Retranscription carnets 2003𝚹𝚹𝚹

29/10/18 - Retranscription toujours en cours.
Pour 2003, il manque encore la période du 5 au 29 septembre (mais c’est la période la mieux racontée dans mon mémoire de maîtrise). Pour 2004, je place à la suite une retranscription sélective de certaines pages, au fil de ma relecture (je ne l’ai pas encore fait de manière systématique).

- Ancre fin chantier -

Caractères fréquents : ♡ 𝚹 💡  ♀           []        (retrouver Mail à camelin 28/8)

Table des matières

Préliminaires

Code mise en page

Liste pour index personnages

Note d’intention

24-30 juillet : L’attente à Sanaa

24/7 - Arrivée (mail à mes proches

25/7 – anecdote sur la Place Tahrir

Mail à Mari

26/7 - Discussion Abdulrahmân

mail à Mari

« Pas apte à vivre en France »

Mail à ma tutrice à Nanterre

réponse de Mari

30/7

29/7 décision de partir

Le « ride » va être doux, doux, doux

Arrivée à Taez

31 juillet

1er août 2003

Centre des jeunes

le 2 août

un « retournement » ds rel Tahir (p.25)

Dimanche 3 17h

« Je m'oublie au clavier » (Mail à Mari, 4/8 au soir)

Le 4 août.

Mardi 5 août – recherche logement au Hawdh

Malaise 5 août (p. 33).

Le 6 août. Après-midi.

Le 7 août 2003

8 août

9 août

13-17 août : Mariage d’Abderrahmane et rencontre avec Ziad

Taymour - 13 août 2003

Zaffa

Le calme avant la tempête (14-15 août)

Ouf ça s'accélère. Notes du 17 août 2003

Semaine à Sanaa avec Ziad

(Lundi)

Mardi 19 au soir / le mercredi 20 matin.

[Discussion du 19 août au soir]

Mercredi 20

Vendredi 22 (écrit le dimanche)

[pages de gauche :]

Le Samedi 23 (écrit le 24)

À Taez sans Ziad

Lundi 25 août : Oussama / coup de fil Ziad

Lundi 25 août, Dimanche 24

Faire le point

Lundi 25 août (suite)

Le mardi 26 août (Nabil, Abderrahman et Tareq parlent de Ziad)

Mercredi 27 août [l’envers du décor] /Dr Ramzi /Nashwan

Jeudi 28 août

Anecdote Walid prépuce - Présentation

Note sur la méthode

Rappel du contexte

Reprise de la séquence interactionnelle

Théorisation de mon approche

Le vendredi 29 août – Le rôle de Khaldoun (commentaire)

Entretien avec Taher sur le Hawdh et l’appartenance régionale

Samedi 30 août. Fouwwaz facilite la discussion

Dimanche 31 août – un sentiment planant au Hawdh / bouleversé par Khaldoun

01/09 – la compagnie de Na’if

02/09 – sentiment amoureux de Khaldoun / entretien Fuwwaz / Gentillesse Nabil.

Khaldoun, un sentiment amoureux

Avec Fuwwaz dans la locanda

Nabil en bonnes dispositions

03/09 – retour de Ziad, reprise du débat philosophique

4/09 premières

05/09

Fin du séjour

Problématisation : la (pseudo) tentative de viol dont je suis victime

29/9 journée de l’incident

Première rencontre avec Lotfi !

Qat chez le Cadi

Discussion avec Lotfi

Une suggestion douteuse de Nabil

Axe Nashwan-Walid-Khaldoun contre Nabil

Sombre espace domestique (Les palabres des jeunes du quartier face au « danger » de Nabil)

Abdelnasser, de la Sureté Politique

Discussion avec Sa’îd / récit Nashwan

30/9 Dernières heures dans le quartier

La confrontation avec Nabil

La fuite à Sanaa et l’alliance avec Waddah

31/9 : premières réflexions dans l’autocar, avec Nashwan

02/10 et 03/10 – Deux jours d’échanges avec Waddah

RQ : conditions de la prise de note

La problématique du viol

Précisions sur la famille

Anecdote Ziad/Waddah en mon absence

Walid al-Bûlîs

Waddah se confie : les douleurs de l’émigration à Sanaa.

03/10 au soir

Al-futuwwât, ou le point de vue sociologique de Waddah

Quartier de Ziad, quartier de Waddah

Dans la politique du quartier, les passions

Après le passage à l’acte (du 5 au 15 octobre)

RQ : L’assèchement de la prise de note

06/10 : Morale de l’histoire, morale de la domination

07/10 : Une mise à plat à trois

08/10 : Un certain « Zandani »…

11/10 : Une fugace remise en question

Dernier passage à Taez

15/10, discussion à Shuwayfa

Chronologie dernières semaines

18/10 Thèmes des dynamiques de la jalousie

Discussion du Jeudi 9 octobre (Notes petit carnet)

Réflexions

19/10 Ziad parle des gens

Précisions trajectoire - niveau d’étude

Dans l’avion du retour

Chronologie derniers jours (2)

Notes après le retour en France

Première spacialisation

30/10 : travailler les affects

15/11 : « Au Yémen, je n’avais pas de visage »

Construction d’une description : un déplacement sur l’espace

début 2004 : les yéménites expatriés ont le dernier mot

Dans l’avion, juillet 2004

FIN DU CAHIER C

Retranscription sélective du journal de 2004

21/8 – Dîner film Hindi

23/8

24-25/8 – tentative Ziad & Oussama comme informateurs sur RP

Ziad veut rompre

26/8 Ammar S comme informateur

26/8 Qat avec Ziad et Ammar al-Nâshirî

Vendredi – colère de Ziad

 

 

Préliminaires

Code mise en page

En jaune, les commentaires de 2018, conçus pour présenter, expliciter, analyser.

 

Verbatim de la page de droite

(censée recueillir les matériaux « objectifs »)
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-08-18T09:19:31.653842449'VP
NOTE: 'Remarques ponctuelles, ajoutées au fil de la retranscription, en vue de leur reprise par l’analyse.']

Verbatim de la page de gauche
(défouloir pour les états d’âmes et les intuitions théoriques)

[B0XXX.jpg] Entre crochets, la référence des pages, sous forme d’hyperlien.

 

Les explicitations ne font pas partie du texte verbatim, mais sont conçues pour faciliter la compréhension.

 

 

Les annotations en rouge datent du mois d’octobre 2003, le moment où, aux côtés de Waddah, je m’affirme contre Ziad.

 

 

 

 

wasâta[piston] : je stoppe l’écriture arabe (trop long) à partir de B056.

 

Liste pour index personnages

Le quartier de Ziad

Famille :

Nabil (gd frère)

Yazid (petit frère)

Cousins :

Ammar, Abdelmawla (cousins directs)

Waddah, Walid (cousins par la Turque)

Voisins :

Nashwan

Mohammed Faysal

Wa’il

 

Ahmed le noir.

 

Salah (personnage extérieur au quartier, envoyé manifestement par le Régime).

 

Les commerçants

Les horlogers (de l’aîné au benjamin)

Lotfi (à Aden)

Khaled

Khaldoun

Marwan [apparaît ici??]

 

 

Les anciens du département de Français

Tareq

Taher

Abderrahman (travaille à Aden, qui m’invite à son mariage au Hawdh)

Jassas (en France)

 

Note d’intention

Retranscription en 2012 : jusqu’à la page 33 du cahier B + coup de tel du 24 août

(2/5/2018) Titre : Le Royaume de Ziad. Comment les humanités détruisent la société musulmane.

+ Exergue :

Quand nos envoyés se présentèrent à Loth, il en eut mal, se sentant incapable de les protéger.

« Une pénible journée ! » se dit-il.

(Coran 11:77)

(traduction de Jacques Berque)

OU PLUTOT: titre : « Une pénible journée ».

09/05/18 11:04:56 Au fond, relisant ces pages aujourd’hui, je réalise que ma recherche n’a jamais eu pour objet que l’islam. C’est ce qui explique mon mélange de dépendance et d’autonomie à l’égard des Yéménites, à la fois leur bienveillance et leur incompréhension.

Seulement l’anthropologie a toujours donné un cadre à cette expérience :

je faisais l’expérience de la société yéménite, un phénomène étrange, dont j’étais là pour percer le secret.

24-30 juillet : L’attente à Sanaa

24/7 - Arrivée (mail à mes proches

---------- Forwarded message ----------

Date: Thu, 24 Jul 2003 19:42:18 +0200 (MET DST)

From: Vincent Planel <planel@clipper.ens.fr>

Subject: looking at the sunny side of life...

Voilà, je suis bien arrive, apres un voyage un peu laborieux avec retards mais interessant. J'ai survole le check point de Qalandia, à l'entree de Ramallah, et ça paie pas tant de mine que ça, vu de haut. C'est un peu comme voir la vesicule billiaire de Catherine Deneuve.

Apres j'ai rencontre une famille de juifs Yemenites que j'ai pris pour des paysans (habilles toutes bariolees, femmes devoilees), jusqu'à ce que je remarque tous les sacs de shoping israeliens (reveil matin en forme de chandeliers, etc). Ils etaient alles voir leur famille en Israel. J'ai demande à la fille, y'a plus beaucoup de juifs au Yemen, non ? Oui, mais ils vont revenir, ils vont revenir au pays. Inch'allah, j'ai dit.

Après y'avait un londonien en habits religieux, fils d'émigrés indiens, venait au Yemen dans les montagnes de Manakha, pour visiter la tombe d'un ancêtre de sa communauté, mort au moyen-Age avant l'émigration des Borah vers l'inde (c 'est une branche du Chi'isme Ismaélien).

Voilà pour le voyage. Julien etait la comme prevu, meskine, il a poirauté en attendant mon avion ! Il habite dans une maison  magnifique, toute crépite en blanc, organisee autour d'une petite cour avec un puit, et des petites cellules avec des petits escaliers partout.

L'ambiance au Cefas est tres sympa. Y'a une dizaine d'étudiants vachement interessants, un vrai loft, si ce n'est qu'il y a peu de filles. Ce trait mis a part, ca n'est pas vraiment le Yémen; la,  ils sont en train de transcrire les paroles d'une chanson folk de la BO de "Oh, Brother…" Je ne suis pas beaucoup sorti, j'ai un peu la tete dans le cul, logiquement. La

ville est tres poussiereuse, on attend les pluies pour tres bientot. Je vais rester la qq jours, pour faire sas avant d'aller tout seul a Ta'ez. Et puis attends que l'arabe revienne, comme dirait Barbara.

Ici y'a un type qui vient de passer dix mois a Taez, comme lecteur de francais. Ce qu'il me dit des montagnes de Jebel Saber me fait baver. C'est pas mal, il pourra me renvoyer a des amis, lui aussi, et il est cool. Je commence à faire un plan d'action, et à me faire à l'idée que trouver un terrain prendra du temps.

Voilà, 7h et demi et il fait deja nuit. Les muezzins resonnent partout dans la ville. Je vais sortir envoyer ce mail dans un cyber, parce que laconnexion du centre est cassee. Reprendre un peu contact avec la ville.

Je vous embrasse.

Vincent

 

 

 

 

25/7 – anecdote sur la Place Tahrir

Enfin, ça n'a pas d'importance, mais j'étais frappé à quel point je n'ai pas senti de mépris social, en particulier quand je parlais à deux jeunes à la fois, l'un étudiant et l'autre bédouin. Askar restera jusqu'à ce qu'il y ait trop de monde autour. Alors il s'éloigne sans dire au revoir.

La discussion tombe vite sur la religion, mais c'est le gamin au vélo qui y tient le plus. Askar me dit que s'il se fait chrétien, son père le tue, et me demande si c'est pareil en France. « Et Mohammed? Tu reconnais Mohammed? » Peu après, un des responsables de l'aire vient dissoudre la foule. Arrivés au souterrain, nous ne sommes plus qu'une poignée, dans souk al-sabah, plus que deux sont restés, et on décide de marcher un peu dans la vieille ville.

Hani.... Jamil…

 

 

Mail à Mari

De : Vincent Planel <planel@clipper.ens.fr>

Date : 25 juillet 2003 22:30:20 HAEC

Objet : Rép : somnambule

(…)

Aujourd'hui c'était très cool. Je commençais à me demander comment faire pour rencontrer des gens en dehors du groupe de francophones du centre, d'autant que mon pote Abderrahman est devenu tonton cette nuit, donc il était pas dispo aujourd'hui. Bon, je suis sorti en ville, manger, changer, et après un jus de mangue je suis allé poser mon cul sur le trottoir d'une grande aire au milieu de la place Tahrir, sur laquelle était organisé une espèce de manège de vélo, de scooters et de mini-motos, que les gamins louent pour 20 rials (0,7F) pour s'amuser. Et c'est la grosse attraction de la place, pleins de gens autour (c'est vendredi).

Alors je commence a parler à un gars qui était assis à coté, il avait une bonne tête, l'air sympa, mais très sale. Bon on papote, et puis d'autres gamins viennent, puis d'autres jeunes. Peu à peu c'est carrément une foule qui s'attroupe, trente personnes qui se massent pour m'écouter baragouiner. Ils sont très curieux de savoir si je reconnais Mohammed, et ce qui se passerait pour moi en France si je me faisais musulman.

Mais c'est très marrant de voir tous ces gens si divers socialement qui se côtoient dans la sphère publique l'air de rien. Comme dirait Millot, je retrouve le sens de l'étonnement, mais c'est aussi un étonnement motivé par une question. C'est forcement comme ça peut être. Bref, c'est assez marrant. Le gars très sale, c’était en fait un bédouin (Badaoui), qui était descendu en ville peut être pour le vendredi. Il était très étonné que j'ai oublie le mot 'chèvre', ça lui semblait un mot de première nécessité...

(tu raconteras ça à ton pote vincent, l'autre…)

Du coup ça me donne des idées de choses interessantes à étudier entre taez et jebel saber, lors du marche, quand les pequenos arrivent en ville... Même entre Sana'a et Taez : j'ai rencontre deux gars, l'un de Taez, habille à l'Occidentale et étudiant en médecine, l'autre habille à la yéméni, keffieh, poignard, veste de costard et futah (tissus porté en jupe), étudiant a l'école des officiers. C'est con, mais je crois que c'est un peu le cliché chaféite/sunnite etc. Enfin ça n'a pas d'importance, les clichés, mais c’est marrant de les voir se comporter l'un avec l'autre (ils ne se connaissent pas). Ces deux-là, je vais les revoir pour qater, peut-être après-demain.

Bon, voila, je suis très content. Les yéménites sont adorables, il me semblait bien…

Ouais, je suis bien content, tu vois, rien que ces deux heures passes avec ces gens, c'est une expérience tellement riche! et puis ça me fait retrouver mon arabe, peu à peu.

Je t'embrasse fort. Bah, ce monde est pas moins structure qu'un autre, si? (…)

Tu sais, je trouve un bon remede de grand mere, quand tu es un peu lasse et que tu as des doutes, c'est d'aller faire un entretien dans un cafe comme le follies [un café à Belleville dans lequel j'avais fait un exercice de terrain pour la fac en licence], avec qq que tu pourrait n'avoir jamais renocntre. Le fait de rentrer en copntact avec qq qui ne te connait pas encore, c'est vachement jouissif, je trouve, tu retrouves conscience de ta personne, de ton visage, et tu redecouvre une sorte de liberte creatrice propre a l'interaction... hum, n'est-ce pas.

Grosses bises (…)

vincent

 

 

26/7 - Discussion Abdulrahmân

 

mail à Mari

De : Vincent Planel <planel@clipper.ens.fr>

Date : 28 juillet 2003 18:23:18 HAEC

À : anais_mari@hotmail.com

Objet : abdu

Chere Mari,

Samedi, j'ai passe une journée magnifique avec Abderrahmane. On a discute de 15h a minuit, d'abord dans son salon a qater, puis au resto, puis devant une chicha. Je ne l'avais pas vu depuis très longtemps, la dernière fois c'était un week end en coup de vent, quand j'étais a Cambridge. Il m'a raconté la fin de son séjour en France, beaucoup de choses que je n'avais pas compris, et puis on a beaucoup parle de son mariage.

Ce type me touche, tu peux pas savoir. Il se livre profondément, et en même temps il sait ou il va. Il a une honnêteté à la fois bienveillante et exigeante, avec ce que ca peut avoir d'intolérance aussi. C'est fou ce type, j'ai l'impression qu'il est comme moi, la même sensibilité et le même regard sur la vie, la même posture. Même avec les filles, on est pareil...

Je ne sais pas si cette enthousiasme etait l'effet du qat. Peut etre en partie. En tous cas ca me fait bizard de te raconter ca maintenant, alors que depuis deux jours je suis malade comme un chien a cause de tout le qat que j'ai avale (erreur de débutant...).

J'ai un peu zoné ces deux derniers jours, à me tenir le ventre, ambiance morose. Je m'en fous, je suis pas pressé. Ce matin, j'ai rencontre une fille qui fait une these d'anthropo-Po -comme elle dit- au Yemen et qui réside dans un village de Jebel Saber depuis qq mois. Elle va me donner des contacts super interessants a taez (des assos de jeunes). J'aimerais vraiment trouver un logement en coloc, ce serait cool, mais je n'espère pas trop.

Bref, il faut que je parte, ici je ne m'attache pas et je reste avec des francophones.

Depuis mon arrivée, Eric, un copain de l'ENS, me dit : " tu veux pas travailler sur les mariages ? " et moi je disais mouais, les marriages ??? Et puis en fait c'est l'histoire de Abderrahman qui lui a donné cette idée, et depuis qu'il m'a raconté à moi aussi, je suis super motivé. Son histoire importe peu, mais tu vois le personnage, Abdu qui veut voir le

visage de la fille avant de s'engager, la famille qui refuse, la fille qui tombe malade, ses soeurs, déçues qui ne trouvent pas mieux, lui qui fait marche arrière etc. (Je vais lui offrir le masque [vénitien] en privé, ça touche un peu un point sensible dans le couple, je crois...) Plus avant ça il y a un an, le caid de son quartier qui le demande en mariage pour sa fille, son père forcé d'accepter, lui qui refuse catégoriquement, etc.

C'est un sujet a double face : d'une part, le mariage cristallise des choses de la structure sociale, c'est clair, mais surtout ça me permettrait de décrire l'organisation sociale du point de vue de l'individu, et c'est vraiment ce dont j'ai envie, c'est vraiment ça, en fait, ce pourquoi je suis parti au men, pour rompre avec une vision distante, quoi que bienveillante, des ménites.

En fait je retombe un peu sur mon sujet " l'identité masculine face au voile ", mais avec un problème mieux posé.

On verra. Mais ça voudrait dire faire de la parente! Me farcir Francoise Heritier, la consanguinité, l'alliance et la filiation... En même temps ça m'aidera aussi à lire tout ça avec intérêt.

Bah, je sais pas.

Enfin, cette soirée, c'était magnifique. Je lui ai beaucoup parle de toi, et de l'entendre parler de sa mariée, de ce qu'il espère et tout... C'est un sujet qui résonne aussi. Et c'est bien.

J'ai trouve la solution pour parler de toi sans m'emmêler les pinceaux (les yemenites te demandent sans cesse si tu es marié). Je vais dire que je suis fiancé : si je parle d'une " girlfriend " ils entendent pute, et si je dis marié, ils attendent les enfants. Non, fiancé, c'est bien. J'ai même la photo sur le canape avec Abu Mari, qui m'a donne sa fille en mariage...

Bon, je renonce à te retransmettre l'enthousiasme que j'ai eu. La l'ambiance est retombé.

Je t'embrasse si fort.

 

« Pas apte à vivre en France »

Constat de l'époque, au cours de discussion avec un ami (abdulrahman al-surayhi) :

Je lui parle de Christine, comment ça s'est passé, et puis ensuite toute l'histoire de Quebec + Moi & Marianita. > Je ne suis pas apte à vivre dans la société française (je ne suis pas capable de jouer le jeu de la séduction etc.).

(...)

Merde, ce sujet est vachement d'actualité pour moi, comme je suis dans une relation un peu sérieuse avec Mari. + des relans de filiation, encore Papa!

> Je m'achète un anneau d'argent et je me déclare fiancé / khatîb ?

Drôle de coïncidence! Mari, j'ai même la photo avec le Papa.

> Faire venir Mari? Bah, c'est surtout pour moi.

 

Mail à ma tutrice à Nanterre

----------- Forwarded message ----------

Date: Tue, 29 Jul 2003 14:38:40 +0200 (MET DST)

From: Vincent Planel <planel@clipper.ens.fr>

Subject: Au rapport.

Chere Sylvaine,

J'espere que vous profitez de vos "vraies" vacances, loin des Arabes...

Voici quelques nouvelles en bref. D'abord, j'ai eu la bourse (1234Euros), donc je suis tres content. Merci pour votre aide. En fait la bourse castex est financee par un leg ; la seule obligation en echange est d'ecrire une carte postale a Madame la veuve Castex !?!

Bon, je suis a Sana'a depuis 4 jours, un peu couve par l'ambiance du CEFAS. Je compte partir le plus vite possible pour Taez. Mon arabe a vraiment besoin d'une immersion totale. J'aimerais bien trouver un logement genre Cite U ou en collocation, mais apparemment il n'y a pas l'equivalent au Yemen, donc je crois que je serai dans un appart, tant pis. Je viens de rencontrer Magi Grabursija(?) qui fait une these d'anthropo politique a l'Ismm et qui fait pour l'instant de l'immersion linguistique dans le djebel Saber et a cote, dans la " Hagariah ". Elle a des contacts interessants a Taez, en particulier des associations de jeunes a travers lesquelles j'ai une chance de trouver.

Je suis en train de laisser tomber mon projet de sujet sur le marche du qat, d'une part parce que Francois Burgat a fait la grimace (encore le qat! Encore les femmes du Jebel Saber !).

Mais surtout Eric Vallet m'a suggere de travailler sur les mariages, ou plus exactement sur les tractations matrimoniales, et l'idee me motive enormement. En fait on a tous les deux etes fascines par l'histoire d'un copain qui etait en France il y a deux ans (un type exceptionnel, faut dire, avec une sensibilite rare), que le sejour en France avait beaucoup

travaille sur la question du voile (et de l'identite masculine...).

