase suivante : "Si
l’on brise la structure qui relie entre eux les éléments de
l’apprentissage, on en détruit nécessairement toute la qualité." (…)
Quelle est la
structure qui relie le crabe au homard et l’orchidée à la
primevère ? Et qu’est-ce qui les relie, eux quatre, à moi ?
Et moi à vous ? Et nous six à l’amibe, d’un côté, et au
schizophrène qu’on interne, de l’autre ?26
Rédigées dans les années 1970 à propos de « l’éducation
occidentale », ces lignes me semblent directement transposables aux
mouvements islamistes de musulmans diplômés et à leur débandade
généralisée depuis 2011. Bateson poursuit :
« Pourquoi les écoles
n’enseignent-elles presque rien de la structure qui relie ? Est-ce
parce que les professeurs se savent porteurs du baiser de la mort, qui
ôte la saveur à tout ce qu’ils touchent, qu’ils refusent ainsi d’aborder
ou d’enseigner les choses réellement importantes de la vie ? Ou
bien sont-ils porteurs du baiser de la mort justement parce qu’ils
n’osent rien enseigner de ces choses-là ? Quel est donc leur
problème ? »
Chez beaucoup de musulmans
diplômés, les défaillances structurelles de l’éducation occidentale se
traduisent par une forme d’islamo-scientisme :
un mélange tragique d’assurance spirituelle et de
positivisme, conduisant à des accès de condescendance envers le peuple
inculte et les élites infidèles. D’où je crois mes difficultés à
dialoguer avec les partisans du réformisme islamiste, bien au-delà des
obstacles d’une pudeur légitime. Ce sentiment surplombant à l’égard du
« Régime » leur rend inconcevable une histoire comme la
mienne : qu’à travers Nabil, Ziad et Yazid (mais aussi Ammar et
Waddah)27,
le « Régime » m’a initié à l’islam, et à l’écologie
de l’esprit. Une conversion intellectuelle que
décrit très exactement cette dernière citation de Bateson, tirée d’une
conférence de 197728 :
« J'aimerais,
pour finir, essayer de vous donner un aperçu de ce que je ressens, ou de
préciser le genre de différences que cela provoque en moi, quand je
regarde le monde du point de vue de l'épistémologie que je viens de
décrire, lorsque j'abandonne la façon dont je le voyais avant - et
dont la plupart des gens le voient toujours, je crois. (…) Le mot
« objectif » tombe tout doucement en désuétude et, en même
temps, le mot « subjectif », qui habituellement vous confine à
l'intérieur de votre peau, s'évanouit également. Je pense que c'est là
le changement le plus important, ce démantèlement de l'objectivité. Le
monde n'est plus « là, dehors » comme il semblait l'être
auparavant. Sans en être pleinement conscient, sans y penser tout le
temps, je sais quand même toujours que les images (…) sont
« miennes » et que j'en suis responsable d'une manière assez
particulière. »
Cet été seulement, j’ai réalisé
l’importance de Taez dans la guerre actuelle. La honte, là encore,
m’avait empêché depuis trois ans d’en prendre conscience. Le
Hawdh al-Ashraf, où Yazid vit toujours
aujourd’hui, est devenu
une sorte de « Check-Point Charlie »
Yéménite, où les deux camps se font face par
dessus une zone minée. À l’échelle du Yémen,
l’importance de ce lieu n’est nullement un hasard [Voir
mon texte : « La
Bataille de Taez : topologie et enjeux »].
Taez ou Alep sont
d’abord des villes carrefour, et
de tellestragédiesne
peuvent reposer que
sur un non-dit d’ordre mondial,
adossé à la
structure des rapports entre l’islam et l’Europe, elle-même
inscrite dans la « structure qui
relie » la plus
générale. Faute
d’aborder cette dimension, au croisement de
la théologie,de
l’anthropologie fondamentale et de
l’épistémologie, les
études arabes sont devenues ungrand concours d’explications dormitives29.
La crise yéménite est
une tragédie ethnographique, dont
l’écriture s’est jouée en bien d’autres lieux.
Maisdu
Hawdh al-Ashraf - si Dieu le veut -nous remonterons en
nous-mêmes jusqu’à
son dénouement.
1Cette
conversion à l’homosexualité était surtout une réconciliation avec la
mémoire de mon père, décédé cinq ans plus tôt : sortant d’un
rapport infantile au couple qu’il formait avec ma mère, je m’identifiais
à lui, et j’appelais cela « homosexualité ». Cet aspect de
l’histoire est traité dans le volet auto-analytique, en version courte [Sur
l’expression « scène primitive » en psychanalyse]
ou plus en longueur [En
amont (1999-2002)].
3Le
lien se trouveun peu plus loin
dans le texte, où j’explique le
contexte de ces images.