Il se marie cet ete, apres des negociations acharnees avec la famille de la mariee qu'il voulait rencontrer sans voile avant les fillancailles, et apres une succession de coups de theatre (le frere s'y oppose, la fille tombe malade, lui renonce, puis, sur le point de s'engager ailleurs, il revient en arriere et accepte de ne la voir qu'apres...).

Ce que je trouve interessant dans cette histoire, c'est de voir comment coexistent les aspirations individuelles et les imperatifs collectifs, eventuellement leur convergence, les negociations au sein de la famille, etc.

C'est un sujet qui me plait beaucoup parce qu'il est assez coherent avec ce que, au fond, j'attends de mon voyage, une connaissance moins superficielle d'un coin du Yemen, et surtout plus emphatique, c'est a dire qui reconnait le point de vue de l'individu.

Alors c'est vrai que c'est un sujet qui releve plutot du domaine prive, donc plus adapte pour une ethnologue... Si je veux avoir le point de vue masculin sur ces questions, il faut que j'atteigne un certain degre d'intimite avec les gens, ce qui n'est pas evident. En meme temps une étude comme ca me dira aussi plein de choses sur la structure sociale officielle, representee, et peut etre justement je pourrai voir s'articuler les deux tableaux.

Enfin, je m'emballe un peu. De toute facon je n'en suis pas du tout la, pour l'instant il faut vraiment que je fasse mon trou quelque part et que je progresse en arabe (pour l'instant, j'ai peur de ne pas comprendre et de gacher mon terrain, du coup je pietine un peu devant l'obstacle, enfin...)

On n'en est pas la, mais j'aimerais bien quand meme avoir votre avis : est-ce que ca vous paraît realisable ? J'ai l'impression que ca implique une intimite a la societe yemenite a laquelle j'aspire, mais dont je suis loin. Et puis ca veut dire que je vais faire de la parente, et je ne suis pas trop fan de la parente a la mode licence de Nanterre, mais bon, c'est pas trop important, ca.

Voilà.

A vrai dire je ne sais pas trop si mes deficiences en arabe alimentent ma reticence ou si ma reticence me rend moins entreprenant linguistiquement. La solution n'est sans doute pas de faire deux terrains, un pour apprendre l'arabe et un pour faire de l'ethno...

Bon, je vais y penser. Je vous reecrirai quand j'aurai fait le grand saut.

Je vais mettre le paquet pour trouver un logement en milieu etudiant.

A bientôt j'espere, par mail. Bonnes vacances.

Vincent

 

réponse de Mari

De :  Mari

 Objet :  Rép : Au rapport. (fwd)

 Date :  29 juillet 2003 20:40:31 HAEC

(…)

Eih, t'es vraiment très très loin, merde!!! mais c'est ton amour pour l'autre qui a rendu possible mon amour pour toi, n'est-ce pas!!!

 

30/7

Mercredi 30

Mari m'a appelé. Je lui ai dit comme ça fait bizarre ou comme c'est triste que elle ne soit nul part où je regarde. J'aimerais m'installer avec elle.

 

29/7 décision de partir

Le « ride » va être doux, doux, doux

29 juillet [j'analyse réticence, et je prends la décision]

Je me décide à partir après demain.

(…) je siffle en revenant de chez Munir, dans la rue noire. C'est un signe. Je suis bien tout à coup. Très content de faire ce grand plongeon. Je sens que le « ride » va être doux, doux, doux.

Mercredi 30

François Burgat veut que je travaille en interrogeant des hommes sur la tenue qui sied à une femme, selon eux. « prisme d'accès à la société yéménite ». Moi je veux quelque chose de plus investi comme interaction…

(...)

Encore, j'ai raconté à Mari le fait que partir à Taez est toujours un saut, mais maintenant je sais que la chute va être douce, moltonée. Je crois que je commence à être pris par le terrain, ou plus exactement par les gens qui le composent (ou pas encore, mais je sens que ça va se passer comme ça).

C'est vraiment nul comme notes!

 

Arrivée à Taez

31 juillet

 

En fait, Tahir est un ami de Patrice. « Comment? Il est encore à Sanaa? Il ne répond pas à mes mails. Les français sont tous comme ça! Khalâss, il est à Sanaa, il écrit plus. Quand il était là, on se voyait tous les soirs… »

1er août 2003

J'ai beaucoup de choses à raconter aujourd'hui. Pas mal de ballades dans la ville, des discussions intéressantes. En même temps, les relations humaines dans lesquelles je suis plongé évoluent si vite, que j'ai du mal à savoir le chemin qu'elles empruntent.

Qu'est-ce que l'hopitalité, ou plutôt quelle est la relation qui s'établit entre moi et mes hotes, entre moi et mon hôte? Je me sens de plus en plus proche de T., et pour autant il fait tant de choses pour moi sans me connaître, et moi je l'accepte sans vraiment le connaître.

Quand on qate, au moins c'est simple. On passe un bon moment ensemble, je sais qu'on a tous le même plaisir, celui de discuter, d'être ensemble. Après, on sort me chercher un appart, pendant plusieurs heures, et il faudra continuer demain. Même si cela se conçoit dans la continuité de la séance de qar, ce n'est pas vraiment pareil. Là je suis vraiment dépendant d'eux - de lui - pour marchander, pour chercher etc.. Je ne sais pas s'il en a conscience ou pas, du fait que cette situation est un peu gênante, pour moi. Le plus fort, c'est que cette disponibilité est comme allant de soi, et moi aussi j'en viens à penser que cela va de soi. Étant donné notre échange, cela va de soi. Cela va de soi que ça lui fait plaisir de m'aider, comme cela va de soi que j'ai vraiment besoin de cette aide. Alors je m'en sors en disant ma gratitude plus ou moins explicitement, en me livrant, en parlant de ma réticence [antérieure] à partir pour Taez.

Mais à bien y réfléchir, je suis sûr que ce qui va de soi n'est pas le même de chaque côté. Bah, je me laisse porter par la simplicité avec laquelle T. fait les choses. Après tout je ferais la même chose, j'ai fait la même chose avec un Samir ou un Abdulrahmân. C'est seulement quand le bénéficiaire est mon égal que je me force (avec Ramon par exemple, dont j'aurais voulu parfois qu'il soit plus discret). Et là, peut-être, je touche à quelque chose. La situation est exceptionnelle. Je suis un étranger.

Tareq, lui, n'aurait peut-être pas fait la même chose. Il n'a pas le même caractère et il est très content de me laisser à la charge de Tahir pour aller retrouver sa femme. Peut-être est-ce aussi qu'il habite en France, et donc qu'à ses yeux je suis simplement un Français. D'ailleurs j'aime beaucoup son caratère à lui aussi, sa façon d'être franc et aussi de bonne compagnie, je me sens assez proche de lui, peut-être à cause d'un fonctionnement « occidental » qu'on a en commun.

Par exemple, c'est à Tareq que j'ai dit en premier que Mari allait peut-être venir. On a continué à en parler dans l'escalier, si bien que Tahir a compris lui aussi. Mais c'est que je sais que Tareq est marié, et je ne connais pas la situation de Tahir, du coup je ne préfère pas aborder le sujet. Je ne lui avais pas dit, d'ailleurs, que j'allais peut-être travailler sur le mariage, alors qu'avec ceux qui sont mariés, je n'ai pas de complexe pour en parler. Encore il y a une heure, j'en ai parlé (en minorant la certitude que j'ai de travailler là-dessus) et il n'a pas repris le sujet. Seulement il m'a dit qu'il a de gros soucis en ce moment, en particulier à cause de son logement (à trois dans une chambre, avec ses frères). Il m'a dit que son père était mort, en passant, et je n'ai pas osé l'interroger. Peut-être en lui montrant mes photos je pourrai en parler avec lui.

(...)

Centre des jeunes

On sort pour aller voir ce type, pas patient du tout au téléphone. Il nous attend devant l'immeuble, forcément le « Centre de la Jeunesse » est introuvable… Pas agréable, a l'air pressé - ne fait pas de salamalek, pour le coup. On sent qu'on le gêne plus qu'autre chose. Pas de programme, pas de site web, inconnu au bataillon, portrait de Ali Abdallah Saleh. C'est un businessman des ONG, des plus antipathiques.

À la sortie, je demande à Tahir ce qu'il en pense, et nous sommes d'accord. On en rigolera par la suite, avec Tareq, Nassir et ?

À propos, c'est peut-être un peu mal poli de ma part d'insister pour rencontrer ces autres contacts, alors qu'il s'occupe de moi. Maintenant de toute façon, pas question d'appeler Farouq, l'ennemi d'Abdallah. Ça ne vaut pas le coup, Maggy n'est pas une piste intéressante pour moi en ce début. Sans doute elle a eu un contact très différent avec lui du fait qu'elle fait des sciences politiques, ou qu'elle s'est placée comme spécialiste, et pas comme petit morveux.

 

Séance de qat. Je touche à l'euphorie. On a déjà commencé quand Nassir et son copain arrive, je lui fais signe du pouce pour lui dire que je suis bien ici - et pas à Tahir - Après, je me sens moins bien (chaleur, mal au ventre…). Nassir fait des blagues relous, et puis il regarde M6, ça me saoule un peu. Du coup je me sens plus étranger, pas à ma place. Alors que les discussions du matin avec Tahir étaient très agréables. C'est lui qui me fait me sentir chez moi.

 

On part à la recherche d'un appart. (…) hôtel meublé somalien. Puis hotels (étudiants étrangers!).

 

[evocation mari]

 

De retour, on parle de l'ethnologie. Ça me permet de justifier mon cahier (le principe du bain, de l'acclimatation expérimentale) : « je note mes impressions sur la ville… » (euphémisme.) (…) il passe pendant que j'écris, railleur : Ah c'est sûr, dans ce pays tu vas en trouver des choses étranges, des phénomènes. Tu vas écrire des bouquins!

Malaise? C'est un peu pesant pour lui, j'imagine. Une raison de plus pour ne pas avoir un colloc. Il faut que j'aborde le sujet de front avec lui, dès demain. Et pas rester trop ici.

Dans ce moment de malaise (intestinal…), forcément, j'ai pensé au journal, au fait qu'ils me voyaient noter. Parano. Je crois que Nassir m'envoie chercher des clopes pour en parler entre eux. J'ai peur qu'ils lisent mon carnet quand ils sont hors de la pièce…

Façon maladroite, somme toute, de déguiser ma méthode : « mes impressions sur… la ville » (cf p. suivante) « il faut que je note les mots arabes que tu me donnes ».

 

le 2 août

Aujourd'hui, j'ai accompagné Tahir à l'université, et au rectorat. Bureaux, tous ouverts, bondés parfois. La plupart des filles voilées.

Je ne sais pas trop quoi dire de cette visite. Bien sûr, c'est différent de la France. Mais je crois que je suis heureux ici parce que je décide que je suis chez moi ici, et donc tout est normal, rien n'est extraordinaire. Je ne m'étonne pas vraiment, quoi.

Aussi parce que je ne sais pas sur quoi m'étonner. // ce qui s'est passé en Palestine. J'ai le regard foncièrement blasé.

Si bien sûr, il y a la présence de ces filles, généralement entre elles, et pourtant on ne voit que les garçons. C'est comme si elles n'étaient pas là, et pourtant elles sont là, et ça se sent dans l'attitude des gens (? je projette? Au nom de quoi ça se sent?)

Peut-être une, des séances d'observation à l'université ce serait très intéressant. Surement. La budda.

(d'abord il faut que je normalise mon aspect).

Discussion dans le bureau du département de Français. Je n'ai pas tout compris, mais ils parlaient de filles. Du genre, si je me rappelle bien « quoi, elle te fait ça et tu n'en profites pas? » Mais je n'ai pas saisi la substance, juste le ton (avec le petit à lunette, belle tête, mais je le sens pas trop, un peu trop facilement séducteur).

 

Entre temps, visite au palais de l'imam (...)

 

EXPERIENCE DU SOUK

 

un « retournement » ds rel Tahir (p.25)

Demain, il faut quand même que je raconte la journée, la partie de qat chez le shikh, la déprime quand il me raconte sa situation… et l'euphorie dans laquelle on finit. C'est dingue comme retournement, lui qui avait mal à la tête, que je ne savais pas quoi dire devant son désespoir… On sort pour dîner, et puis, après l'irruption du coup de fil de Abderrahmân qui nous chasse de l'appart, on rigole et il me sidère.

Reprenons dans l'ordre.

Situation : 6 000 rials par mois, mi-temps. Démarches sans fin pour être nommé. Pense quitter l'université. Les études servent à rien. Dépense plutôt 30 000 / mois … ?

(ses frères l'aident de temps en temps).

(Le cadre : partie de qat, après des discussions sur les sheikhs et la corruption etc.)

Très amère.

Mariage : et du coup tu peux pas te marier?

> Naoual. Se connaissent, se plaisent (travaillent en cours ensemble)

(…)

Ma tentative pour lui montrer mes photos ne donnent rien. Il ne parle pas de mon père et zappe très vite les photos de Mari. Mauvais moment.

 

On va manger. Rencontre Mahfouz. Appart énorme, ridicule. On mange, on rentre. C'est moi qui insiste très fort pour payer, à chaque fois, forcément…

> important pour retournement?

26

De retour ici, je parle de Mahfouz. Pas étonnant qu'il ne trouve pas de boulot. Même toi, tu es énervé en sa présence… En fait vieilles histoires, habitent 4 mois ensemble, répète des secrets… Pas de caractère selon moi.

(…)

Coup de fil d'Abderrahman de Aden.

Lui a dit de libérer, pour laisser la place aux Belges! En fait, histoires derrière. Abd s'est engueulé avec le Mudir, du coup c'est Tahir qui l'a remplacé.

Parle de son caracyrèe. Franc. S'accorde avec le mudir.

Histoire de sa nomination. (Abd de Aden était la première personne du Yémen pour le Mudir > attachement spécial

(switch à l'arabe) C'est maintenant lui qui me force à parler arabe. C'est un délice de l'écouter parler des somaliens. Je ris de bonheur. C'est qu'il est tard...

 

Bon, encore des notes pas très utiles. Je crois que je me serais rappelé de tout de toute façon.

> Questions. Rôle du switch à l'arabe dans tout ça. Est-ce que le fait qu'il parle en Arabe a fait ma fascination, ou surtout ce qu'il dit.

On commence à toucher l'alchimie d'une amitié. Je doute que j'en tire quoi que ce soit pour une étude.

27

Autre question :où, comment se place-t-il par rapport aux jeux de sociabilité standards ici.

Ça veut rien dire. C'est pas grave. Juste c'est quelqu'un d'exceptionnel. Et ce n'est pas un hasard. C'est aussi pour ça que je l'ai rencontré!

Dimanche 3 17h

Ce matin, réveillé par un coup de fil de Pierre, le Belge de Aden, qui veut récupérer l'appart. Je lui passe Tahir, qui lui explique que son frère habite maintenant avec sa femme. Pierre n'a pas appelé le Mudir…

Tahir va se doucher. Moi cette histoire m'énerve. Quand il sort de la douche, je lui dis de ne pas se laisser faire : « On n'est pas en Israel! Khalass, c'est toi qui occupes l'appart, y'a pas de raison qu'ils te virent. » lui dit qu'en plus, le Mudir va pas accepter, ça risque de poser des problèmes avec les voisins, et tout, parce que y'a la femme.

 

J'ai somnolé un peu, puis j'ai réalisé qu'il est parti. Il n'est pas revenu et je m'inquiète. Je trouve bizarre qu'il ne m'ait pas prévenu qu'il ne revenait pas. J'ai appelé Tarek vers 2 heures. Il dit qu'il a du aller qater. Mais il n'est pas au courant de notre proximité. Je sais pas. Ou alors c'est vraiment un gros morceau de choc culturel.

Merde je m'inquiète vraiment.

« Je m'oublie au clavier » (Mail à Mari, 4/8 au soir)

 

De : <planel@clipper.ens.fr>

Date : 5 août 2003 01:11:25 HAEC

À : Mari

Objet : je m'oublie au clavier

Salut la belle,

Tu vois, la routine s’installe un peu, meme si je ne suis pas encore completement installe. Je sqatte depuis mon arrivee a Taez avec un copain du copain de Samir, qui se trouve etre aussi un copain d’un copain francais que j’ai rencontre a Sana ‘a et qui etait lecteur a Taez l’annee derniere. Lui il travaille au departement de francais, et il occupe pour l’ete l’appartement du direteur du departement. On s’entend tres tres bien, du coup ca a traine plus que je ne pensais. Et puis la il y a un blem, un copain du directeur veut occuper l’appartement avec sa femme, il passe des vacances a taez parce qu’il travaille a aden ou il fait trop chaud. Alors on va dedmenager dans l’appart du dessous, qui revient chaque annee au lecteur de francais, et du coup on va sans doute habiter ensemble dans cet appart, le lecteur arrive pas avant la fin septembre normalement. Non, il est vraiment cool Taher. Il est tres facile a vivre et tres gentil avec moi, par exemple il me parle tout le temps en arabe parce qu’il sait que je veux progresser, et il m’explique pleins de trucs.

Ces derniers jours, on a eu cette merde avec l’appart qui lui est tombe dessus, plus sa mere qui est tombe malade et qu’il a fallu aller chercher au village pour l’amener chez le medecin, plus une petite deception sentimentale, et puis l’incertitude depuis qu’il a fini ses etudes, l’universite lui promet un poste a plein temps mais ca lui passe toujours sous le nez a cause de la corruption. Il est tres amere parfois. Faut dire pour l’instant il gagne 30 euros par mois, et meme au yemen c’est rien. Une botte de qat, ca coute au moins 2 euros, et si tu qates pas ici tu fais pas grand-chose. Le moindre coup de fil sur un portable lui coute 2 euros et ca l’enerve pour la journee.

Malgre ca, il est assez detendu le soir, quand il se met a qater, on discute pendant des heures en regardant aljazeera sur la tele du chef. Quand il a des moments de blues, au debut je croyais que c’etait ma presence qui l’indisposait, il ne m’a pas raconte tout tout de suite. Mais je crois que ca lui fait vraiment plaisir qu’on habite ensemble, ca lui change les idees.

Moi c’est finalement ce que je voulais, une coloc, meme si j’y avais renonce. Enfin, je suis vraiment content de m’installer vraiment bientôt, j’ai besoin d’une piece pour moi, d’un chez moi, j’en ai marre d’etre toujours a l’etranger. Bref, je ne serai pas mecontent de defaire mes valises, quand finalement on aura fait sauter la serrure de l’appart du bas ( parce qu’en plus le chef a perdu la clef et le service de l’universite est en vacances…)

Enfin, voila, tu vois, toutes ces histoires betes, mais c’est la vie, ni plus ni moins.

Ces derniers jours j’ai passe beaucoup de temps avec Taher, mais aussi j’ai qate avec d’autres etudiants du departement de francais. Y’en a pas mal avec qui je m’entends tres bien. Et puis ici c’est tre facile de recontrer et de revoir les gens, c’est pas comme a Paris, les hommes s’invitent tout le temps a qater, on passe comme ca, ca se fait naturellement.

Fin aout je vais peut etre suivre qq cours d’arabe a la fac, je rencontrerai encore d’autres gens. Enfin, je dis ca et en meme temps c’est un peu debile, de toute facon il suffit que je sorte pour rencontrer desgens. Hier je suis alle a l’universite avec Taher, ce matin des gens lui ont demande qui c’etait l’etranger, il leur adit que je venais apprendre l’arabe, du coup ils se sont proposes de m’aider, etc. A part le couple d’aden que j’ai vu ce soir, je n’ai pas vu un seul occidental a Taez depuis 5 jours. Ca veut dire que presque tout le monde sait en permanence combien il y a de francais a taez : y a celui qui enseigne le francais, y’a les 5 dee l’assos humanitaire, y’a le directeur du departement dee francias, y’a le boucle qui apprend l’arabe (enfin moi on me connaît pas encore, c’est quand meme unne ville enorme..)

Mais bon, ca veut pas dire grad chose. J’ai parfois l’impression que tout le monde me regarde, mais si je m’arrete pour regarder les gens, je m’apercois que tout le monde regarde tout le monde en permanence. Les gens ne font que ca quand ils marchent dans la rue. Ils regardent qui est qui, enfin je sais pas ce qu’ils regardent, mais c’est comme ca.

Apres, c’est vrai que pour eux (aussi) je ressemble a une star de cinema. Mais bon, c’est pas genant.

Apropos, j me suis un peu coupe les cheveux aussi, tout seul comme un grand ce matin. Ils etaient vraiment trop longs ca passait pas.

Voila, tu vois, je suis unn peu installe deja. Au niveau du carnet de terrain, je note beaucoup sur la facon dont  je fais la connaissance des gens. (j’ai beaucoup decrit sur l’installation de l’amitie avec Taher).

Sinon je sais pas, j’ai quand meme du mal a m’etonner systematiquement, parce que je suis dans unn posture ou je veux etre chez moi, ou dans les termes de millot je suis plus cote empathie. J’ai deja qq idees sur ce dont je voudrais parler, mais ca ne dicte pas mon agenda.

Je progresse beaucoup en arabe, evidement. C’est un plaisir nouveau pour moi, de commencer a faire mes marques dans cette langue que j’ai tant desiree. L’autre jour, il etait deux heures dumatin, et Taher me parlait des Somaliens qui envahissent Taez (comme les chinois a Belleville) et qui font monter les prix parce qu’ils ne savent pas marchander (les commercants prennent gout a l’arnaque..) Bref, c’etait super interessant cette histoire, mais en plus il me racontait ca en arabe, il faisait des efforts pour etre clair, c’etait uun tel plaisir pour moi de suivre ce qu’il disait sans y penser, que je souriais, beat, et je gloussait de plaisir.

C’est des moments de volupte, ca s’appelle.

En fait il y avait autre chose dans cette histoire de somaliens et d’indiens, c’est que de l’entendre parler des immigres qui l’emmerdent, avec son langage a lui et avec humour, c’etait tellement comme les jeunes de belleville qui se plaignent des chinois, ou ceux de banlieue qui se plaignent des arabes. C’etait pas exotique pour un sous ! Mais c’etait en

arabe.

Tu vois, c’est peut etre pour ca que j’ai du mal a m’etonner, j’ai un peu le sentiment que je suis en train de traverser la cascade qui nous separe, Nous, des Autres. Et que finalement,  c’est pareil de l’autre cote.

C’est un peu un secret de polichinelle, ce que je dis la, mais il y a tellement de fascination et de fantasme en jeu quand tu apprends l’arabe ! ; forcement, c’est une langue tellement inaccessible que si tu n’as pas des fantasmes, tu te decourages avant de voir le bout.

J’avais eu le meme sentiment en allant en Palestine, en fait, et je n’etais révolté par rien, au contraire, j’etais vaccine. Mais c’est une autre histoire.

C’est marrant tu vois, je t’ecris comme ca, au fil de mes pensees, et je finis par realiser des trucs que je nai pas du tout marque dans mon carnet de terrain. C’est ca aussi, comme j’habite avec Taher, et taher et moi on a deja eu qq discussions interminables donc on a eu le temps de se regarder dans le blanc des yeux, ben cet etat d’esprit m’habite meme quand je me mets a ecrire, sur le coup de 2 heures du matin.

Merde alors. Tu vois j’avais pas compris que j’etais pris par le terrain.

Mais faut croire que ca y est.

Ben dis donc, faut que je t’ecrive plus souvent.. Ou peut etre pas ;-)

La, je suis assez content, tres content. Emu aussi d’avoir realise ca. Mais c’est pas la peine d’ecrire tout un poeme, t’as compris. C’est triste que par certains aspects, l’ethnologie soit un plaisir solitaire. Si tu etais la, je pourrais bien deverser mon enthousiasme en te faisant l’amour. Mais ce ne serait jamais que mon ethousiasme. C’est pas grave, on a d’autres moments d’enthousiasme qui nous sont propres. Je me disait justement en Toscane que l’amour c’etait peut etre un peu une ethnographie.. Je comprends mieux maintenant. Les plus beaux moments de volupte, c’est quand on est en symbiose et que le temps d’une discussion, on prend conscience de cette proximite. On mesure l’etendue de notre complicite, et pour en faire encore une fois la preuve, pour la mettre a l’epreuve, on fait l’amour comme des betes.

 

 

 

 

 

Le 4 août.

Un gros mail à Mari, à coller ici.

En+

Discussion avec Tahir sur les différences de sociabilité en Fr et ici. Sur le fait qu'on ne voit jamais les gens explicitement pour les voir. (…)

On a pris la décision que je reste dans l'appart de Patrice avec lui. Il m'a dit ça ce soir, quand je parlais encore de trouver une chambre (et j'étais encore dans cet état d'esprit). Mais c'est bien. Comme ça on continue à se voir beaucoup, je progresse en arabe aussi. Mais attention au cahier de terrain. Il me faut rigueur et arriver à m'isoler (voir mail). Par contre au niveau rencontre avec d'autres personnes, je ne crois pas que ça fait obstacle.

(…)

29

[qat chez Tarek] Un truc marrant c'est que c'est quand il y a eu + de monde que j'ai vraiment été intégré à la conversation. Avant je n'avais pas grand chose à dire au villagois (quiveut m'emmener dans son village demain) Ni à Tarek, qui est assez fuyant, je trouve. Ou pas très disposé à parler.

La photo de ton père, ça? Oui, il est déjà mort. Quand? En 91. T'étais petit alors. Et tu es l'aîné? Oui.

Je ne lui ai pas dit que mon père aussi est mort.

 

Ça me rappelle l'histoire du père de Tarek, qu'il m'a raconté hier. Fort, né pdt une famine (pas de pluie). ~18 ans à Aden, jusqu'un peu avant 62. ~20 ans en Arabie Saoudite. Est mort au village 4 ans après son retour. 7 frères, 6 ou 8 soeurs.

Alors tu l'as pas beaucoup vu ton père. Moi? Si! Bien sûr! Il connaissait les droits de la femme et il revenait un mois par an.

 

(...)

Abdu, qui parle pdt des heures de didactique, un peu pour rien dire je trouve.

 

Sardahi et Tahir

Lui a proposé d'habiter avec lui, mais a refusé. Trop suractif. Fatiguant. « Mène le bureau de façon très organisée, autoritaire. Très intelligent. Mélange de français et de Tunisien. »

 

Les blagues sexuelles.

Mardi 5 août – recherche logement au Hawdh

On part à Hawdh al-Ashraf, voir un appartement. Tahir préfère que je loue un appart, parce que ici difficile de faoore venir des gens pour qater, et tout (immeuble de l'université). Quartier où il connaît personne, pas sympa.

Peut-être après il l'occupera avec son pote de Ibb.

Les gens refusent, pas un homme célibataire

 

Diner chez Irakien kebab. Je lui dit qu'il se plaint beaucoup. Même ses amis lui disent. On ne parle pas beaucoup. Il marche devant. Après on chante Fairuz, etc. Mais je le trouve tendu ce soir.

Malaise 5 août (p. 33).

Pourquoi j'écris tout ça? Ça sert à rien. Après je vais devoir tout relire, ça me désespère d'avance.

Le problème, c'est que le carnet de terrain encourage ma tendance naturelle à tout enregistrer de façon obcessionnelle. Si je savais un peu ce que je cherche, ce serait mieux.

 

Et puis la proximité de Tahir est un peu obnubilante. Il me bouche la vue, dans le sens que c'est à travers lui que passe mon contact avec le Yémen. Du coup je ne suis pas responsabilisé, je ne suis pas en train de travailler un rapport au terrain, mais en train de disséquer une relation qui n'a que 5 jours!

Peut-être c'est mieux, en effet, qu'il habite aussi en partie chez Patrice, comme il a suggéré ce soir.

La présence de Tahir est rassurante, du coup je ne me pose pas de questions. Je n'ai pas à agir, car je sais que c'est par lui que je découvrirai les gens. C'est un peu le concept Eurodisney. Je ne fais pas vraiment l'expérience du dehors (?) quoi que je l'ai faite avant… [dans le sens où j'ai été touriste]

Autre question : quel rôle joue dans la dynamique globale de mon séjour, le fait de passer la journée à apprendre des mots?

RQ : Bien sûr, ce questionnement sur la place de Tareq [Tahir] n'arrive pas par hasard. C'est aussi une journée où je n'ai vu que lui (et mon dictionnaire), où il n'est pas particulièrement en forme, on ne parle pas parfois. Peut-être une lassitude, où je ne sais pas.

En tous cas aujourd'hui c'est moi qui doit lui demander de me parler en arabe, ce qui, du coup, me met dans une position plus débitrice que hier ou avant hier.

 

En même temps il n'y a pas de façon globale de s'insérer dans une société, ni même de connaître une société sans connaître des gens.

Après tout je m'en fous, je ne vois pas pourquoi je décompose tout ça. Je vais faire mon étude sur le mariage avec des entretiens…

Pourtant j'attends encore quelque chose de plus de cette immersion. Peut-être qu'il faudrait commencer par en faire le deuil.

Frustration = liée à statut spécial d'étranger?

Mais aussi c'est Tahir qui se plaint, Tahir qui préfère avoir des hôtes étrangers… Fatalement, c'est logique.

 

Le 6 août. Après-midi.

Aujourd'hui, Tahir ne rentre pas, et je ne sais pas trop à quelle heure il reviendra. J'hésite à sortir en prenant la clé, mais surtout parce qu'il est plus confortable de rester dans l'appartement et d'attendre qu'il revienne. Néanmoins j'ai de plus en plus envie de rompre avec cette situation de dépendance, liée à la fois au fait qu'il n'y a qu'une clé, et tout le reste que ça représente pour moi. Il m'accueille très chaleureusement sur mon terrain, et puis il devient un ami, mon seul ami, ce qui est très différent. En même temps je sais qu'il n'est pas possessif, qu'il ne prendrait pas mal que je sorte voir ailleurs. Mais cette cohabitation me prend énormément d'énergie. Je passe beaucoup de temps à me demander si je l'énerve, s'il est énervé à cause de moi, ou si ma présence l'insupporte parce qu'il est énervé. (cela pour les moments où il n'a pas la pêche seulement!)

Ceci dit, depuis quelques jours, la situation a un peu changé puisque Tahir s'autorise à ne pas rentrer pour moi. Donc je suis moins redevable, et cela a un côté libérateur, même si je me demande beaucoup si ce changement d'attitude est lié à une fatigue.

+Ambivalence sur la question de savoir si on habite ensemble ou pas. Hier il me disait qu'il habiterait peut-être un jour sur trois chez moi, quand je lui proposais de mettre le téléphone.

Mais c'est vrai que j'ai envie d'intimité, d'être chez moi et de pouvoir m'y relâcher. Et nouer des relations tout seul.

Lazim :

 

Le 7 août 2003

Hier finalement, je suis monté sur el-Qahira depuis la vieille ville. J'appeller régulièrement mais il n'est pas rentré. Tahir a des problèmes avec Sanaa pour le stage de septembre, il était très préoccupé. Et puis de retour du restaurant, il va chercher un serrurier. Tout excité par la perspective d'habiter en bas. On nettoie. De nouveau de bonne humeur.

 

Aujourd'hui, lever 1h. Tahir va avec moi au RV avec Nasser, puis part vers Hawdh al-Ashraf.

 

(…) [après rq sur Elise et Nasser]

je commence à trouver pesante la compagnie de Taher, surtout quand il est mal. C'est un peu sinistre pour moi. Peut-être c'est mieux de le voir en dehors.

8 août

[Anecdote cheveux, Tahir veut que je me les coupe. Nasser dit tu es libre]

9 août

Qat chez Tarek, mauvaise ambiance avec Abdu. Traduction par mu'tamar.

 

13-17 août : Mariage d’Abderrahmane et rencontre avec Ziad

Taymour - 13 août 2003

Séance de qat chez Abderrahmane. (…) Taymour, habillé en crooner italien, sourires charmeurs mais à peine poli. Faut dire que je le flatte pas quand je commence par lui demander quelle est sa relation avec l'Italie… Fait rien dans la vie. Veut partir en Californie (oncle a un supermarché). Sort sans dire au revoir… pas agréable.

Le soir, danse beaucoup. Fait un peu le travesti de service, en particulier avec une espèce de grand type à barbe, le canon qabili, jambiyya1 et pagne… Dansent longtemps ensemble, les derniers. Thaymûr, il évite mon regard, c'est le seul dans l'assemblée qui ne me regarde jamais. Défiant m'ignore, ne participe pas quand je danse.

Après, je discute avec quelques mecs, assis, lui vient imiter les autres, bouche bée devant moi. Je lui rend l'appareil en m'agenouillant devant lui.

Un type me fait l'hagiographie de l'homme, champion de football, et de boxe… (je ne comprends pas tout).

 

Tahir, au retour, me dit qu'il ne supporte pas les mariages à Taez. « Bourrins », coups de feu, henné, danse débile. Histoires d'accidents avec les coups de feu dans son village. Jeunes qui font les cons…

Tarek n'a pas dansé, en effet. Tahir comprend mon antipathie envers Thaymour. Tareq hausse les épaules. Connaît pas.

(le 13 août)

Tarek : - « de toute façon pour vous [les Français], tout ce qui importe…

[Je réponds :] - c'est l'amooouuuuur.

- c'est faire l'amour.

Je reviens sur l'anecdote dans mes carnets le lendemain matin, encore une fois intrigué par cette danse et le comportement de Taymûr. Je me sens visé, mais je n'arrive pas à l'exprimer de manière satisfaisante, alors j'accumule les détails de la scène, qui devient soudain étrangement vivante dans la description :

 

Le lendemain, jeudi. Quand même, y'a des choses intéressantes dans la soirée d'hier. Les âges déjà. Tous des jeunes, bcp d'ados, et puis des + vieux, peut-être déjà mariés pour certains, je sais pas, qui dansent au milieu, qui mènent la danse disons.

Ces 2, cette espèce de couple qui trônent, les autres grands qui sont tantôt en position de spectateurs, tantôt se joignent à eux. Et puis sinon les + jeunes qui regardent, à part qq uns qui se lancent. Sinon y'a des vieux qui passent saluer le marié, puis ressortent, souvent avec sourire bienveillant. Le frère aîné aussi, qui fait une danse avec Abdu.

+les femmes (peut-être les jeunes femmes) qui regardent depuis la terrasse. Une poignée de femmes voilées et des petites filles. Elles ponctuent le spectacle de youyous (quand je rentre dans la danse, quand le marié se lève…). On ne les regarde pas. Pourtant on doit savoir qu'elles sont là.

Intrusion d'un étranger, assez révélateur.

Place d'honneur (à côté du marié) sujet d'étonnement et de plaisanterie, ajoute à la fête. Manifestement pas, cependant, du point de vue des vedettes habituelles qui n'apprécient pas.

+« vieux », 40 ou 50 ans, qui me prend à part en me disant bienvenue d'une façon un peu protectrice, comme s'il avait peur que l'accueil des jeunes n'était pas approprié.

Zaffa
Le calme avant la tempête (14-15 août)

 

Les premiers échanges avec Ziad ont pour cadre les festivités du mariage d'Abdulrahmân. J'échange quelques mots avec lui le 13 août, jour de la fête du henné, sorte d'enterrement de vie de garçon. Mais mes notes ce jour là mentionnent juste « un type » qui intervient pour me présenter quelqu'un (j'y reviendrai). Le lendemain nous retournons Tahir et moi dans le quartier d'Abderrahmâne pour la seconde étape des noces. C'est la zaffa : l'expédition au village où Abderrahmâne va chercher sa fiancée, le retour en grande pompe avec un cortège de voitures et tous les motards du quartier, et enfin la zaffa proprement dite, une procession cérémonielle d'hommes qui accompagnent le marié jusqu'à la porte de sa maison, où il consommera enfin le mariage. Au retour le soir je prends quelques notes. Face à cette scène excessivement folklorique, je n'ai en fait pas grand chose à dire2. Mais cette fois Ziad a un nom.

Jeudi 14 août. Soir. Zaffa.

Arrivée chez Abdu. Mafraj [salon] avec oncles d'Abd. (ont l'air de se faire chier).

Je salue Ziad qui est en face. Ziad est un type très gracieux de visage, un peu à la J-M Barr.

Je sors. Apprends à danser devant la maison avec le frère d'Abdu.

Départ dans voiture d'un taxi qui parle français et qui était là hier. [le village est accessible facilement, à 20 minutes de voiture sur la route de Sanaa]

Arrivée au village, coups de feux.

Isabelle [une amie Belge d'Abderrahmane, qui assiste à la scène du côté des femmes lorsqu'il vient chercher la mariée] : salle bondée de femmes, fille stressée. S'accrochent. Tension. La retiennent. Abderrahmane rentre la prendre. La protège en sortant.

> mise en scène / expression de la tristesse. Famille pleure.

Retour. Motos.

Entrée du marié et de la mariée.

On attend devant la maison. Discussion avec Ziad sur le capitalisme… Il est socialiste apparemment. Discussion active. Au début parle trop vite, je m'accroche avec humour : en dialecte mais doucement SVP. Il me plaît ce type.

[signe de l'importance que j'attache à cette discussion, je fais un schéma où je note la disposition des interlocuteurs : Ziad et Tarek contre le mur, moi face à eux, près de Tahir qui parle avec Pierre (le mari d'Isabelle)]

Après Zaffa. Chanteur + cœur de shabâb qui scandent.

[schéma du cortège en forme d'ovale, avec le marié et ses frères à une extrémité, le chanteur et les jeunes qui chahutent à l'autre extrémité]

Chansons en liaison avec le marié. Vœux de bonheur.

Rentre peu à peu. À la fin, les shebab [jeunes] le prennent en phagocytose jusqu'à la porte.

Pendant ce temps-là, fête des filles à l'intérieur.

On part. Zayid [sic] me prend par l'épaule, où tu vas maintenant, et me dit à demain. Je lui propose de venir avec nous mais refuse. Me demande combien de temps je reste.

Trajet derrière le pick up en chantant avec ?, copain un peu bourrin mais marrant. On chante Sidi Mansour et Nour el Ain.

[resto de] Poisson [dans le souk], on papote.

Tarek : « Poisson te donne des forces pour faire l'amour, + blagues > c'est pour ça que tu fais des cauchemars. L'autre [le « bourrin »] dit : « tu peux te branler avec T[ahir] ». Tarek dit chut, de réprobation. Puis encore [Tarek :] « Tu vas rêver des sirènes. Moi je rentre chez moi, on "travaille" bien, je dors bien… »

> je ne sais pas s'il a ce caractère lubrique en général ou c'est par rapport à moi?

 

Le vendredi 15 août, c'est la séance de qat. Je suis installé, parmi les étudiants Adénites d'Abderrahmân, et Ziad est installé à l'autre bout du salon. Selon mes notes

 

 

Notes du dimanche 17 au soir (juste après l'extrait déjà cité).

La veille, le 15. [Dernier jour de la] Fête du mariage. Je suis forcé de m'asseoir dans le mafraj [salon], alors que j'aurais bien retrouvé ce Zyad. Il passe à un moment, me salue chaleureusement. Je lui dis : « tu reviens après! »

Je me déplace. [finalement, c'est moi qui me lève et traverse le salon pour m'asseoir non loin de Ziad] Il me lance des questions-test : qu'est-ce que le terrorisme? Qu'est-ce que tu sais de l'islam?

Après la prière et la découverte du vol [on a volé mon portable dans la poche de ma veste, que j'avais laissée derrière moi pour m'asseoir près de Ziad], il ne vient pas avec nous dans le vieux mafraj. Je continue la discussion avec Fuwwaz. Zyad passera à un moment mais n'interviendra pas. Fuwwaz part en même temps que moi et me laisse manger tout seul.

 

Manifestement le 15 août, Ziad a délibérément « fait baisser la pression ».

Son ami Fuwwaz joue le rôle d'éclaireur. Il me fait parler sur l'ethno.

 

Le 14 au soir, mes notes sont moins développées sur Ziad.

Je note simplement : Zyad passe et repart, ne participe pas à la conversation.

Seulement discussion avec Fuwwaz, sur à quoi sert l'ethno.

Au cours de la discussion avec Tahir, le soir, Ziad est évoqué, et je note ce que Tahir m'a dit : « un type bien, ambitieux. Je le connais depuis deux ans. »

Donc à la veille de

 

Ouf ça s'accélère. Notes du 17 août 2003
[A073.jpg] Ouf, ça s’accélère, j’en ai un peu mal à la tête. Ce pays cesse d’être un domaine d’observation. Me voilà pris dans une relation forte, d’une rare intensité, comme mon amitié avec Brice ou avec Momo3. Ziad me fascine. Non seulement parce qu’il est intelligent, fin, beau aussi. Il y a en plus une relation forte de séduction, et une invitation forte de sa part à aller plus loin.

C’est un sentiment à la fois agréable, l’excitation de toucher quelqu’un avec qui je peux potentiellement atteindre une complicité rare. Pourquoi me restreindre à parler d’amour ? C’est une excitation de type amoureux, à la fois chez lui et chez moi. Lui est en terrain connu, il est chez lui, il sait ce qu’il fait ; moi je n’ai pas peur de m’abandonner à le suivre, parce que je suis à l’étranger, loin de chez moi.

Mais déjà les confrontations avec Tahir, qui est mon ange gardien, me mettent mal à l’aise. Déjà j’ai peur du regard des Français de Sana’a que je vais retrouver.

Zyad me fascine parce qu’il a cette solidité entière et cohérente des fous. Il m’invite à le suivre avec une certitude effrayante. Il m’aime et m’admire avec une simplicité sans fond. Il s’offre sans douter, aussi. Zyad est fort, psychiquement. Il parle de religion avec une certitude que je ne veux surtout pas lui ôter, ni même endommager par accident. Et pourtant il m’écoute et se laisse pénétrer de mes certitudes à moi.

[A074.jpg] Déjà, il me semble, notre relation fait l’objet d’une reconnaissance de la part des autres, avant même que je m’y sois fait. Zyad le dit, ia habibi, mon amour, sur le ton de la blague qui n’en est pas une. J’ai dormi chez lui cette nuit, je suis donc déjà désigné comme l’ami de Zyad. A moins que ce soit mon malaise qui projette chez les autres (une compréhension excessive). Cette place reconnue se combine à celle de l’étranger, objet de toutes les attentions et curiosités.

Du point de vue de l’enquête, ce sera intéressant de plonger dans ce milieu de quartier, avec un poste. Zyad est un allié4. Je peux lui parler du fond de mon sentiment, de mes questions sur les gens. On partage une complicité qui nous éloigne des autres. Déjà, hier, je pensais (avec une dose de fantasme) que cette recherche serait la sienne, que ce serait lui qui m’en ferait cadeaux. Je serai le pont par où pourra s’échapper ce regard exceptionnel.
Lire corps contre corps5.

Cette rencontre fait – fera de moi un Yéménite, comme ce Ludovic qui s’est marié ici. Zyad l’exprime aujourd’hui lorsqu’il me présente à Mokhtar, sur [l’avenue] Tahrir : "D’origine française, de nationalité Yéménite". Puis quand on discute du nom [arabe] à donner à la compagnie de bus pour que je paie le prix yéménite : Tahir dit "Mansour" ; je dis "Mansour Ben Lanel" ; Zyad dit "Mansour Zyad".

 Mansour Zyad !

 

[A075.jpg] La veille, le 15. [Dernier jour de la] Fête du mariage. Je suis forcé de m'asseoir dans le mafraj [salon], alors que j'aurais bien retrouvé ce Zyad. Il passe à un moment, me salue chaleureusement. Je lui dis : « tu reviens après! »

Je me déplace. [finalement, c'est moi qui me lève et traverse le salon pour m'asseoir non loin de Ziad] Il me lance des questions-test : qu'est-ce que le terrorisme? Qu'est-ce que tu sais de l'islam?