4La
langue arabe est pour moi une langue de l’oralité, celle de
l’expérimentation interactionnelle, car je faisais très peu usage des
sources écrites dans mon enquête. J’ai pas mal lu la presse en ligne
après 2011, mais le Coran est le seul livre arabe dans lequel je me sois
jamais plongé véritablement. Quant à l’écriture, je ne la pratique
couramment que depuis l’arrivée de Whatsapp, et je ne me crois pas
vraiment capable de rédiger un texte sérieux en arabe littéraire.
5J’ai
retrouvé récemment dans mes carnets [C042]
la trace d’une discussion avec Khaldoun (l’un des commerçants) en présence
de Nashwan et Walid (jeunes du quartier), quelques heures avant
l’incident, au cours de laquelle je dis moi-même à Khaldoun de faire
attention à Nabil. C’est dire à quel point le consensus s’était établi
tacitement sur cette lecture, entre tous mes interlocuteurs.
6Ou
plus exactement, la « structure qui relie »
(voir citation de Gregory Bateson à la fin du
texte).
7On
pourrait citer la figure de Mohammed Arkoun à titre d’exception, qui
confirme en réalité la règle. Né en 1928, agrégé en langues et
littératures arabes dès 1956, Mohammed Arkoun est un universitaire produit
par la situation coloniale, qui échappe à la conjoncture intellectuelle
décrite ici.
8Dans
mon texte « Le
"Ça" de François Burgat », j’observe
certaines manifestations contemporaines de ce fait anthropologique
fondamental, dont le déni cimente notamment la cooptation réciproque
entre frères musulmans et sciences politiques.
9On
pourra le constater à travers une compilation
de courriers électroniques envoyés en 2003 [bientôt mise en ligne] -
car j’ai beaucoup communiqué avec l’extérieur cette année-là (contrairement
aux années suivantes). La retranscription et
l’édition de mes carnets de terrain est également bien avancée, mais c’est
un travail de beaucoup plus grande ampleur…
11Bien
sûr en arrière-plan, il y avait aussi ce dérapage homosexuel -
auquel je ne pouvais rien changer, et qui entretenait de
fait un rapport étroit avec le passage à
l’écriture. Voir mon texte : « Pourquoi
j'ai dû croire? ».
13J’ai
écrit ce paragraphe un peu en réaction à ce qu’affirmait en décembre
2017 Laurent Bonnefoy - dont je peux saluer en même temps
l’honnêteté réflexive : « Les
diplomates, les chercheurs et les journalistes ont au fil de la
décennie 2000 perdu le fil des dynamiques politiques, se
retrouvant, afin de se préserver d’une menace jihadiste qui a été de
fait croissante, enfermés dans des bunkers et des voitures blindées,
avant de devoir finalement plier boutique. Dès lors, ils ont été comme
incapables de réellement comprendre le Yémen. »
Sans doute était-ce la contrepartie positive de l’étroitesse de mon
objet, mais cela n’a jamais été mon cas : je n’ai jamais entretenu
ce rapport-là à la société yéménite. À certaines périodes je logeais et
dormais dans des pièces ouvertes sur la rue, juste avec un coffre fermé
pour mon ordinateur, jusqu’en 2010, et je n’ai jamais ressenti ce
sentiment de peur - sauf à mon retour en 2007, dans des
circonstances très particulières (voir mon texte « L'enquête
et le destin »). Luc
Mathieu et Hala Kodmani, « Laurent Bonnefoy : “Le Yémen est
un laboratoire de ce qui nous occupera dans les décennies à
venir” », Libération.fr, 5 décembre 2017, https://www.liberation.fr/debats/2017/12/05/le-yemen-est-un-laboratoire-de-ce-qui-nous-occupera-dans-les-decennies-a-venir_1614614.
18Fichier
retrouvé par hasard hier, daté du 2 septembre 2000 - probablement
écrit sur un ordinateur yéménite qui n’était pas vraiment à
l’heure… - ce qui lui a permis de surnager en tête de liste dans mon
disque dur.
19Voir
mon texte de 2010 : « L'expédition
à Hammam Kresh : une ethnographie de la Miséricorde sociale »
(avec une intro de 2017). Yazid me parlait à l’époque
du Qatar, vers 2009 je crois, qui cherchait à soutenir des projets à
Taez. Il avait donc parfaitement conscience des enjeux. Moi ça me
passait complètement au-dessus.
21Pour
qui souhaite prendre conscience du paganisme à l’oeuvre dans l’esprit
scientifique moderne, il me semble utile de se replonger dans la théorie
des quatre éléments, élaborée à partir des solides de Platon.
27Voir
l’arbre
de parenté disponible en ligne, qui esquisse l’inscription de cette
famille dans la structure sociale.
28Gregory
Bateson, « Cette histoire naturelle normative qu’on appelle
l’épistémologie », in Une Unité sacrée:
quelques pas de plus vers une écologie de l’esprit,
trad. par J. J. Wittezaele (Seuil, 1996), 304‑5.