Après la prière et la découverte du vol [de mon portable. J’avais laissé ma veste derrière moi, comme pour m’excuser d’aller m'asseoir près de Ziad], il ne vient pas avec nous dans le vieux mafraj. Je continue la discussion avec Fuwwaz. Zyad passera à un moment mais n'interviendra pas. Fuwwaz part en même temps que moi et me laisse manger tout seul.

 

Hier, le 16. Nous décidons avec Tahir de sortir manger puis d'aller au Hawdh al-Ashraf. Descendu du taxi [sur le carrefour], je m'engage dans la ruelle alors que Tahir me rappelle, il veut aller d'abord ailleurs… mais déjà [dans la ruelle qui s'engage dans le quartier de Ziad] un jeune m'a aperçu et m'appelle, il me dit directement d'aller chez Zyad, il va me montrer.

Exclamation de plaisir à mon arrivée. Excitation. « Kîf al-hâl, yâ Mansour! » [comment vas-tu Mansour?]. Il crie. Je souris jusqu'aux oreilles. Je m'assois à côté de lui (je ne peux pas occuper une autre place).

[Remarque : c'est aussi la] place de Abderrahmân chez Tarek.

On rigole, je lui demande d'arrêter de crier. Tahir est placé à ma droite, comme de bonne logique, idem aujourd'hui.

 

Discussion sur les études. Diplômé depuis un mois de comptabilité [muhâsaba], mais j'ai du mal à comprendre le mot car il en parle avec un air si inspiré qu'on croirait qu'il parle de philo. Devant mon hésitation (je lui demande si c'est de l'économie) il me demande si le département existe. Oui, sans doute, oui bien sûr… Malentendu / charisme intellectuel [par rapport à la faible valorisation de la comptabilité dans le système universitaire français.]6. Cherche du travail.

 

[A075bis.jpg]

Discussion sur les relations hommes/femmes en France.

Y'a un type qui veut épouser ma soeur, c'est Shahouan [Nashwân] je crois.

(Tahir parle de la voix de ma soeur [je lui ai fait écouter un enregistrement] : fannâna [« c'est une artiste! »])

On parle du PACS. Mariage entre hommes : « c'est vrai, ça existe? ». Je dis oui. Je blague en prenant Zyad par l'épaule, ya habîbî. [« mon chéri »]

 

Abderrahmane passe, il veut que j'aille chez le qadi. Zyad reprend l'ordre : « Vas chez le Qadi. » Alors j'y vais.

 

Je fais mieux connaissance avec les fils du Qadi. Ibrahim, etc. Très sympa. + Wa'il [qu'on me présente comme] le « zayim »7, « caïd » du quartier.

[suit un plan du salon où j'ai noté l'emplacement des neuf convives]

Conflit entre Shahouan et Oua'il

Shahouan dit : je suis d'accord avec toi, l'islam est une religion de merde! Yalla! Pour les US! Oua'il le traite de Sharon. Conflit entre eux 2, insultes (Saddam…)

Shahouan dit qu'il veut faire un PACS islamique avec moi. Je vanne S : « Non je ne veux pas me marier avec toi ». Abd me dit : « Attention, tu l'as vexé… »

Shahouan me dit : « Eh Mansour, tu sais, j'ai des amis, moi, eux ce sont pas mes amis, mais on sort, j'ai pleins d'amis, ceux avec qui je marche dans la rue! » Pour autant est là et reste là.

Engueulade politique entre Abd et Shahouan. « il faut revenir à l'islam, démocratie de merde. » Je le comprend soudain [en le voyant prendre des positions que je ne l'ai pas vu prendre jusque là. Abdulrahmân s'en aperçoit et il est gêné]. Explications et débat en arabe, puis en français. Abd ne veut pas que je le méprenne…

Je présente mon sujet. Discussion sur les problèmes de Abd.

[A076.jpg] Abd sort, je pars aussi. Retour chez Zyad.

 

Discussion sur les femmes, les relations hommes/femmes, le mariage… Zyad me dit : Est-ce que tu réalises qu'au moment où tu vois ta femme, et c'est la première de ta vie, tu veux lui donner tout l'amour de ton cœur? Qu'est-ce que l'amour en Occident? Quand tu as toujours vu des femmes partout, qu'est-ce que ça te fait quand tu vois une femme? Rien. Alors qu'est-ce que c'est l'amour?

Je raconte l'histoire d'amour avec Mari. Le début, l'amitié, l'ouverture qui se dégage, le crescendo de compréhension mutuelle. Toscane. C'est ça l'amour, c'est la compréhension, on ne fait qu'un. Et ça culmine dans l'amour.

Zyad est surpris. Il dit « C'est beau! » et il change de sujet.

 

Discussion sur l'ethno.

[à l'époque, je pensais faire une enquête sur la question du mariage chez les jeunes (la pièce de Ziad ne s'est imposée que plus tard comme objet). En l'occurrence j'essaie de partager avec Ziad des considérations pratiques et méthodologiques sur la compréhension ethnographique]

Zyad déclare qu'il va m'aider. Prend feuille et stylo.

[Déjà quand] je parle de la violence symbolique8, parce que Zyad dit que les femmes en France ne sont pas fières d'être femmes, humiliées. Il note : 'unf ramzî [violence symbolique].

Définir des catégories : étudiants (je motive politiquement par ma volonté de tafâhum [compréhension mutuelle]).

Zyad suggère : très religieux ou pas très religieux. Je dis que je veux garder les deux.

 

[A076bis.jpg]

Définition de la féminité. Le fait de sentir que je suis différent de l'homme et que c'est très bien.

(barbu) homme très religieux, il ne regardera pas une femme. Frustration indifa'. C'est ça l'amour.

Me dit à propos des jeunes, malgré toutes les difficultés, il n'y a pas de désespoir (fîsh ya's), car c'est Dieu qui est maître du destin (qadar Allah).

 

[Note de travail] Théo : difficulté de trouver des choses à dire [sur le problème du mariage, au delà des questions économiques]. Pb matériels > conséquences, ben soit on se marie si on peut, soit non… Masque tout.

Zyad : c'est parce qu'ils s'éloignent de l'islam, avant, ils mariaient leurs filles sans penser au futur. 'ala Allah [s'en remettre à Dieu]. Destin. Aujourd'hui ~mariage de raison.

conception islamique de l'amour. Indifâ'.

Vision du sexe. Ils disent que c'est mauvais pour la santé, car ça fait sortir le liquide de la moelle épinière! Mais ça te donne des points par rapport à Dieu…

 

[A077.jpg]

Comme je parle beaucoup, et avec passion de l'ethno, il se fout de ma gueule : « 'ulûm ijtima'iyya, 'ulûm ijtima'iyya… [les sciences sociales, les sciences sociales…] » mais ça l'intéresse beaucoup, ça se voit.

Lui n'a toujours pas trouvé de femme, il demande à sa mère de chercher, mais il ne trouve pas. Et il ne veut pas choisir à la légère.

(tout à l'heure, Tahir parlait de la période entre fiançailles et contrat (mariage) comme « période de test »).

 

Beaucoup de discussions sur les mœurs. J'essaie de faire comprendre qu'on peut avoir des mœurs sans religion. Pose pb à Zyad. « Tu sais, dit-il en riant, que en tant que musulman, je suis obligé de chercher à te convaincre de rallier l'islam. »

Me propose de rester dormir. J'hésite. Je vais téléphoner à Tahir. Tahir me dit en riant : « Ah, Zyad, attention, fais attention à toi cette nuit »

On mange avec son neveu, de ~5 ans, Tahir. On a parlé d'évolution, de darwinisme. [Ziad me fait expliquer l'Évolution à son neveu] Histoire des familles de singes dont seuls les plus beaux se marient… Plus tard, Zyad me dira qu'il ressent de la tristesse quand il entend ça.

 

Discussion sur le Jihad. Force idéologique. Même meurtre. L'âge d'or… (il suffit qu'Ali Abdallah Saleh déclare le Jihad…)

L'autre part. On parle. Toilettes qui puent. Je reviens il est en train de prier. On allume une bougie.

Me demande ce que je ferai si je meurs et je m'aperçois que les musulmans avaient raison, qu'il existe paradis et enfer. Je réponds que je crois que je ne suis pas loin des musulmans. Je suis quelqu'un de bien.

Me montre sa cicatrice sur la nuque. Un type qui l'a brûlé.

Me dit qu'ici il n'a pas d'amis. Il vit ici dans cette pièce depuis X ans, les gens ne le comprennent pas. Ils disent que je ne suis pas habbub [aimable, sympathique]. Je lui demande alors s'il n'a pas des copains? Il me dit : « si, des tonnes. [Allez] on sort! ». Je ne sais pas ce qu'il a voulu dire.

 

[A077bis.jpg]

À propos de Tahir, Zyad fronce les sourcils quand il comprend que Tahir ne prie pas. (je dis je suis pas l'espion).

 

[A078.jpg] Nuit agréable, mais je n'ai pas envie de dormir. Après deux heures à me retourner dans mon lit, je sors, ballade, puis je prends un jus de citron et deux beignets, vers 5h. Me demandera le lendemain pourquoi je n'ai pas dormi. « je sais pas ». Après il blaguera devant les autres, il a pas dormi à cause des mouches. Je nie. Les mouches, c'est le matin.

Me réveille vers 11h, c'est Zyad qui crie, qui veut discuter. Je traîne. On va déjeuner. Salta. Qat. Douche chez le Qadi. Habits secs de Zyad. On qate.

Zyad dit en rigolant qu'il a passé la plus belle nuit de sa vie, parce que Mansour a dormi avec lui.

+boutade du genre : « comment c'était la nuit avec Zyad » mais je ne suis pas sûr, en dialecte. Et puis je ne sais plus qui, peut-être Walid.

Tahir arrive. On le met à ma droite. Je papote. Il me propose d'aller au syndicat mu'tamar [Parti du Congrès], voie ma moue et propose tout de suite à Zyad aussi, avant que j'aie dit non. Il a compris que je veux rester avec Zyad. Zyad veut pas, il les déteste. [Tahir n'a pas fait cette proposition par hasard mais parce qu'il identifie Ziad au régime]

Abd passe et motive tout le monde pour aller dans le mafraj [salon] du qâdî, où il y a la télé. On part tous, sauf Zyad qui n'a pas envie. Je quitte le royaume de Zyad à contre-coeur.

Discussion de mules avec Riad [un collègue à l'université avec Ziad] sur la Palestine. Je réalise que mon traitement moral est spécifiquement chrétien! - Nous sommes tous coupables… -

Riad ne s'arrête pas. Je regarde ma montre et m'échappe à la mi-temps.

 

[A078bis.jpg]

Zyad est dans la pénombre, il lit des bouquins pour le boulot.

Je lui dis à un moment que je suis très content d'avoir fait sa connaissance.

Je lui demande s'il est triste. Il est fatigué. Mal à la tête.

Je lui dis comme la vie est compliquée en France. Je peux pas simplement profiter des gens que j'aime. Il faut un alibi, une excuse, le paraître.

Il veut que je lui dise tout sur Darwin. Je commence à lui parler des bactéries dans les hôpitaux9. Walid arrive, il veut changer de sujet, ça se sent, ou il en a raz-le-bol plutôt.

Pour Walid, Riad surtout, [je suis un] animal de foire. Questions sur ma copine : combien on a couché… je me plie trop à ces questions, je leur explique qu'on vit ensemble chez l'un ou chez l'autre, la pilule…

Zyad dit : on sort.

On marche, Riad et Zyad et moi. Zyad me prend par le bras, mais mon blouson est trempé alors - pour lui c'est pas agréable - je lui prends la main. Il remarque et dit « Ah, parce que comme ça ça fait "copains"…  ». Je dis non, même ça, comme ça ça fait PD.

Moi je m'en fous de toute façon. On se tient la main tout le trajet.

Je pense à l'autre Français [croisé dans le milieu des expatriés à Sanaa], le musicien, à qui c'est arrivé à Sanaa [il racontait dans la discussion qu'un Yéménite lui avait pris la main].

[A079.jpg] On décide de partir demain à Sanaa, eux ont des entretiens d'embauche.

En sortant de l'appart, Ziad me fait la remarque que j'ai serré la main aux françaises devant l'immeuble. Riad reprend et me harcèle encore de questions, c'est notre religion, c'est comme ça. Je ne supporte plus mais il continue. Je m'énerve. Je lui dis tais-toi. Raz-le-bol. Je parle du regard des gens, de l'attention, ça suffit. Je m'énerve fort.

Après le repas, je peux en discuter un peu seul avec Zyad. Je lui dis que la place d'étranger est fatigante, les gens attendent beaucoup de toi, c'est magnifique, mais c'est fatiguant. Et lui, Riad, je dis, il demande beaucoup. Trop.

Zyad me demande si je remonte avec lui. Je dis non. Pourquoi? Par rapport à Tahir, c'est mieux. Je vis avec lui.

C'est ça aussi, surtout, derrière cette engueulade, c'est la jalousie entre Tahir et Zyad, ma mauvaise conscience par rapport à lui. Ça stresse.

Et puis Riad est surtout con. J'en parle à Tahir ensuite, il me dit : tu veux un conseil, n'aborde pas ces sujets avec eux. Ils sont persuadés d'avoir raison. Moi je ressens ça chez Riad, qui me pose des questions sans écouter la réponse. C'est comme un jeu.

Riad et Nabil, le frère de Zyad, lui ont demandé [à Tahir] pourquoi il ne me parlait pas de religion. Il leur a dit que je pouvais très bien me renseigner tout seul.

Bref. C'est là dessus que Tahir exprime qu'il voit d'un mauvais œil que je traîne là-bas.

Mais Zyad n'est pas comme ça. Du moins pour l'instant.

 

[A079bis.jpg]

[Je note le décalage entre le père, qu'il me présente comme agriculteur, et la mère en ville]

Zyad. Père agriculteur, au village. Mère ici (?)

Famille de la mère de Walid d'origine turque. > la mère est 'ammat ou khâlat Zyad ? [tante paternelle ou maternelle]

 

[A080.jpg]

[Je prévois de faire rencontrer Ziad à un autre Yéménite que j'ai beaucoup apprécié, un peintre rencontré chez un Français (Munir) de Sanaa…]

La confrontation Nasser / Zyad, ça va valloir le coup si il est toujours chez Munir.

[…mais précisément, Zyad se dérobera à cette confrontation. Il reste à la porte et refuse d'entrer. Ce sera notre première engueulade.]

Il s'ouvre un certain nombre d'horizons de recherche sur la sociabilité masculine au Yémen. Places. Mains. (Riad essaie de me la prendre quand il discute, je fais semblant de ne pas faire attention, je balance les bras). Voisinage. Gestion des conflits. Tout le monde sait qui qate avec qui. Égalité de surface, d'espace, affinités qui se déchiffrent après coup.

Wâ'il - Ibrahîm.

Tariq - Abderrahmane

C'est marrant, j'ai passé au moins une après-midi à la droite de Riad, sans rien trouver à lui dire. Maintenant il est toujours là, il me harcèle de questions. Est-ce juste la curiosité pour le haram? [je pointe ici un problème qui sera au cœur de nos conflits ultérieurs, et de mes interprétations sur le charisme de Ziad : Ziad arrive toujours à déléguer aux autres le « sale boulot » de me mettre à l'épreuve. Riad lui reproche aussi de son côté de « s'approprier le Français ».]

 

Zyad et l'islam. L'islam lui va si bien que j'aimerais qu'il me convertisse (fantasme).

Je crois comprendre quelque chose que j'ai trouvé chez Momo, Brice, Zyad, et pas chez Mari, et d'autres l'inverse. Le tafâhum [compréhension mutuelle] qu'on atteint avec Mari est d'une autre nature. Plus en complémentarité. Zyad, c'est un face à face dressé de deux êtres forts selon les mêmes critères, et qui s'estiment mutuellement, et qui s'adorent. C'est peut-être plus fort au début et ça explose. Peut-être ça finira par exploser. Moi ou lui. Ou lui se retirera, et je serai déçu. Bon. demain on part à Sanaa.

 

 

[A080bis.jpg]

Mais encore quelques remarques.

-N'ai-je pas déjà grillé mon terrain avec des histoires de pas de religion? Comme dit Tahir, mauvaise influence…

-Je dis au frère de Zyad que je rencontre pour la première fois et qui me demande ma religion (les autres répondent pour moi) que je n'ai pas de religion mais que ce n'est pas ce qu'ils croient que c'est, mais là je suis trop fatigué pour en parler.

-Discussion sur la Palestine, sur Jess [une amie américaine et juive], avec Riad. L'autre vieux (avec le gamin) devant nous écoute d'une oreille, et puis le type beau dont la mère est africaine aussi (on me le présente comme tel) sur le sujet de ma mère qui vit seule.

-Pour qu'il achète les billets, je donne 2000 rials à Zyad. Moi aussi j'agis dans cet environnement…

-Copain d'Abd, voisin, bonne tête, cheveux bouclés, blouson. Je le rencontre souvent. Il me regarde. Je sais pas grand chose de lui.

-Zyad me présente aux types qui habitent en face de chez lui, dans la cabane (proprio du terrain)

-hier le gd père du mafraj qui me voit et me demande si on a retrouvé le portable. Je dis non, ala Allah…, ça va… [je relativise]

-Abd plus calme ici!

-Walid qui me montre l'épicerie du carrefour ??? J'ai pas compris pourquoi.

-Tahir ne connaît pas Riad d'avant.

+frères d'abderramane : pistolet.

 

[B001.jpg]

Comme je lui ai dit il y a une heure, je sais déjà tout sur toi ce dont j'ai besoin pour ma recherche. Tu aimes lire le Coran, lire les bouquins de comptabilité, pas trop papoter de tout et de rien - ne qate plus depuis 3 mois - A le sentiment que les gens ne le comprennent pas. Père agriculteur, non éduqué. Vit au village. L'estime et l'aime comme son fils qui a fini ses études brillamment. Fiancé, mais sans contrat encore… Beaucoup de choses que je sais déjà de lui et que je n'oublierai pas.

Et je ne le connais que depuis 3 jours, et il nous reste beaucoup de temps à profiter de cette compréhension qu'on pressent et qu'on s'empresse de confirmer. Tout ça n'a rien à voir avec la société masculine yéménite. Tout ça est à moi et à lui.

Je suis pourtant pris par l'envie ce soir de fixer l'image que j'avais de lui au début, pendant le mariage, une image qui est encore fraîche dans ma mémoire et dont je sais qu'elle restera unique, je n'en ferai plus l'expérience. Déjà je le connais de l'intérieur, déjà je ne le vois plus pareil.

Tranquille, distant et pourtant très avenant, il n'est pas de ceux qui se sont jetés sur le Français par curiosité. Très vite cependant a capté une

Khalâs, ça sert à rien.

Ça mourra avec moi.

 

Semaine à Sanaa avec Ziad

(Lundi)

Me parle de sa fiancée. « Réunion » tous les mois, 3h, pour se tenir au courant et discuter de l'avenir. Lui a interdit d'aller à l'université.

L'aime parce que c'est la première fille qu'il a vue (cours particulier). Lettre.

 

[Page de gauche :] Le mariage n'est pas un sujet de sciences sociales. Hommes et femmes ne vivent pas dans la même société. Je veux travailler sur ces quelques maisons du Hawdh al-Ashraf.

 

Comme il me présente à son pote Oussama, avec moulte « je t'aime ». ça ne pose pas de problème vis-à-vis de Oussama on dirait.

[Page de gauche :] → il existe une place de ce genre dans la société yéménite.

 

Parle de Riadh, est d'accord.

Meilleur copain à Taez : Abderrahmân. Mais est d'accord avec moi, voit ce que je veux dire.

Ne fait pas attention à ces choses, genre compétition entre lui et Tahir.

 

[Page de gauche :]

Ziad : « Burj Eiffel! Kayfa tuslih 'indamâ tamull? »

Ousama : « mush hâdhih al-burj! ».

Sehr muhim

 

[Page de gauche :] L'ethno comme travail de traduction. Bien sûr, mais en quelle langue?

 

Aujourd'hui. Bus. Riadh pas avec nous.

 

Tahir en stress avec moi, je ne me suis pas réveillé, on va chez sabaphone, puis à l'arrêt de bus… Tahir me dit « Rah al-hawa » (en chantant). Et puis ensuite : « Pars et reviens en 'santé', vincent. » Il s'exprime plus tout à coup, dans ce resto vietnamien.

 

Appart où vit Oussama, appart plein de jeunes Taezzis qui travaillent à Sanaa temporairement pour se marier. Lui marié et un enfant.

 

Bus. Akhlâq. 68. Libération sexuelle.

Darwin. Palestine.

« Innî uhibbuka kathîran yâ Mansour! »

On sort manger. Marche beaucoup, quatre heures.

Je parle beaucoup. Société d'individus.

Qu'est-ce que l'amour. ([Ziad répond :] tu vois les défauts comme qualités).

 

Mardi 19 au soir / le mercredi 20 matin.

 

Mais il faut quand même que j'écrive sur Ziad. Il se passe chez lui des bouleversements dont je veux garder la trace, parce que cette histoire m'attriste, profondément.

Mardi matin, réveil tôt. Peu de sommeil. Je suis Ziad au ministère des télécommunications pour son inscription et postuler à des postes de fonctionnaire. Je suis content d'être avec lui mais un peu la tête dans le chou. Je décide d'aller faire une sieste au CEFAS.

C'est pire là-bas. Je me pose trop de questions, et puis le contact avec les Français du centre, dont je sais qu'ils ne comprendont pas, me rend malade. Je ne sais plus ce qu'il est pour moi et réciproquement, je me sens coupable, je me sens fiévreux, l'amour maladif, quoi.

Les e-mails de Mari me font beaucoup de bien. Elle parle de nous, d'une voix qui m'est familière, elle rappelle notre amour. (théo) Je reprends mes marques avec ce sentiment, indépendamment de ses manifestations sociales.

Nous achetons du qat à souq al-Sabâh. Finalement je lui propose de qater à al-Qâ' chez Julien, mais il refuse. Ce que je lui ai dit hier, les amis de mes amis ne sont pas mes amis, l'a beaucoup marqué. Il n'a pas envie de les rencontrer. « Demain on va voir mon grand-père au village ». (le soir il nuancera sa position : « On voit tes amis demain? »).

Le qat aussi fait son effet et me détend. Mais je reste bouleversé, tendu. Je n'ai pas la tête à discuter avec mon voisin, qui est sympa pourtant, et qui veut me parler des différents types de mariages. Je m'en excuse en leur expliquant carrément que je suis perdu, après un mois sur place.

 

Dans ces conditions, Ziad m'écrit un petit mot sur l'amour qui ne me satisfait pas. (théo) Je voudrais des réponses françaises, qu'il me dise ce qu'il en est du point de vue de nos critères : est-ce que cet amour est un amour d'affection, de passion, est-ce que cela porte à conséquence sur l'amour qu'il porte à sa fiancée, etc… Sauf qu'ici, ces questions n'ont pas de sens. L'amour est tout à la fois affection et passion (à vérifier en discussion), et il n'y a strictement aucune raison que celui-ci interfère avec sa vie conjugale future.

En sortant, je me précipite pour lui dire que son affection me retourne, car les manifestations extérieures sont différentes des françaises. Je ne veux pas parler du spectre de l'homosexualité, je crois qu'il ne comprendrait pas. Je m'en sors en lui disant que lui, son amour lui vient de Dieu. Nous on est responsables de l'amour qu'on porte.

 

LE MOT DE ZIAD

L'amour : c'est cette sensation étrange qui s'empare de l'individu.

Et l'être humain ne conçoit pas l'origine de cette sensation.

Et l'amour est considéré comme faisant partie des choses non-palpables, mais qui affectent la personne en profondeur et avec force.

Et il existe des divergences entre les points de vue sur la définition de l'amour.

L'islam a traité de l'amour et a prescrit au musulman l'amour de Dieu, de Son prophète, du Saint Coran, l'amour des deux parents, des frères et soeurs et des proches parents, et des voisins.

Et l'islam ne dit rien de l'amour avant le mariage.

Mais il a prescrit que le fondement de la vie maritale soit l'amour, et s'il n'y avait pas d'amour et d'affinité entre les époux, alors le divorce s'impose.

La vision de l'islam est que l'amour vient après le mariage et non avant, et en même temps l'islam a posé des critères pour le choix de l'épouse, et également des critères pour les pères dans le choix des époux de leurs filles.

Ziad.

 

[Page de gauche :]

 

Théorie.

Relation entre hommes, simples, explicites.

Je t'aime. Bam. C'est comme ça.

Peut-être n'y a-t-il pas de questions à se poser. Du moins c'est ainsi que je vois les choses après m'être replongé dans un milieu yéménite.

 

+Pas de relation de domination?

Aimer n'est pas dégradant.

 

// Brice. Même genre de personnage au niveau sociabilité. Mais amitié de ce type incompatible avce son estime personnelle.

// Brice. Un homme intelligent sans religion. Rien de plus laid.

 

Freud… « homosexualité refoulée ». Kesako?

J'ai l'impression que c'est un écho, un mirage. Ou alors je n'ai jamais compris ce mot, je lui ai toujours associé des connotations morales.

Homosexualité refoulée = sentiment d'amour refoulé parce qu'il est homo.

Formulations différentes! Conséquences.

 

[Discussion du 19 août au soir]

[Page suivante :]

[Le lendemain matin, je poursuis chronique de la journée commencée le soir. Je reconstitue le déroulement de notre conversation, en décalant l'écriture selon que les arguments sont avancés par Ziad ou par moi. J'ajoute des guillemets pour clarifier.]

  Ziad. Râfi'

Ensuite, discussion.

[Ziad :] « Est-ce que tu penses qu'il y a moins d'intellectuels au Yémen? (ou plutôt [me dit] quand t'arrives, t'imagines pas…) »

[Moi :] « Les voyages forment la jeunesse. Coexistance et compétition des modèles et des convictions. Stimulant. Doute. Société de classe. »

 

Parle de qiyâm [~ « valeurs » - probablement il m'introduit le mot en insistant dessus, comme un mot qui me manque] mais on perd le fil.

 

[Ziad :] « Je préfère qu'on prenne un point et qu'on en discute. »

[Moi :] « Alors tu choisis. »

[Ziad :]« Comment les sciences sociales expliquent-elles que dans les mêmes conditions, le même individu puisse réagir deux fois différemment? »

[Moi :] « Mais il y a des raisons, toujours. » Je reprécise l'objet des sciences sociales / descriptin de la langue, c'est-à-dire ce qui ne varie pas, précisément, le code. Me demande exemple : salutations, demande d'aide… + variables pertinentes au sein d'une société : classe, religion… Digression sur habitus. Choses qu'on fait sans y penser. [je précise] « Cette idée ne plait pas, surtout en Occident, parce qu'elle porte en elle une négation en partie de la liberté ».

 

À partir de là, Ziad s'éloigne, il ne parle plus. Avance plus vite. Je parle avec Riad de sa famille et de son enfance à Sanaa. Riad part. Je m'excuse de l'avoir traité d'âne [lors de la scène de dimanche soir]. Après Ziad me dit qu'il a des problèmes de confiance en soi, de concentration et psychologiques.

 

[rajouté ensuite sur la page de gauche, faute de place :] Question [de Ziad] : « Est-ce que tu crois que on peut changer ses habitudes (sulûk) à 40 ans. [Je n'ai] pas compris → oublié.

 

Je dis à Ziad que je ne veux pas qu'il croie que comprendre sa religion est secondaire. Sa religion est ce qui, en partie, m'attire chez lui. Je veux faire l'expérience, ou que tu me la communiques.

[Ziad :] « Tu ne peux pas comprendre. Tu comprends la morale (akhlâq), pas la religion. »

[Moi :] « Je comprends la religion! »

[Ziad :] « Non! »

[Moi :] « Si! Tu sais on a tous le même cerveau, et il y a des idées qu'on place au dessus. »

 

Je lui présente mon histoire comme fondatrice de ma personnalité et de ma personne. Elle répond à pas mal de choses dont on a discuté.

Personnalité de mon père (Ma mère psy). L'accroissement de la douleur [avant que l'on diagnostique le cancer], indépendance de l'adolescence, dans l'opposition.

Découverte du cancer, changement de comportement [dans rapports père/fils], théâtre, je fais le beau. Momo. Arabe = formules magiques.

[pages de gauche :] // Coran! Je n'y avais pas pensé…

Mort de mon père sans que je change de posture.

Les yeux restent.

[Ziad :] « Ah, c'est donc ça. Dans l'islam, tu es seul avec toi-même, sauf Dieu qui te regarde.

[Moi :] yeux = discipline.

Motivation pour l'ethnographie et pour l'arabe. Tous les arabes sont des Momos, jusqu'à toi. C'est peut-être pour ça que ton affection me touche tant, pour la première fois c'est une relation vraie, et pas fantasmée.

 

[Ziad :] Question sur la religion juive.

[Moi :] Femme pas propre

[Ziad :] Mais quel est le châtiment [dans le judaïsme]?

[Moi :] Israël différent. Lieu…

 

Là, déjà, il ne me tient plus la main, et plus jusqu'à la fin.

 

[Ziad :] « Moi je crois que ce que vous avez, ce sont des mœurs, pas une religion. »

[Moi :] Je suis d'accord. Expérience de [visite d'une] l'école coranique [lors de mon premier voyage au Yémen] il y a deux ans. Touché. Trésor. [Je ressens un] Parallèle avec ma foi, ferveur.

[Ziad :] « Ça m'intéresse beaucoup parce que il y a beaucoup de oulémas qui réfléchissent aujourd'hui, comment ressusciter la ferveur. Mais ils s'y prennent mal, ils n'ont pas compris ce qui se passe dans la tête des gens. Ils ne connaissent pas la sociologie. Moi ma recherche personnelle, c'est comment concilier logique et la comptabilité (??) religieuse (à préciser). Obligation du Coran de transformer sentiment en logique. Mais les gens l'appliquent mal.

[Ziad :] « Il y a des scientifiques qui disent que les sciences sociales ne sont pas des sciences, mais en fait elles sont beaucoup plus dangereuses que les sciences naturelles! »

[Moi :] « Oui, et c'est précisément pour ça qu'elles ne sont pas des sciences (Bourdieu)10. Je parle de ce qui se passe quand j'écris un e-mail, que ça me remet dans des questions françaises. »

[À propos de ma réplique à la remarque de Ziad sur la dangerosité des sciences sociales, j'écris sur la page de gauche :] J'ai rien compris!

[Moi :] … [Edward] Said11, recherche financée par sociétés pétrolières. Catastrophe. Aux Arabes de combler les places. Les gens en Occident ne mentent pas, il n'y a personne pour leur dire la vérité. Et tu vois que peut-être, la religion ne suffit pas, pour ça il faut l'université.

[Ziad :] « Pourquoi les musulmans sont fous de Dieu? » (là il le pense).

[Moi :] Je parle des recettes de la bonne conscience de gauche, la pauvreté est le terreau de l'ignorance (peut-être, mais…). Pourquoi les français sont pro-Palestiniens? À cause des tiers? Parce qu'ils ont des akhlâq, une morale. Chrétienne. Pardonne (on est tous coupables / les premiers seront les derniers. Même pour Ben Laden…

[Ziad :] « Alors tu penses pas que Ben Laden avait un but politique »

[Moi :] [Alexandre] Adler

[Ziad :] « Quelle nationalité? »

[Moi :] Ben, oui peut-être (il rit) [Je suis forcé d'admettre qu'Alexandre Adler est juif.]

Je parle du Pakistan… il écoute.

[Ziad :] « Pourquoi fous de Dieu alors? »

[Moi :] // Shoah → Israël. Humiliation. Violence symbolique de CNN. Et réactions pas prometteuses.

 

On arrive à la fabrique de pain, enfin, il est ~ 1h30. Discussion avec Fahmi, très sympa. On a déjà parlé l'après midi : Fahmi ~ « Si tu veux étudier les 'adât [coutumes] yéménites, il ne faut pas que tu regardes les gens qui ne sont pas mutamassikîn [pratiquants], il faut que tu lises le Coran. C'est ça al-akhlâq. + référence à travaux de mustashrikîn, je sais pas très bien.

 

La nuit. Je suis plus en forme, d'humeur communicative. J'interviens beaucoup, avec humour. Ziad dit de moi que je suis une université à moi tout seul, on m'écoute comme ça. Au fur et à mesure il [Fahmi] me regarde avec de plus en plus de sympathie. Mais il parle vite et s'exaspère quand je ne comprends pas. Je blague et souris, fais des efforts. Je raconte mon arrivée au Yémen, les différents sujets, l'histoire d'Abdulrahmân…

Alors il me demande si je suis chrétien. J'hésite, je regarde Ziad, finalement je dis oui. Alors discussion sur le mariage chrétien, amusé : le rite, le baiser, le riz… Je mime et ça l'amuse. Il m'aime bien et ça se sent. Me demande si je prie, je dis que je ne suis pas baptisé, avec un peu d'embarras. Il est étonné, me demande pourquoi. Mes parents ont pensé d'abord…

Il est étonné. On part se coucher.

Je dis à Ziad : « Il ne m'a pas demandé si Dieu existe! »

- « Comment il t'aurait demandé, tu as dit que tu es chrétien! » - c'est vrai - je n'ai réalisé.

Je suis troublé. Attristé. Quand il revient des toilettes, je dis à Ziad : « Je n'ai pas menti. » Il fait la moue…

 

[sur la page de gauche :]

Ce soir-là deux heures pour dormir. Je pense aux conséquences de nos discussions, je comprends l'intérêt que Ziad y porte, et j'ai peur de détruire ce qui fait sa beauté. Histoire tragique.

Je pense à écrire un essai en trois parties, qui commencerait à la maladie de mon père, et qui finirait ce soir.

 

Mercredi 20

Lever. Je me sens bien à Sanaa. Ziad me laisse écrire, puis on va manger dans resto taezzi avec Oussama. On passe au CFEY, je dois insister pour que Ziad entre. On qat avec Riad et un autre, puis match. Je vais écrire et taper un mail. Merde dans le cyber café, je suis en colère et en retard pour aller chez Nasser.

Devant la porte, Ziad refuse d'entrer, il dit « alors combien de temps on t'attend? » Je dis : « Euh bon, tu veux pas rentrer? » mais en soupirant, je pars sur mes grands chevaux, tout ça parce qu'il fait du dessin et qu'il traîne avec des Français. Je dis peut-être c'est mieux, plutôt que tu sois mal à l'aise… C'est juste un copain qui peint et qui a pratiqué le sexe avec une Française, si c'est ça qui te gêne?

[page de gauche :] ça je ne lui ai pas dit avant, mais moi j'ai projeté [que c'était la raison de son refus].

 

Soirée mal à l'aise. Je n'ai rien à raconter. +l'heure avance et approche 12h où il doit appeler, plus je suis mal à l'aise.

[page de gauche :] Je saute de normes en normes, de bon sens en bon sens. Ziad a dû sentir mon stress.

D'emblée, je décris Ziad comme très religieux (J'ai appelé Nasser en lui disant qu'il est très religieux). Et je dis qu'il n'a pas voulu entrer à cause du fait qu'il est dessinateur. [page de gauche :] → ???

[page de gauche :] +Je réalise l'extraordinaire de la situation, je suis dépendant de lui, il est toute ma vie à Taez, depuis quelques jours. Je ne veux plus voir que lui.

Téléphone de Mari qui n'a pas arrangé les choses, avec le mail, je me suis retrouvé en France. ↗ stress.

Discussions sur l'étrangeté des moeurs yéménites, le voile. Malaise.

Après le départ de l'autre, vers 1h, Nasser me demande ce qui ne va pas. Je lui raconte tout. Je pleure. Lui dit que ce n'est pas normal, de dire « Je t'aime ». Je parle même de mon malaise ou de ma fascination pour la religion.

 

[page de gauche :] + Nasser qui admire la France et qui me demande de juger.

Ce mélange d'incertitude affective, culturelle…

Je ne sais pas ce qu'il ressent, je ne sais pas ce qu'il est. J'ai l'impression de devenir fou quand je reviens en France.

 

21 au soir

ψ

Mariage d'Abderrahman.

Finalement Ziad ne m'a pas appelé de la journée. J'ai essayé de le joindre par Riad et à la boulangerie, sans succès.

Je suis triste de ce qui s'est passé hier soir. Je ne l'ai pas compris. Il pouvait bien ne pas vouloir sortir chez mes copains, j'ai caricaturé sa décision. Je l'ai caricaturé.

 

Pourquoi tant de malaise?

-Choc des cultures. « Je t'aime ». Mais aussi :

-Force des moments que j'ai passé avec lui.

Pendant 5 jours, toujours avec lui, il est non seulement mon ami intime mais aussi ma carte de visite, celui à travers qui les autres me voient et, surtout peut-être, celui à travers qui je vois les autres.

Collusion, le temps de qq jours, d'une relation personnelle et d'un espace public qu'elle envahit.

+sobriété de la vie d'avant, ethnologue en début de terrain.

J'ai un peu peur qu'il se soit rétracté, pour Dieu ou je ne sais pas.

Coup de téléphone de Mari m'a fait du bien. On peut parler pas mal et ça m'aidera je pense. En même temps je crois qu'il ne fait pas qu'on en prenne l'habitude.

Demain je veux aller le matin à la boulangerie. Je veux m'excuser pour l'autre soir.

 

[page de gauche :]

Je dois le voir demain matin et lui demander de me parler :

  1. 1.de l'exceptionnalité de notre relation ou pas (pour avalider) 

  2. 2.Pourquoi il est resté dehors. Sentiment ou principe, humeur? 

Est-ce que c'est pas moi qui meuble, camouffle par du politique un malaise qui est en fait en moi. Je suis amoureux de Ziad, alors que je suis censé être seulement amoureux de Mari.

  1. 3.Pourquoi en général, il ne veut pas voir les Français. 

Est-ce qu'il est un peu fou aussi?

Est-ce que ce « je t'aime » ne surprend personne parce que je suis étranger?

 

21 au matin

Discussion avec Julien [Dufour, doctorant linguiste rattaché au CEFAS]

-public/privé dans le mafraj. On s'assoit à côté de son pire ennemi.

→ c'est ça qui me bouleverse. Cette relation définit à la fois ma personne intérieure et extérieure, dans le regard des autres.

Christianisme. On est tous censé s'aimer.

Ici pas de problème devant les autres.

 

21 au soir

θ en liaison avec ψ : comment observer indépendamment de la situation d'enquête?

Mais en ce moment, je n'ai d'yeux que pour lui.

 

Vendredi 22 (écrit le dimanche)

Vendredi matin, taxi pour [le quartier de] Sheraton. Ziad est à la prière, je l'attends dans sa chambre et dors un peu. À son retour, content de me voir, mais sens petit malaise. Il dit : « Comment? Oussama ne t'a pas téléphoné? » « Riad a essayé mais a raccroché… ».

Repas avec les autres. Départ pour qater.

Ziad dit : « tu ne m'aimes plus? » A l'air d'avoir le blues.

(Je surprends les autres, ayant oublié [en partant] de laisser mon sac [dans la pièce], à faire les cons en « sodomisant » un des leurs. Je rigole : « C'est ça les moeurs des musulmans? »).

Sur le trajet, je demande si la peinture et la musique sont haram.

Scéance de qat dans le quartier de ses oncles, khâl [maternels]?

Mafraj plein de gens de sa famille, tous de Taez. Au fur et à mesure, j'aime la conversation sur les sujets politiques (ignorance des gens, appliquer l'islam en connaissance de cause…). Ziad et moi sommes plus proches, mais il me dit qu'il est triste.

C'est Ziad qui me propose de partir. Dehors je commence à lui parler.

Susp. Jugement. « Je suis triste de ce qui s'est passé hier ».

-Je n'ai pas voulu voir d'autres raisons que l'islam.

-Celles que j'ai vu sous le nom d'islam, je ne les ai pas comprises.

Pourquoi? Je reviens sur la force de cette expérience. Tu es à la fois un ami et la base de ma vie sociale → apnée – immersion.

(au passage, me dit que les gens du Hawdh al-Ashrâf ne me voient pas d'un très bon œil)

+conception fausse de l'islam. Suspicion. On ne supporte pas que quelqu'un dicte explicitement son comportement par l'islam.

 

Sur Nasser. Je lui dis, bon, c'est pas important, c'est un type que j'apprécie, il me plaît bien, mais bon, c'est pas un ami comme toi. « Est-ce que tu penses qu'il est comme Oussama? » Je sais pas. → je dois écrire sur Oussama.

Me dit qu'à un moment, il ne m'a pas considéré comme Yéménite. « Hier soir, si tu avais été yéménite, j'aurais dit khalâs! Quelqu'un qui me force alors que j'ai pas envie… » (je dis qu'en France c'est pas possible de refuser de voir quelqu'un)

 

-Brice. Extériorisation des sentiments.

+attitude différente face à ce qui se passe. Moi je cherche les raisons, lui dit : comme Dieu le veut.

→ il était triste, sa mère lui manquait, il voulait rentrer à Taez.

 

« Tu te rends compte que je devrais pas te parler. Tu es dangereux pour l'islam. »

→ je parle de cette discussion, y'a deux jours, pas réalisé sur le coup, puis réalise et tristesse, car je sais que de toute façon je ne peux pas te transmettre mon goût propre, ma ferveur (goût bourgeois).

Puis, je réalise que cette ferveur est là, que c'est un peu une religion, et qu'elle est issue d'un contexte idéologique (culture bourgeoise).

Ma vie comme oeuvre d'art.

Mon père qui écoute la passion et qui pleure. Pas chrétien.

Beauté. musique haram!

[Page de gauche :] Ma vie comme oeuvre d'art : conséquence intériorisée du regard esthétisant de mon père. Posture métaphysique : qu'on ne remet pas en question. Qu'on ne soumet pas à la critique scientifique, la beauté?

 

→ déjà incompatibilité suspectée. Il me demande pourquoi les musulmans sont des fous de Dieu. Je lui dis que je ne sais pas. Que si je trouve une « traduction », je dirais que c'est dans le Jihad qu'ils trouvent la beauté. → place la beauté avant Dieu.

[Page de gauche :] Traduction. Quand je l'utilise, concept extrêmement suspect dans les yeux de Ziad. Pas possible de traduire. Soit on sait, soit on ne sait pas. Traduction implique relativité.

[Ziad :] « Pourquoi se sacrifient, pourquoi renoncent à la vie. Tu ne crois pas qu'ils tiennent à la vie aussi?

→ glissement vers l'Irak face aux Américains.

[page de gauche :] excitation [de Ziad] : « Est-ce que c'est logique? Est-ce que c'est rationnel? Réfléchis! Tu n'es pas logique. »

Moi j'essaie de le calmer en lui disant :

-qu'on ne parle pas du droit lui-même mais de son application, humaine, donc imparfaite.

-que je ne lui demande pas de devenir chrétien. De comprendre, d'essayer d'utiliser son expérience pour comprendre les américains, dans un but de cohabitation.

J'en appelle au Coran.

Cohabitation avec les chrétiens → les comprendre. Indispensable pour traiter avec eux. Ne veut pas dire devenir chrétien.

→ appliquer al-haqq [justice, droiture] aux chrétiens eux-mêmes.

→ [appliquer al-haqq] en connaissance de cause.

+devoir de raison → ne jamais refuser une idée.

Moi j'essaie de circonscrire le débat. Retour à la question des Américains. « Si ça te permet de comprendre, tu ne dois pas refuser cette idée. » « Est-ce que tu connais un seul musulman qui est l'islam à lui seul? »

 

Dans le resto, au coin de la rue de la boulangerie, il est très excité. Ce n'est pas possible. IL ne peut pas y avoir 2 droits. Puis Oussama Ben Laden n'est pas responsable. Musulman → quitte la table. « On s'en va ».

On marche dans la rue, il invoque Allah et moi je marche à côté… Je m'arrête. Je refuse de le suivre comme ça jusque chez Oussama et que la discussion s'arrête là. Moment de violence.

[Moi :] « Je n'aime pas, je déteste sentir que tu commences à me haïr. Tu marches à côté de moi et tu pries? Pourquoi? Je suis haram? »

[Ziad :] « J'implore Dieu parce qu'il est arrivé de nombreuses fois que je me trompe. »

[Moi :] « Mais je sens que tu ne me regardes plus comme homme, tu ne me respectes plus. Tu refuses de parler. Tu deviens fou. Tu pourrais me tuer. »

[Ziad :] sourrit. « Moi? Te tuer, mais je suis musulman! »

[Moi :] « Oui, mais moi je sais que tu es un homme, et je peux ne pas avoir confiance. D'autant que je ne connais pas l'islam. J'ai l'impression que tu mets l'islam en jeu dans nos conversations. Moi je ne te demande pas ça. »

[Ziad :] « Mais c'est normal, je ne peux pas faire autrement. Dieu est partout. Tout est religion. Pas de entre politique et religion. »

[Moi :] « Je comprends - mais ça ne me plaît pas - je comprends que ton amitié à moi soit subordonnée à ta relation à Dieu. Ça me fait peur aussi. Et je ne veux pas que tu me laisses. »

Il commence à pleuvoir. On se réfugie sous un arbre, après on repart.

[Moi :] « Je n'attends pas de toi Dieu. J'attends de toi de comprendre. »

[Ziad :] « Mais tu ne vois pas tout! Tu ne peux pas comprendre. Et tu ne réfléchis pas avec logique. Je ne peux pas t'expliquer. Tu ne vois pas. Tu ne peux pas comprendre. »

 

[Page de gauche :] Je prends la mesure [en écrivant] de la distance qui nous sépare. En effet, je ne vois pas.

 

On rentre dans la pièce. Tension. Constat d'un désaccord inconciliable. Sinistre.

[Ziad :] « On va attendre Oussama et tu vas revenir à Tahrir. »

Silence pesant.

[Ziad :] « La cohabitation est devenue difficile entre nous, tu as peur de moi, tu as peur que je te tues! »

[Moi :] « Non, non, c'est toi qui vois, moi il n'y a pas de problème. »

[Ziad :] « Je suis très triste ».

On médite sur la compréhension mutuelle. On se lamente sur ce constat d'impossibilité. Sinistre.

[Ziad :] « Tu crois vraiment à Darwin et à tout? »

[Moi :] « Je crois à ce que ça explique, pas à ce que ça n'explique pas. »

Oussama rentre.

Je parle de tout ce qu'on ne sait pas. Âme. Pourquoi la logique. Pourquoi l'existence. Puis j'insiste sur « laysa lahu kufwan ahid » [« Et nul n'est égal à Lui. » (Coran 112, 4), verset coranique sur l'incommensurabilité de Dieu.]

[Moi :] « Vous non plus vous ne savez pas. Vous appelez d'un mot ce que vous ne savez pas. Mais dès que vous parlez à un chrétien, vous savez et lui ne sait pas. »

« écoute, je t'ai déjà dit que je trouvais qu'une société sans religion c'est une catastrophe. Moi je ne sais pas, peut-être l'islam est la meilleure façon de s'approcher de ces questions, de Dieu. Moi j'utilise la réflexion, l'esthétisme aussi. Je ne sais pas. Tu n'as pas le pouvoir de me convertir. »

 

[page de gauche : ] Moi quand même, je réalise maintenant que nos deux religions sont comparables. Et qu'il y a des postures adaptées face à l'inconnu (au sens large) qui nous sont inculquées dès la naissance. Je n'en changerai pas. Lui non plus.

 

L'ambiance s'est détendue. Oussama, avec sa bonté, est une présence apaisante. Il dit un hadith [parole du Prophète] « la religion c'est la cohabitation ».

Nous nous couchons. Ziad dit, ironique à moitié. « Maintenant je ne t'aime plus. » Alors je demande à Oussama : « Et toi, tu m'aimes? » « Moi je t'aime ». On rigole. Dodo.

 

 

[pages de gauche :]

Je réalise en qatant tout ce qui s'est passé (d'après notes [sur mon calepin] du vendredi aprem).

Quelle différence entre takayyuf [adaptation] et takalluf [affectation, hypocrisie], pour moi? La suspension du jugement. Indispensable. Or mercredi je me suis remis à juger, j'ai réintégré la conception superficielle de l'islam rigoureux, j'ai jugé Ziad aveuglément.

→ difficulté de suspendre le jugement lorsqu'on s'approche du regard des autres Français.

→ vulnérabilité, d'où gêne.

 

Réflexion sur ma relation avec Ziad.

Permet la complicité et donc de m'abandonner à l'absence de jugement. Indispensable.

→ possibilité d'un point de vue indigène qu'on emprunte.

Mais alors pas de possibilité d'objectivation de ce point de vue? (peut-être ensuite, du point de vue du reste de la communauté).

 

Rq \ compatibilité entre les groupes d'étudiants de français et les jeunes du Hawdh. Mais moi je porte sur eux un regard différent, comme Français.

 

Moeurs :

Question fondamentale. Vecteur de connaissance. Je dois rendre compte des discussions.

Politique → explicitation de ma position d'observateur.

 

Mafraj [salon]

Parler du rythme. Devoirs. Silences, après discussion politique. Chicha des vieux. Jeunes qui sortent prier. Coussins, règles de conduite.

→ conception de la vie sociale.

 

 

Le Samedi 23 (écrit le 24)

Le lendemain. Je me lève. Reste un peu de malaise d'hier. Je vais partir faire les paperasses. Avant je suis invité à déjeuner dans la boutique. Oeufs. Ziad arrive aussi. Il dit : « Je ne t'aime plus », mi ironique, mi triste. Je lui dis : « tu mérites des coups de pieds au cul » Après je serra la main à tout le monde. À Ziad, je tire la langue et lui dis : « Tu sais ce que ça veut dire? » il dit « Tuzz? » « Oui c'est ça ».

Je réalise, trop tard, que « tuzz » est trop fort. Je le vois à travers la fenêtre du dabbab, inquiet, qui me regarde. Je ne l'ai pas vu depuis.

 

Après, quiproquo.

Je doute, j'ai peur aussi qu'il le prenne mal. Je cherche à le joindre à la makhbaza, mais je ne lui laisse qu'un message, de m'appeler quand il sera sur [l'avenue] Zubeyri. Riad m'appelle quand je suis chez le fonctionnaire, je comprends rien. Deuxième coup de fil, me dit qu'ils ne peuvent pas m'attendre, qu'on se voit ce soir. J'interprète qu'ils vont descendre à Taez sans moi. Après, quand j'essaie de les appeler, message que je n'écoute pas : je crois qu'ils sont hors réseau. Ce qui me confirme dans mon idée [qu'ils sont en route]. M'appellent, mais juste une sonnerie. Une fois je réponds et j'entends la conversation en arabe. Je pense qu'il y a un Pb avec leur téléphone. Je finis les paperasses puis je vais chez Julien.

Dans le taxi pour Taez, Ziad m'appelle. Je lui dis que je suis à Dhammar. Je comprends qu'ils ne sont pas partis et suis très déçu. Lui ne comprend pas, je crois. Il dit qu'il va rentrer ce soir, insiste. Finalement Riad me dira le soir tard qu'ils sont restés pour des démarches.

 

[Page de gauche :]

Je suis assez soulagé de prendre le large, même si j'ai peur de le perdre. Sentiment ambigu, encore, qui provoque un quiproquo, encore.

 

Chez Julien, je suis de nouveau libre, je respire. Je lui raconte la violence d'hier avec distance. Le parti d'en rire.

 

Comme les actes manqués font bien les choses! Depuis j'hésite à l'appeler, pour le rassurer et me rassurer aussi. Je ne sais pas comment il prend tout ça. Mais ça doit le faire réfléchir, et c'est aussi bien. J'espère qu'il prendra conscience de sa responsabilité et m'aidera plus activement par la suite.

 

L'arrivée chez Tahir est agréable. Je suis soulagé. Je me couche.

 

[B017.jpg]

À Taez sans Ziad

03/09/18 Je décèle un mouvement dans cette période, qui me confirme dans l’idée que le retour de Ziad a été négocié avec le « Régime », ce n’est pas une simple initiative personnelle. Évidemment que la présence d’un étranger est « gérée », il y a eu un feu vert…

=> à modéliser proprement. Mais en gros :

- (26 août) Il y a d’abord l’échec d’une tentative de négociation avec Tareq (du département de Fraçais), où Nabil comprend que Tareq n’assume rien, ne sait pas du tout qui je suis.

- (27-29 août) là il y a un creux : mauvaise humeur de Nabil, comportement obscène de Walid, puis fermeture du Mamlaka.

- à partir de là, une volonté d’accueillir tout de même le Français s’élabore, cette fois autour du quartier, donc indépendamment des diplômés du département. Probablement il y a eu une demande qui a remonté, et il y a eu un feu vert. Fuwwaz a peut-être joué un rôle, je pense, pour indiquer que j’étais sérieux (cooptation sur la seule base de mon intelligence, car autrement ils n’ont aucune prise sur moi).

- Khaldoun et Taher sont témoins de ces tractations, et ils réagissent avec ce mix de mélancolie amoureuse (Khaldoun essaie d’être sincère avec moi) et de mise en garde.

Cette activité en arrière-plan, que je ne soupçonne absolument pas, se traduit par le fait que je me sens vivant. Je me sens désiré, désirant. Le Régime me fait vivre, et je gère à l’instinct, en confiant mes affects à mon carnet de terrain.

Je perçois évidemment ce changement, mais je l’interprète comme un phénomène psychologique, ou éthologique (du genre : je libère des hormones parce que je suis amoureux…). Je n’ai aucune compréhension de la dimension politique de mon sentiment amoureux pour Ziad. De sa portée politique. (parce que c’est une expérience qui vient d’ailleurs, contexte scolaire, LLG 1999…)

[B018.jpg] Dimanche aprem.

Ce matin, je commence à écrire. Puis je vais manger.

J’écoute Ani Difranco. Serpentine.

? Beauté. Emotion.

Ziad ne connaît-il pas ça ?

Qu’est-ce que la musique ?

 Coran a tord. La beauté est un poison pour la religion.

> notre amitié ?

Moi je dis تفاهم Lui dit حب [hubb]→ دين

   Et qu’il admire ma pensée. 

Mais il ma dit l’autre jour, « pas juste toi, tout le monde recherche ça. »
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-04-29T18:40:47.606932219'VP
NOTE: 'Dilemme de Ziad : se laisser aller aux passions d’un infidèle.']

Musique : nous parle. Nous dit qqchose de l’individu face au monde.

 Désillusion d’Ani dans Serpentine. J’ai l’impression de m’entendre. Ici au Yémen.

 

Je commence à avoir envie de faire ma maîtrise avec Guidieri.

Je vais aller le voir dans le but explicite de voir ce que je peux faire avec lui.

 

[B35] (Tahir revient. Je lui dis)

J’ai l’impression que Ziad est un type qui a une grande vie intellectuelle et émotionnelle. Gros capital. C’est dans l’islam qu’il a puisé les mots et les concepts pour développer cette tendance.
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-04-29T18:34:21.273525805'VP
NOTE: 'Taher est complice de cette mise en objet de Ziad. Avec lui je garde une posture doctorale, za3ma je vais lui apprendre quelque chose qu’il ignore, de son compatriote, où de ce que la science peut reconnaître de son compatriote. et qu’il pourra contempler. =Posture typique dévalorisant l’informateur Taezi.']

 

Moi je réalise peu à peu que j’ai moi aussi utilisé des dispositions inculquées. La recherche de la beauté, sonder les profondeurs de l’être.

 —


[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-04-29T18:44:59.829944800'VP
NOTE: 'Lettre-exercice de rationnalisation, sur posture laïque, juste après appui sur Taher.']
Cher Ziad, cher Ziad que j’aime.

J’espère tant que tu as compris notre dernière discussion, celle où j’ai parlé de toutes les choses que l’on ne sait pas. L’amour. La raison. L’existence. J’espère que l’as compris mieux que moi sur le moment.

Mon but n’était pas d’attaquer les fondements de ta foi en exposant leur arbitraire.

Mais ce qui nous sépare est de l’ordre du mystère. Tu le sais toi-même, pour qui Dieu est la réponse à tout, mais Dieu n’est pas une réponse. C’est une question.

Que tu sondes ce mystère en priant, cinq fois par jour, je ne peux que l’observer. Je remarque avec délice, pourtant, tout ce que cette pratique t’apporte comme force de vivre et force de penser.

Je vois aussi combien la religion manque à mes concitoyens, combien nos armes sont faibles, combien sont perdus.

Que l’islam est la seule, l’unique voie qui permette à coup sûr de parcourir ce mystère, tu le sais, tu en es persuadé intimement. Pourtant tu n’as pas le pouvoir de m’en persuader.

[B36]Tu n’as pas le pouvoir de m’en persuader, et cela ne doit pas te faire douter, car c’est la nature même du mystère de n’être pas explicable.

Tu n’as pas le pouvoir de m’en persuader, et cela ne doit pas non plus t’attrister.

Le Destin m’a, je crois, doté de capacité dons - [ajout] d’une culture - et d’une histoire qui, tu l’as compris, me poussent à sonder ces mystères donnent une force de vivre, des mœurs et une pensée comparable à la tienne.

Déjà ma rencontre avec toi me transforme. Elle me pousse à chercher plus haut, plus profond, les fondements de cette force.

Tout comme Darwin n’explique pas l’être, les sciences sociales et psychologiques n’expliquent pas tout. Tu m’en as, sans le savoir peut-être, déjà convaincu. Tu m’as déjà fait sentir, sans que je puisse la voir, cette zone qui se dérobe à l’explication et que tu scruptes chaque fois que tu pries.

Je deviens, chaque jour que je passe avec toi, plus conscient, même de l’inconcevable. Peut-être un jour, qui sait, nous nous retrouverons.

Lundi 25 août : Oussama / coup de fil Ziad

[B37]Lundi 25 août

Oussama.
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-04-29T18:57:15.866219860'VP
NOTE: 'J’ai écris plus haut : je dois écrire sur Oussama.']

Bienveillant. Discret et humble, il a une énorme générosité (qd il se couche par terre, c’est complètement naturel pour lui. Il le fait avec grâce. Pas rancunier pour 1 sous, pas pressé qu’on fasse attention à lui.

 

Hier, j'appelle Riad, c'est Ziad qui répond. « Comment ça va toi? » Ému, moi je suis ému, lui aussi, me demande comment ça va avec insistance. Je dis ça va très bien.

À un moment me passe Riad, je comprends rien, je demande « Passe moi Ziad », je l'entends qui répète, en riant : « Passe moi Ziad ».

Je lui dis de ne pas trouver un job, que c'est pas bien ça (qu'il est en train de trouver un job à [la banque] al-Tadhamon).

Me dit de monter à Sanaa. Va essayer de descendre mardi.

« Ta mère m'a manqué plus qu'à toi? »
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-04-29T19:10:38.642510459'VP
NOTE: 'j’exprime certains aspects de la situation.']

« Pourquoi tu ne vas pas chez moi, au Royaume, il y a Walid et Nabil… »

« Si je vais à Sanaa tu vas habiter au Royaume » (moi je dis non, tu y seras pas…).

Je lui dis d'embrasser Oussama.

 

[B38-B39]

Pour un nouveau sujet sur les moeurs

Discussion avec Tahir, après que je lui ai expliqué mieux ce qui se passe avec Ziad.

- Zyad, je le respecte comme qqn de Mustaqim. Ambition. Intelligent.

- Mais qu’il rapporte tout à la religion, en présence d’un étranger, non, il a tord.

-Circonstances difficiles. Il devait faire des études. A été absent pdt 1 an (malade?), donc ne peut pas enseigner malgré ses bonnes notes.

-Tahir est d’accord. Ici, ceux qui n’ont pas de religion n’ont pas de mœurs.

↳ les français, c’est ≠. A observé des mœurs.

>> Comprendre ce que Zyad me dit en rapport avec la situation d’énonciation, au Yémen. Mes question ont un sens ici aussi.

-Religion : 1° لا تكذب

2° أمانة

Mais est-ce que je vais prier devant les autres pour que les autres me voient ?

Conscience ضمير [dhamir]↔ خوف الله

- Ville : gars qui disent de mots sales, partout en ville, pas campagne.

Ville/campagne : + de mœurs. Pas de vol. Entraide. + de lien.

-Gens qui tout à coup deviennent honnêtes / mutadayyin. Sortent de prison.

En France, d’où ça vient ?

Réponse de Tahir, l’enseignement. Les parents.

héritage ? Où est la source ?
Pas de livre.

Discussion (x n) sur les Algériens. E dis « ils ne sont pas éduqués cultivés. »

ça veut dire quoi cultivé ?

Quel lien entre éducation et mœurs ?

Quel principe pour distinguer le bon du mauvais ? Mayyaz bayn al-ashya’ allî khata.

[B40-B41]

J’ai envie de lui dire, et si le 1er qui a étudié les sciences sociales, c’est Dieu ? Est-ce qu’en étudiant les sciences sociales, on détruit Dieu ? Quel est le sens de l’injonction à la logique ?

 

Lundi 25 août, Dimanche 24

Hier, on passe au « royaume » avec Tahir pour voir si Zyad est rentré. On le trouve plein d’amis de Nabil et Walid.

        Nabil

  Wahib ?     Walid

  (m’invite à un mariage)

    Médecin Moi Abderrahman

 

- On rigole avec Nabil. Où est Ziad ? Il est pas avec toi ?

Marrant, bonne ambiance.

-2 vieux types, dont un a l’air complètement bourré.

-Abderrahman a l’air fatigué (est allé au village aujourd’hui).

Mais Tahir dit que quelque chose ne va pas. Passe peu de temps avec sa femme.

Je pense à quoi écrire à Sylvaine.

Est-ce que l’intrusion d’un étranger est intéressante pour la question des mœurs ?

-Marrant comme au début personne ne m’en parle (étudiant en français) et tout à coup je m’aperçois que la question de la religion traverse tout.

Entrée par Tahir / Entrée par Ziad.

Le + intéressant, ce serait de trouver un groupe ou un lien qui regroupe Ziad et d’autres, et qui me permettrait de mieux comprendre les usages de la religion religiosité dans la vie sociale.

Copain de promo de Tahir vient qater. J’au pas envie de papoter…

-Oublié le français. « Grosse erreur ».

-parlent de Abderrahman (Tahrir). Apparemment chage d’avis toutes les heures sur ses projets d’avenir.

-Parlent de Mohzen : « c’est un nul » (Tahir)

 

Faire le point

[B42] Faire le point

relecture → notes.

 

 

 Tahir    /  Ziad   [ajout : et moi qui ne veut pas être hôte…!]

(rassurant, couve)

 

Rq globales : Détachement peu à peu / Tahir. + indépendant.

Crise 11/8

Je vis seul avec les autres au lieu de fixer mon attention sur celui avec qui je suis.

↔ prendre plaisir de passer du temps. Ça y est !

 

[B43] Amitié au sein du mafraj, pas tous égaux.

Tension au sein du mafraj : Tahir / Abd, shahouan / wa’il.

Groupes qui se font, se défont (réseaux ? 2/8)

 Tahir/Mahfouz… Tahir/Abdu

Pas d’obligation quand on est ensemble (part, revient). Même Tahir (3août).

 

Sociabilité ≠.        Tahir / Tareq / Abderrahman (Tahrir)

 

Temps du Mafraj  Espace du Mafraj

 

Type de contacts : collant / Bienveillant / séducteur.

 

 

Aller à la recherche des variables objectives.  + stratégie pour les obtenir.

Conservatisme (habitus, coupe).

 

[B44]

Après cette première relecture.

Qu’est-ce que l’intégration ?

Tranformation. Avant/après Ziad, même lorsqu’il n’st pas là. Je ne me présente plus tout seul, j’ai des relations autour.

Je prends plaisir à qater.

-Agir sur l’environnement (blagues). + à l’aise.

 

Je suis une personne sociale. Libre. Ma vie est ici.

 

Ziad me manque. J’espère qu’il ne va pas monter tout de suite s’installer à Sana’a. J’hésite à le suivre.

 

 

Observer les liens, les interactions.

Mais que faire de toute cette diversité de caractères et de sociabilité ?

 Observer l’expression ?

[B45 blanche]

Lundi 25 août (suite)
Ce matin, je boucle – relis – le mail pour Mari. Je pars qater vers 3h chez Ziad
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-04-29T20:39:09.263290746'VP
NOTE: 'j’appelle ça « chez Ziad »… révélateur']
.

[PLAN diwan :]

Ana

Nabil

Tahir

Wahib

 

Type à luettes qui m’invite au mariage.

Abderrahman

Docteur, je sais plus son nom.

 

Nabil me parle bcp, il me propose d’aller à la mer, à Mokha ou à Aden. M’invite à déjeuner.

Parle vite et en dialecte.

M’apprennent des insultes : « Bin Iri, Bit Iri »

Personnalité ≠ . Plus rustre, roublard. Accueillant aussi.

Se tape sur le ventre. Bienveillant. Me prend sous son aile.

« Tu as menti, tu as dit qu’on irait à al-Qahira ensemble. » (mais je suis monté à Sanaa)[ajout : 11oct. Au final, malgré tt, c’est qqn de généreux. Profondément.]

 

Discussion sur la mauvaise vision de l’islam, qui empêche les musulmans de propager le vrai islam ?[11/1 : Trop vague comme notation. Je ne comprends pas ce qui se joue ici. Un autre terrain, + tard]

Abdu parle bcp de ce qui se passe en France.[mais vision livresque, consensuelle, celle des livres gouvernementaux]

Nabil dit c’est les juifs.

Je parle des Pbs d’informations.

Vision du Yémen de l’étranger.

Nabil a du mal à comprendre.

[et est énervé en fait, peut-être!]

 

Heure de Salonmon → on se tait.

Nabil sort avec Docteur.

Baisse de moral de Nabil. Après, il revient mais ne s’assoit pas. Pas l’air en forme.

Abdu pas en forme du tout non plus.

Reste Abdu – discussion sur ses cours de civilisation

Abdu : me parle de son service, à Sana’a, « une expérience exceptionnelle ». Indép. Vit avec des types de Marib, de Saada, de… ↔ Père handicapé de l’armée. Position T pro-mu’tamar

Tentative pour le faire parler des autres à propos de la religion, sans succès

 

- puis viennent Walid (→ habillé de noir… Pourquoi ? Je suis turc. Fier de l’être ? Oui.)

+ Wail   (Abd : la turquie, c’est le pays le + éloigné de l’islam.

Wa’il me demande si je pense à me convertir. Je dis que j’y réfléchis, qu’en effet on discute bcp avec Ziad. « il te comprend » remarque Walid. On compare.

Se considère comme musulman mais ne prie pas beaucoup.

Wa’il me parle de Shahouan (celui qui voulait se marier avec toi…). Il est fou !

Shahouan passe, « a tout entendu ». Relou. Veut qu’on discute…

Je vais aller en France…

[Bon oui, rivalité Wa’il /nashwan. Je le sais sans l’avoir noté.]

          

[B48-B49] Invité à (re)diner par Khaldun. Dans magasin de Na’if.

 même père, mères ≠ blague (?)

  ↔

Shedhwan de Djibouti. Connaît Ziad (étudie ensemble) Bien sûr ne me dit pas grand-chose.

Gars que je reconnais d’un magasin d’à côté. Mohammed ??

 

Shedhwan → blague « Sa mère est somalienne, elle bossait à la maison, son père l’a couchée, et voilà ». Rires.

Na’if →  « Non c’est normal chez eux… »

Je proteste un peu, en riant.

 

Khaldoun adorable avec moi. M’invite à qater vendredi.

 

Fin du repas, tout le monde se lève et part. Moi je reste un peu, alors ils hésitent… Khaldoun reste à papoter.

Oncle ? de son village qui passe parle de son cousin qui s’est marié, « ne sort pas de chez lui ». Kayf al-’arîs ?

 

NShashouan (→ habits européens, propre sur lui) est accompagné d’un type qui me redemandera dans la rue si je viens demain, et qui me présente un autre, kazim essahir → bouslon, allure américaine un peu. Ammar

-–

Wa’il, je lui demande pourquoi il est le Caïd. Il dit « je suis là quand on a besoin de moi »

[ENCADRE]/ « Il frappe » dit Walid en rigolant.

Habite derrière, avant la maison du Cadi.

Wa’il : Registre de la fraternité → violence, mais suppose violence justifiée, juste.

Walid rit, parce qu’il suppose l’envers. Soumission ← violence.

[B50-B51]

Discussion avec Tahir sur gestion des conflits.

-a raccroché au nez d’Abd Tahrir l’autre jour. Le soulait avec ses blablas.

-Frère de Khaldoun, Yacine ? Censé installer internet… Plaintes insultes… Mais le rencontre au mariage.

→ me raconte élections à Quddas, le mu’tamar qui essaie de foutre la merde.

 

Le mardi 26 août (Nabil, Abderrahman et Tareq parlent de Ziad)
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-04-29T22:49:24.080241105'VP
NOTE: 'Page très révélatrice. Au fond, négociation entre Nabil et Tariq. Cherchent à concevoir une posture commune face à mon élection de Ziad.']

Scène permet de voir :

Déjeuner chez Nabil, avec Docteur Ramzi.

Finalement Tareq et son copain, que j’ai croisés à Haudh viennent aussi qater.

RQ : on me reproche ma posture en tailleur non-yéménite, Nabil, mais aussi à Sanaa, souvent.

→ prennent ça comme pas à mon aise ?

 

Mon problème, c’est que je ne possède pas une vision d’ensemble du personnage, de son histoire. M’apparait contradictoire…

Nabil parle de Ziad, de ses résultats. Ses profs qui s’émerveillent.

Aussi les profs qui le cassent (les mauvais profs cassent les bons élèves).

Ziad qui voit une erreur en 2 secondes (Abderrahman).

Tareq parle des différents types d’intelligence, ceux qui sont très fort dans un domaine, mais sans valeur sur les autres questions, + savoir vivre.

Politique,littérature, religion…[§ souligné]

11/10 si j’ai mis tant de temps à comprendre Ziad et sa place, c’est aussi, surtout que Ziad ne veut pas que je sache,

fait partie de sa stratégie d’ascension
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-04-29T22:11:39.738399652'VP
NOTE: 'YES !'
NOTE: 'Aux côtés de Waddah, j’ai codé comme « ascension sociale » tout ce qui est lié à la perspective que je me convertisse.']
aussi de ses bonnes résolutions.

Mais là réside aussi l’ambiguïté du personnage.

-+complicité des copains.

C’est aussi un peu leur ascension sociale qui se joue-là, ou symboliquement au moins.

A des leurs.

Je réalise que tout ce qu’ils disent n’a rien à voir avec la religion.

N’évoquent même pas sa ferveur.

→ réflexion spirituelle personnelle, sans incidence sociale ?
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-04-29T22:05:43.405538907'VP
NOTE: 'C’est que cette spiritualité est étroitement conditionnée par mon arrivée, et son « élection ».']

Excroissance de sa vie intellectuelle,

qui exploite une tradition et un héritage islamique,

mais pas de fonction sociale en soi ?

[§ Barré]

mon cul !

Bon, c’est vrai aussi
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-04-29T22:06:27.288821556'VP
NOTE: 'Mon scepticisme total en octobre, pondéré par remarque encore ultérieure (« bon c’est vrai aussi »)']

Cf phrase de Waddah : « de toute façon, les gens ne le croiront jamais, ou pas avant 4-5 ans... »

Fait allusion à deux types, Fowaz (sorti 1er du département d’administration) avec qui j’ai discuté au mariage. & Jalal.

-( ?[entouré]) les tiennent responsables des problèmes de Ziad en 2ème année.

Abd : tous de ce quartier. Il y a des jinns qui habitent ici.
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-04-29T22:47:14.676206486'VP
NOTE: 'Abderrahman :  célébration du quartier, sur le mode un peu consensuel']
[entouré]

Quartier : comprendre le rapport aux études. (proche de l’université?)

-Tareq et Nail ne se connaissent pas trop. Nabil apprécie Tareq, et lui dit, et « Allah youbarik ».

Remarque que dit la même chose que Ziad
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-04-29T22:44:51.767327984'VP
NOTE: 'Nabil trouve en Tareq un allié, quelqu’un qui gère, plus que Tahir probablement de son point de vue. Témoigne aussi du débat ouvert par mon irruption.']
(on a des intellectuels capables, mais ce n’est pas eux qu’on met aux commandes).

Ceci dit je ne suis pas sûr que les 2 entendent la même chose… Les incapables selon Ziad ne doivent pas être les mêmes…

 

[B52-B53]

Copain de Tariq

 

 

Tareq

 

Nabil

Abderraman

Moi

Docteur Ramzi

 

- Discussion de politique intérieure. Tous Mu’tamar ici me dit Nabil, mais lui a voté pour 1 indépendant. Je pose la question pourquoi vous êtes Mu’tamar si vous être contre le gouvernement. On est avec les principes. Mais tous ont des intérêts.

tous d’accord ?
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-04-30T09:25:39.424490216'VP
NOTE: 'Cf ma théorie : Typiquement, la posture à l’égard de l’étranger détermine la couleur politique. À l’évidence, tous les hôtes sont rassemblés pour traiter de manière responsable de ma présence. Pour cette raison, Nabil n’a pas besoin de demander la couleur politique.'
NOTE: 'Mon interrogation fait surtout sens en lien avec la situation ethnographique : je m’interroge sur ce qu’ils sont, faute de pouvoir suivre ce qui est en train de se passer pour moi. Enfin je le suis, bien évidemment, mais je ne peux pas le dire consciemment.']

- Histoire de Abd sur la zone franche d’Aden que font capoter des pressions venues du Golfe.

 

→ Tribus qui font sauter les pipelines. (c’est réglé depuis l’accord avec l’Arabie). Mais tension avec tribus depuis destruction de village près de Marib, en représailles à pipeline.

 - Abd vivait avec des gens et ces tribus à Sanaa pdt ses études -

 

11 septembre. Sociétés qui ont des intérêts. Discussion intéressante.
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-04-30T09:13:24.162492275'VP
NOTE: 'De fait, j’ai les discussions typiques qui correspondent typiquement au délire de l’espion étranger, qui cherche à tâter le moral de la société. Je n’y pensais absolument pas. Je pense qu’on voyait bien que je cherche surtout à les comprendre eux. Mais ils avaient toujours en tête celui qui va réutiliser mon étude par derrière (figure du juif…)']

 

♡ Super ambiance. Je suis les discussions en dialecte, c’est très efficace.

- Père de Nabil, ne salue pas les gens qd il nous apporte la bouffe. Repasse ensuite. Nabil me devance et me dit que c’est son père. - Quel âge ? - pas vieux mais son travail l’a fatigué.
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-04-30T10:08:38.014889891'VP
NOTE: 'Idem, révélateur du milieu : la décrédibilisation des pères, comme la décrédibilisation de Nabil.']

 

-Nabil essaie de dormir. Problème de dents. Ensuite nettoie, déplace les briques et tout.

+ au début, Walid qui veut parler de sexe. « Tu qates, après tu vas faire l’amour à ta femme, dans la pénombre. Comme ça aussi en France ? » « En France, vous faites par derrière ou pas devant ? » Ramzi : « laisse le manger… » « Je veux me marier ! »

 

[B54-B55]

Le beau type noir du quartier (Ahmed???) vient vers 7h. Sympa. A pas fini l’école secondaire, l’a quitté l’année dernière. Conditions familiales difficiles (père handicapé). Toutes sortes de travail.

Je soupire de contentement. Il me dit Ya duniya… Oh le monde

Je dis comme je suis bien au Yémen.

Gens de Taez, fî thaqâfa wal-nâs yakhrujûn par rapport à Sanaa.

Il associe + de culture et + de lien social.

Quartier où il est né. Se connaissent depuis tjs. 1! grande famille.[encadré]

1 Gde Famille.

Ce n’est pas seulement un niveau de représentation auquel les gens croient(*) en certaines occasions.

C’est aussi         - une image convenable à destination de l’extérieur.

        - une prescription.

(*) et qui se réalise sans doute dans certains cas (si ça coute pas cher et ça menace pas les intérêts des autres).

ce serait pas mal de mettre ça en intro, pour commencer à parler de niveaux de discours.

Comprendre aussi le destin de notre amitié à Ziad et à moi à l’aide de ces différents niveaux de représentation.

La réalité du caractère de Ziad ne suit pas (c’est moi qui paye). (arrogant surtout qd il doute)

La réalité du quartier ne suit pas (phrase de Nash et Waddah : ce quartier, ils ne comprennent que les coups.)

Pris dans sa propre contradiction: un za’îm mustaqim au Yémen.

! Lui qui est d’ordinaire à distance, ne m’adresse pas souvent + que « bonjour ».

↔ c’est le mondes instruit de la salle.

→ c’est lui qui le premier pointe du doigt cette différence « ethnique » ! construite socialement

 

Walid met une bougie et éteint la lumière. Nabil rallume, de mauvaise humeur.
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-04-30T09:36:18.806119351'VP
NOTE: 'Face à face entre l’exaspération de Nabil,'
NOTE: 'et la stupidité blasée de Walid. En fait ambiance typique de ce milieu, à situer sociologiquement, en mettant en valeur l’impuissance de Nabil. Explique le malaise de Taher. Tareq par contre est capable d’encaisser la merde. (être un homme au Yémen, c’est pouvoir cohabiter avec ce genre de situations, sans juger).']

 

chez commerçants

Diner avec Khaldoun (→ mauvaise humeur. Mais après ça va mieux) et Shadhwan.

Puis je traîne dans le magasin de Na’if.

- Blagues sur les filles, qui viennent essayer dans le magasin.

- Frère de Khaldoun, Yasser, ne sort plus depuis qu’il est marié.

- Khaldoun : j’ai dit à mon père : je veux me marier, il m’a dit « tiens, voilà du shampoing ».
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-04-30T10:13:54.746681343'VP
NOTE: 'Caractéristique de ce milieu / groupe de commerçants. La crudité de la manière dont ils partagent la condition de célibataire. Comme si l’activité commerciale impliquait mise à nu de la condition sexuelle. Idem pour Lotfi +tard.']

 

💡Nouvelle idée de sujet

Etudier le rapport à Sana’a à travers cette population de jeunes de Hawdh el-Ashraf.

 

Ajout, le 29

Abderrahman qui me fait : « Ya Mansour, anta tamâm ! »

« Ziad il dit tt le temps ça. » Je lui dis, ah oui, moi il dit tjs :

« Innî uhibbuka kathîran yâ Mansûr ».

Ne dit rien. Surpris un peu. Jaloux ?
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-04-30T10:24:28.424775099'VP
NOTE: 'La prise en note de cette anecdote, a posteriori, est surtout une manière de fixer une inquiétude, un paradoxe.']

Alors quoi, ce qu’il aime à travers moi, c’est l’ascension sociale ? Je le regarde, je le considère.

 

Mercredi 27 août [l’envers du décor] /Dr Ramzi /Nashwan

30/04/18

un Occidental dans la nature

Ce que je fais ce jour-là est très mal-poli : je me pointe chez Nabil après l’heure, en fin d’après-midi. Mais je n’ai pas conscience de ces choses-là, et Taher ne me le dit pas (il ne pousse pas l’abnégation jusque là, vu qu’il aimerait bien m’attirer ailleurs…).

Par ailleurs, la rencontre de la veille avec Tareq n’a pas été concluante, probablement (et je crois qu’elle ne se renouvellera pas - à vérifier). Tareq et Nabil se sont séparés sur le sentiment que Tareq ne pouvait pas assumer. Je suis donc bel et bien en roue libre, un Occidental dans la nature.

Face à cette situation (très probablement), Nabil a opéré des modifications sur le mur d’entrée, faites manifestement pour décourager les visiteurs (ce que j’analyserai longuement dans ma maîtrise par la suite, section 8.3, p.58 et suivantes)

Décourager du moins ceux qui comprennent le message : les visiteurs attirés par la présence du Français.

Quitte à ce que le Français lui-même ne comprenne pas. Dans ce cas, le Français s’expose…

Mais en fait, on perçoit dans ces lignes une évolution de ma relation avec Nabil, une relation qui se crée. Je ne reste pas passif, je commence à prendre des initiatives, ce qui diminue la gène de Nabil.

…Ou disons plutôt que le charme opère. Face à un bébé qui nous tombe sur les bras, notre premier réflexe est de maudire les irresponsables qui l’ont abandonné ; très vite cependant l’instinct maternel prend le dessus.

Pour ma part, je suis absolument incapable de regarder cette situation en face. Ou plutôt, je ne le sais que trop bien. Sur cet aspect de la situation, ma perception est saturée. C’est précisément la fonction du sentiment amoureux – portant sur Ziad, et par extension sur ses proches - que de transfigurer cette situation.

Mais à vrai dire, pas seulement un sentiment amoureux. C’est aussi une forme d’instinct, que je rapprocherais volontiers de valeurs que j’associe aujourd’hui à l’islam : une remise confiante en la miséricorde divine, qui permet une dignité dans l’ignorance du Destin, un certain courage.

C’est tout cela que Nabil décèle déjà chez moi, très probablement. Ce devait être chez moi une disposition antérieure, pas facile à assumer (surtout après l’issue de 2003), mais constitutive de mon identité.

Pour autant, il y a une sorte de tension qui préexiste à mon arrivée, et dans laquelle je trouve ma place.

HYPOTHESE : Mon affinité structurelle avec ce milieu / Walid & Waddah.

Sans doute aussi se produit-il une identification avec les jeunes désoeuvrés, comme Walid, mais aussi comme Dr Ramzi. Sans en avoir vraiment conscience, je suis dans une configuration analogue : le jeune qui n’a pas du tout les épaules de Nabil, mais que la situation autorise néanmoins à rester sous son nez, à jouir de sa protection.

L’agressivité de Walid à mon égard découle peut-être de ce que cette analogie lui saute aux yeux, que mon comportement lui renvoie le sien comme en miroir, ou surtout peut-être neutralise le pacte qui le lie ordinairement à Nabil (comme à Ziad). Probablement Waddah avait-il la même posture vis-à-vis de ses cousins aînés, mélange d’admiration et d’impudence. C’est pourquoi il ne fut pas capable d’encaisser mon récit.

Une réalité qui va être complètement effacée par la « tentative de viol » et (surtout) par mon alliance avec Waddah.

 Nabil ne peut pas me virer. J’ai trouvé la personne qui ne peut pas me virer. Hospitalité valeur suprême.

[B57-B59]

-4h, je sors avec Taher pour « montre au Haud al-Ashraf ». Mais traîne, râle contre la pluie, finalement s’exclame devant le magasin de photo « Comment, tu vas chez Nabil, t’avais pas dit… Bon. »

-Ambiance un peu glauque chez Nabil. Pluie. m’offre un maouazpagne pour me changer.

 

Akh Ziad (*)

 

 

 

?

 

 

 

Ramzi

 

 

Nabil

?

Moi

Russe

Copain du Russe

 

(*) Première apparition Yazîd. Ne parle pas trop. Magasin de jus à Aden. Repart assez vite.

 

 

[B56]

Séance de qat
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-04-30T11:07:26.881449061'VP
NOTE: 'Arriver tard, ça ne se fait pas. Je suis en roue libre, personne ne m’apprend les bonnes manières. Conséquence du malaise de Taher, c’est très net dans cette anecdote.'
NOTE: ''
NOTE: 'Cette ignorance n’est vivable que parce que je m’en remets à eux, parce que je suis statutairement irresponsable, mais j’apprends vite.']

Rythme : cassé. J’arrive à l’heure de Salomon.

(longtemps après déjeuner → je ne sens pas trop le bon du qat).

→ « où t’étais ? » (Nabil).

Heure où ils sortent raccompagner / faire des trucs, je sais pas.

Transition avec le soir.

« Reste, on va qater après diner. »

Walid m’emprunte 100 et crache ds papier.

Nabil : reste ce soir, jusqu’à l’aube on qate.

Maintenant je comprends ça autrement. Là aussi, il y a ambiguïté latente.
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-04-30T11:11:43.632147711'VP
NOTE: 'On voit ici comment la « tentative de viol » contamine rétrospectivement tout le réel.'
NOTE: ''
NOTE: 'Tout ça est indissociable de la condition intouchable d’Occidental.']

Autour de la séance → ce qu’il reste. On découvre l’archi de la séance, les amis + intimes, les tensions.

Evolution de la porte (on a rétréci + rideau) à cause du vent et de la pluie.
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-04-30T11:26:30.318047885'VP
NOTE: 'Même en octobre, je ne conteste pas apparemment cette interprétation.']

 

-Discussion avec médecin qui a passé 7,5 ans en Russie pour ses études. Je lui demande si y’avait plutôt des Yéméntes du Sud. « Non, on était ensemble, c’est pareil, les différences c’est au-dessus, 2 états, mais 1 ! peuple ». (+ de Nords).

-type un peu relou, on dirait qu’il a bu. Veut vraiment parler avec moi, de l’ethno, du prix des études de médecine, de… (habite dans 1 village près de Hugariyya).

 

-Je demande à Nabil de me parler des différences entre les gens de Sana’a et de Taez. « Y’en a pas. C’est pareil. "Chi’ite", "Sunnite", c’est pas vrai ! On est tous musulmans, c’est des tendances, juste. » J’insiste, différence de comportement, pas dîn.

« Oui, bon, il y a la culture, plus ou moins. Ici les gens sont éduqués. »

Pourquoi ? Le Russe répond : ici proche d’Aden, et émigrés, rapportent du savoir. Sana’a c’est loin, derrière.

 

Sortent, je reste seul avec Dr Ramzi, qui est sombre. Je lui demande s’il qate reste ici tous les jours, il dit oui.

 

Arrive Walid, se mettent à discuter avec Ramzi, longue discussion. Pb personnels avec son père, avec qui il travaille. (pharmacie ou docteur?). Ne supporte plus. Walid lui propose de rester ici, d’habiter ici (?), de revenir que pour bosser.

[B59] Walid, 19 ans, Idâra.

Je lui demande si le russe buvait en Russie(!?) (Non, non).

-Walid m’emprunte 100 Rial pour manger.

-Et toi t’as jamais de Pb psy ? Non, jamais, moi je suis cool. Murtâh.

 

Ensuite Ramzi se plaint de Nabil qui est parti sans dire où il allait. Ne fait pas attention à lui, n’est pas attentionné.

(parlent aussi de Ziad ??? « pourquoi il est parti avec ce Riad(?) »)

Walid dit qu’il y a des gens qui ne réalisent pas.

Walid m’explique : il est malade.

Je lui demande, qd Walid part pisser, depuis 3 jours t’es pas bien ? Pb avec ton père…

(Je m’insère, quoi, je fais plus celui qui écoute pas)

En France on a des psy. Mais les amis c’est mieux.

 

Nabil revient, de mauvaise humeur. Rale. Envoie Ramzi chercher du qat, comme à un gamin, exaspéré par Ramzi qui traine des pieds.[Encadré]

Nabil : Za’im de la génération précédente (courte durée) selon Waddah et Nashwan.

Rapport aux potes de même génération, peut-être, mais Ramzi n’est pas vraiment du quartier. Famille. Mais + proche de Nabil que de Ziad.

Râle sur la saleté
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-04-30T11:39:50.644193899'VP
NOTE: 'S’interprête à un autre niveau, comme les gens qui laissent leur hôte trainer n’importe où.']
. Les gamins enlèvent les beaux coussins. S’énerve sur Ramzi, pour qu’il aille chercher bouteilles et clope et… un sandwitch pour lui-même.
→ J’interviens et dis que je vais sortir diner et au retour je prends clopes et bouteilles. Je propose d’aller manger avec Ramzi → Nabil lui dit d’aller diner avec moi. Content Bien.
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-04-30T12:15:07.908423250'VP
NOTE: 'Renforcement. Oui, on voit aussi la relation qui se noue avec Nabil. Il voit aussi que j’apprends vite']

(au resto, on croise Khaldoun et Shadhwan qui m’engueulent parce que je ne suis pas passé).

Je lui dis qu’il a besoin de vacances. C’est pesant de vivre toujours avec les mêmes personnes. « Oui. Ils ne comprennent pas. »

-Je donne 100 rial pour des clopes et je papote un peu avec Khaldoun et S.

-En rentrant, comme je n’ai rien acheté, Nabil me dit « Oui les cigarettes et tout ». Je dis j’ai demandé à… Il enchaine : « combien tu dépenses par jour ? 500 ?

« Pourquoi ? » Moi je dépense 3000. Et je gagne 30 000 par mois. Comment je fais. Pas d’opportunité au Yémen. (Je parle des 6000 de Taher qu’il gagne)
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-04-30T14:10:04.025670930'VP
NOTE: 'À la fois pour me faire sentir, et pour mon édification personnelle. Les deux sont toujours étroitement liés. Et moi je reste. Malgré ma condition d’Occidentale, à laquelle il compare implicitement.']

 

[B58]

Vis à vis de Nabil, rapprochement.

Je le sens + familier avec moi.

→ Me vanne, me critique surtout. Relève mes manquements.

-pourquoi tu vas pas t’acheter un paquet de clopes ?

-pourquoi t’as pas acheté…

 

[B61] Râle encore sur tous les gens qui viennent ici, laissent leurs déchets, et c’est moi qui nettoie
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-04-30T14:14:30.078504238'VP
NOTE: 'C’est évidemment de moi qu’il est question ici.']
. Je lui demande si c’est pesant que il y ait tjs des gens, tout au long de l’année. « Non, ‘âdî, mais ils laissent leurs trucs… » Si y’avait de la moquette et une porte et des toilettes et des beaux coussins, ce serait les gens ?

« Quoi, ils viendraient mois ? » « Non, non… » → je n’ai pas compris.

(« j’ai déjà acheté la moquette, elle est à l’intérieur »).

 

Mais qd Ziad habite ici, il étudie et on ne vient pas le déranger, vrai ? « C’est vrai » (il sourit). Alors les gens savent que Ziad est pas là alors ils viennent ? Non, mais là c’est des amis du village, des amis du boulot…

 

Je demande combien de personnes à côté, un bébé ?
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-04-30T19:13:39.462266679'VP
NOTE: 'Encore une question qui ne se fait absolument pas. Tout cet échange est assez sur-réaliste. De quoi faire un sketch.']

→ Apprend que Nabil a 2 femmes, 1 à Aden (mère de Tahir) et 1 ici. Zina ? Il dit qu’il en veut 3. Et 100 enfants. « Rend visite » à celle d’Aden. Je lui demande si ça pose pas de Pb… Non c’est mieux.

-Je demande à Walid si lui il veut 2 femmes.

Nabil : « Walid il veut se marier avec 1 femme et 1 homme ». Rires. « Ah oui ? » C’est possible ? Ramzi et Walid par exemple…

Après de Nashwan il dira « nous 2, on est copains. On est mariés. On pratique le sexe ensemble. »

 

[B60]

Suite à lecture de « Corps contre corps » Corps pour corps de Jeanne Favret-Saada

→ elle a 1 truc précis à comprendre.

Le seul terrain que je fasse, c’est celui des séances de qat.
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-04-30T19:24:06.817914944'VP
NOTE: 'Très étrange à lire pour moi aujourd’hui.'
NOTE: 'Ces considérations montrent bien le degré de mon ignorance, à quel point je n’ai aucune conscience de l’étrangeté.'
NOTE: 'En même temps Nabil me mets à l’épreuve, un peu. Il se moque de moi.']

Apprentissage des normes de compt.

Habitus.

Comment ne plus être étranger dans 1 diwân. (mis à part comprendre ce qui se dit).

-Dosage d’être à soi et être aux autres.

-Posture. (tailleur on remarque).

(Walid : T’es pas bien là, le coussin est de travers)

→ (mais pas attention à coussin sur le sol ou pas, ni derrière le dos.) Accoudoir seulement.

Position des jambes ? Nabil les étend, nues, devant lui.

-Qat. Offrir (pas maintenant, après).

Je ne comprend pas trop comment ça se fait.

-Bouteilles & clopes. Hier : pourquoi 1 tufah et 1 coca ?

(j’avais acheté 1 eau et 2 gazeuses…)

puis Nabil apporte 1 bouteille de glace. Je mets dans le sac.

→ Ah, tout pour le sac, hein ?

 

[B63] Incident avec Nashouan.

Quand Walid et moi sommes tous seuls, il arrive dans la porte. Salue, demande où est Ramzi ou Nabil. Walid lui répond avec agacement.

→ prend la perche, me dit qu’il est fou, que il veut discuter avec moi, qu’il veut marier une française, que l’islam c’est nul. (ou peut-être c’est après)

Moi je fais l’air pas trop intéressé.

M’a dit par la suite qu’il avait décidé de jouer un jeu avec moi, pour faire chier les autres et pas rentrer dans leur jeu.

 

Walid s’énerve, l’engueule en lui disant qu’il a pas de manières et qu’il entre pas comme ça et repart…

Bref, le vire.

Après - Quand Nabil et Ramzi sont là - repasse avec un pote à lui (pas Kazim essahir). Tractation de qat. Nashouan se plaint de Walid qui l’a viré… Nabil prend sa défense, et engueule Walid, finalement dit OK, demain Walid tu ne qates pas ici. Tu qates ailleurs, tranquille, tu te promènes…

Finalement N. reste et laisse son copain.

Après Nashouan va faire une course, et Nabil dit à Walid de ne pas être agressif comme ça avec lui (?).

 

Après N. me dira « Eh Mansour, Nabil et moi on est des frères. Mais c’est lui qui est fou… »

+ discussion à la Nashouan (je suis psy, moi. Dialecte. AmpsILLISIBLE).

-Me demande avec qui je préfère dans le quartier. Je dis mon préféré c’est Ziad. Je dis à Nabil comme il y a du tafahum. (Et avec moi, binieri!)

 

→ Nabil : « Il faut lui poser des questions précises si tu veux une réponse. Est-ce que tu crois qu’il trainera toujours ici s’il était pas bien avec nous ? « Sah » (Moi) « Sah » et il me tape dans la main. Ironie ?

[B62] Qu’est-ce que Walid reproche à Nashouan ?

-De passer tt le temps comme ça, sans s’asseoir.

Nabil (je crois) : Qd tu rentres ds 1 diwan et qu’il y a des gens que tu – aimes – connais pas, tu t’installes, tu te fais discret, tu n’occupes pas le terrain.

[B65]

-On téléphone à Ryadh. Lui reste 1 semaine au -. Peut-être Ziad dans 2 jours.

Nabil prend numéro de la boulangerie. Ensuite Z. rappelle.

 

Walid et lui parlent de l’avenir de Ziad. → « il aurait dû faire anglais & info ». « apparemment plan avec société étrangère ».

 

- « Explication » entre Ramzi et Nabil.

Nashwan

 

Nabil

Ramzi

 

 

Walid

Moi

 

 

Nabil le casse. Le problème c’est toi. Fais ça…

(Ramzi a du mal à faire comprendre son pb apparemment).

Pleure, s’énerve. Après dit « s’excuse » à Nabil. « Non, âdî. »

Solution de Nabil « Demain, on va voir… »

Apparemment une solution c’est le qat…

Jeudi 28 août

[B66-B67]

- Déjeuner à Hawd avec Taher. Je l’engueule parce qu’il se plaint.

- petite séance de qat dans le magasin de Na’if, avec Khaled, le frère de Khaldoun.Sympa. Marié. On parle d’ethno (me conseillent de travailler plutôt sur l’hospitalité).

(café trop bon : nakhwa + za’tar + shamr)

M’offrent du qat - Khaled : wahsî, Na’if : jundî - pour pas que je sorte en acheter.

 -1 question simple : pourquoi tu n’étudies pas l’islam ?

 - Quelle différence ? (pabedon) illisible

 - qu’est-ce qui te plait pas dans l’islam (certitude).

 

Khaled, marié, ne qate que jusqu’à l’appel de l’aprem, ensuite va au magasin travailler.

 

Je reste seul avec Na’if (et son frère ? Qui est entre le comptoir et dehors).

Me montre sur le Coran, akhir aya surat ‘abbâs , et m’explique l’historie de qadas nagas, ensuite je lis un peu avec lui. (je pose le Coran sur mon pied, me reprend).

Ses copains de l’école sont devenus des glandus qui fuent et qatent et te taxent 200 Ri dès que tu les croises. Maintenant copains bien. Aime pas ceux qui travaillent pas.

Se plait bien dans ce magasin (les copains disent : « tu étouffes pas ici ? »)

Copains Khaldoun & Khaled & Shadhouan.

 

 

-Je le quitte pour chercher photos et rejoindre Nabil.

 J’appelle Mari.  Nabil est pas là.

Elle me rappelle dans le Mamlaka, où je me réfugie du bruit.

♡ Coup de fil Mari. Ça fait du bien de se parler.

M’a compris finalement mais a d’abord mal pris.

Peur de qd je vais revenir, je la rassure.

(Mari & femme, amour construit socialement).

Me dit : « Comme ça tu es dans le même situation qu’eux. Tu as une femme qu’ils ne voient pas. »

→ précisément, je n’étais pas habitué à l’idée qu’ils ne la regardent pas. Qu’elle soit hors jeu, ou ailleurs.

 

Nouveau au Royaume : petit muret de parpaing qui bloquent l’entrée depuis la rue

→ difficile de passer voir.

Walid me dit que c’est pour avoir que des gens bien.

Nabil est parti en ballade avec sa femme et ses gosses.

(Mail à camelin)

 

-Na’if me confirme qu’il faut pas sortir la nuit vers Hawd autour du bureau de police (arbre). Ou que dans les rues larges. Jeunes qui t’emmerdent, même avec ton cartable.

 

Anecdote Walid prépuce - Présentation

Anecdote du jeudi 28 août 2003 : Walid tente d’établir avec moi une intimité homosexuelle, en faisant preuve d’une curiosité immodérée pour la verge non-circoncise.

L’anecdote est très révélatrice de ma posture au cours de ma première recherche au Yémen, telle qu’on la décèle tout au long de ces carnets, mais dont les principes apparaissent ici explicitement.

Il y a un aveuglement de ma part quant à la situation, mais on ne peut pas vraiment parler de naïveté, car cet aveuglement est indissociable de ma démarche ethnographique : il porte sur ce que j’ai conscience de ne pas comprendre encore, et que je suis bien décidé à découvrir.

Note sur la méthode

Conformément à la méthodologie de la recherche ethnographique telle qu’elle est communément enseignée, les notes sont organisées sur le cahier de manière à distinguer autant que possible des informations de statut différents :

En réalité, cette répartition découle surtout d’une prise de notes qui s’effectue en deux temps, et combine deux actes d’écriture très différents :

La distinction entre ces deux temps est absolument nécessaire, c’est elle qui fait le travail d’ethnographe. Pour produire des « matériaux », il faut pouvoir donner libre cours à cette démarche un peu obsessionnelle, déconnectée autant que possible de tout souci de justification et de toute honte, sur un carnet qui restera personnel de toute façon12. De fait, cette phase de « création » du matériau s’effectue souvent dans une sorte d’auto-hypnose. Mais en même temps, la page de gauche est nécessaire, car elle consigne des informations souvent décisives pour le traitement ultérieur des observations de la page de droite. La page de gauche a pour objet mon état d’esprit, aussi bien sur le plan affectif, l’état émotionnel, que sur le plan de ce que j’arrive à concevoir à une date donnée.

En l’occurrence ici, le contenu de la page de droite est de nature à décontenancer : en le lisant, on a du mal à savoir si je suis irresponsable, simplement ignorant, naïf ou complètement idiot. Mais les éléments succincts figurant sur la page de gauche permettent de tirer plusieurs conclusion :

- D’une part, j’ai bien conscience que Walid m’a dragué, dans le sens où il cherche délibérément à établir un rapport homosexuel. C’est la première chose que je marque sur la page de gauche, même si j’ai manifestement tout fait pour ne pas l’entendre au moment des faits.

- J’ai également à l’esprit, d’autre part, la possibilité que le comportement de Walid s’inscrive en fait dans une organisation collective, liée aux règles implicites de ce milieu ou à des intentions particulières de Nabil à mon égard. J’écris : « Je me demande jusqu’où ça va ».

Tout l’objet de mon enquête réside entre ces deux explications, respectivement psychologique (Walid me désire) et sociologique (l’autorité domestique de Nabil doit être sanctionnée).

Cet objet est contenu implicitement dans ma démarche de jeune anthropologue, cherchant à investir scientifiquement les sciences sociales, au terme d’une enfance baignée dans la psychanalyse. L’objet, je pourrais même dire, réside entièrement dans cette question : jusqu’où ça va - jusqu’où va la dimension collective des désirs, le degré de leur détermination sociologique. On pourrait dire en termes durkheimiens, jusqu’où va la « solidarité mécanique »13, quel est le degré d’intégration sociale de l’individu. C’est évidemment cette question qui m’a conduit au Yémen, cette question qui focalise toute mon attention, et c’est aussi le secret auquel Ziad a promis de m’initier, en quelque sorte dès nos premiers échanges.

Rappel du contexte

L’anecdote survint le 28 août. Je suis au Yémen depuis le 23 juillet, descendu le 30 juillet à Taez avec mon permis de recherche. J’ai passé mes premières semaines un peu « captif » des diplômés du Département de Langue Française de l’Université littéraire, qui m’ont accueilli, et dont je n’ai simplement pas les moyens de repousser les attentions. Mais lors du mariage de l’un d’entre eux, Abderrahman, prof de français à Aden, dont Ziad est le voisin. Après les festivités (13-15 août), Ziad m’accueille pour la première fois dans sa pièce, et un fort enthousiasme réciproque se déclare entre nous, avec deux premiers jours d’échanges philosophiques à bâtons rompus (16-17 août). Puis Ziad me propose une escapade à Sanaa (18-23 août), cherchant manifestement à m’éloigner de son quartier. Isolé à Sanaa, la relation avec Ziad s’avère trop intense, trop déstabilisante, et je finis par retourner à Taez, sur un acte manqué. Ziad m’assure pourtant qu’il va revenir, et me propose lui-même de retourner dans son quartier, où son frère Nabil m’accueillera. Dès lors je n’ai plus qu’une idée en tête : chasser sur ses terres, afin de mieux comprendre cette personne qui me déstabilise tant.

L’anecdote du 28 août s’inscrit dans ce contexte très particulier, où Nabil se retrouve avec le Français sur les bras, sans que mon statut soit clairement défini.

À part le parrainage institutionnel au niveau de la capitale, qui m’a permis d’obtenir mon permis de recherche, la seule personne qui est censée connaître d’où je viens s’appelle Tareq Abbas. C’est un Yéménite étudiant à Paris, que m’a présenté avant mon départ Samir Monassar (lecteur d’arabe de l’ENS, mais originaire de Sanaa). Tareq m’a accueilli à la descente du bus, mais il s’est empressé de se débarrasser du bébé, en me déposant dans l’appartement du Directeur dépêché par l’Ambassade de France (alors en vacances en France), aux bons soins de Tahir, son « homme à tout faire » et secrétaire du département. Nous nous sommes rendus plusieurs fois chez Tareq pour qater, mais c’est Taher qui m’a accompagné dans mes premiers pas à Taez, et c’est avec lui que j’ai noué une relation privilégiée.

Mais Taher a une personnalité particulière XXXXXXXX

Mais Taher n’a nullement envie d’assumer « politiquement » ma présence, ce n’est pas sa tasse de thé. Une première séance de qat a eu lieu la veille chez Nabil (le 25 août), et il ne tient pas à m’accompagner à nouveau.

Le 26 août, séance de qat chez Nabil (dans la pièce de Ziad), en présence d’Abderrahman  (le jeune marié) et de Tareq Abbas, l’étudiant que. Tareq apparaît comme responsable de moi. En réalité il me connait assez peu, m’ayant déposé dès mon

Donc le 26, Tareq prend l’initiative de m’accompagner chez Nabil, pour un échange entre hommes responsables, dont la tonalité se lit bien dans mes notes (« Ici, nous sommes tous du Parti du Congrès », affirme Nabil). Pour autant, la séance se termine sur un malaise : on voit bien que personne n’est là pour assumer la présence du Français. (Il n’y aura plus de rencontre entre Tareq et Nabil, et Tareq préférera tenter de m’éloigner de ce lieu qu’il trouve « sale »).

Je retourne dans le quartier de Ziad dès le lendemain (27 août), n’ayant aucunement conscience de cette situation - je suis totalement dupe des apparence, quant à la « gentillesse » et « l’ouverture d’esprit » des Taezis… En plus j’arrive en fin d’après-midi (l’heure où ne s’attardent que les intimes du lieu normalement). D’après mes notes ce jour-là, Nabil passe l’après-midi à maugréer contre « ces jeunes qui viennent qater et n’emportent pas leur déchets avec eux ». Il a également rétréci l’entrée de la pièce, de manière à décourager les curieux. Mais dans le même temps, Nabil n’est pas indifférent au bébé qui lui atterrit ainsi entre les bras : il voit que j’apprends vite, que je ne suis pas insensible aux remarques qu’il me fait, et une sorte de relation d’apprentissage commence à naître entre nous.

Reprise de la séquence interactionnelle

En réalité, mon comportement dans cette anecdote est tout à fait cohérent, de la part d’un ethnographe qui :

(1) ne connaît pas les éléments du contexte, ne sait pas où il se trouve ;

(2) ne partage pas les mêmes codes culturels, et doit donc nécessairement « débrayer » ses réactions, suspendre son jugement immédiat.

(3) a néanmoins à coeur de négocier une relation, du fait de l’alliance précédemment nouée avec Ziad.

On observe donc la séquence suivante :

Ayant reconstitué cette séquence, j’ajoute contextualisationLLLL

Théorisation de mon approche

C’est donc plutôt la conscience d’un aveuglement, doublé d’une ferme volonté

02/05/18 07:27:55 NON : c’est plutôt la conscience d’une intuition portée en moi, le sentiment de mon « génie ».

Il faudra écrire ça en dernier. D’abord avancer dans la description, tenter de ne pas déprimer.

+ Ajout (à propos de la page de gauche) : j’ai aussi tout à fait conscience de certaines ambiguïtés structurelles de la situation, l’éventualité que Nabil me viole qui reste (et doit rester, en fait) à l’horizon. Très clairement, je donne un statut différent à Ziad et à Nabil, du fait que Ziad est « libre » quand Nabil est dangereux, parce que travaillé par le mal, par le péché de la chair.

Du point de vue de Ziad ce que je recherche n’est rien d’autre que l’islam - cette dissolution des points de vue sociologiques et psychologiques, dans une intégration supérieure des existences individuelles. Pour ma part je le conteste, et il se trouve néanmoins disposé à collaborer.

Inutile de dire que l’acte sexuel n’est absolument

Bien entendu, être à la recherche de quelque chose de cet ordre, n’a rien à voir avec le fait de rechercher un acte sexuel. L’acte sexuel ne répondrait absolument pas à mon interrogation.

En fait, ma posture est tout bêtement une combinaison de sociologie et de psychanalyse : il s’agit de « traiter les faits sociaux comme des choses », selon la maxime bien connue du fondateur de la sociologie moderne - tout en tirant partie d’une disposition, héritée de ma mère psychanalyste, à « traiter les faits sexuels comme des choses ».

J’aborde la réalité sociale yéménite comme une combinaison de faits sociaux reconnus comme tels, et de faits sociaux non-reconnus comme tels, car perçus ordinairement comme des faits sexuels.

D’où ma démarche, qui consiste à ne pas me couper des informateurs ordinaires (notamment Taher et les autres diplômés du département de Français), tout en nouant

Ou plus exactement, il s’agit de mettre au jour les faits sociaux habituellement passés sous silence, parce que perçus comme des faits sexuels.

[B035.jpg] Anecdote avec Walid.

Walid me trouve en train de téléphoner. Me dit de rester, on va qater ensemble.

-lance le sujet sur ma copine. Se plaint que nous on peut pas pratiquer le sexe avant le mariage, donc on a de l’énergie qu’on ne peut pas faire sortir.

→ je lui dis c’est pareil en France, bcp de jeunes sans copines.

→ discussion sur la masturbation, ‘âda sirrîyya. C’est haram. Je lui dis que c’est haram ou ‘ayb dans toutes les sociétés.

circoncision. Ne comprend pas (?). Me dit qu’il savait pas. Quelle est la différence ? Ne peut pas s’imaginer. Je finis par lui faire un dessin (*), avec le prépuce et tout, et je lui dis c’est comme une paupière.

Dit qu’il arrive pas à s’imaginer parce qu’il a jamais vu (Relou). Finalement je blague en disant qu’un jour on ira pisser ensemble
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-05-01T09:46:46.385551993'VP
NOTE: 'Remarque faite pour l’humilier, mais il ne comprend pas. Code virilité à l’européenne.']
. Il insiste, veut que je lui explique, quand ?

Je perds patience et lui dis que je n’ai pas envie de lui montrer ma bite.

→ il s’énerve, me dit que conversation haram, qu’il a pas demandé, que il est vexé…

On sort acheter du qat, je m’excuse tout en étant un peu ferme (t’as qu’à être plus clair).

 

En allant chercher mes lunettes, je me dis que cette histoire peut mal tourner.

Je m’excuse à mon retour, platement. « Pourquoi ? ». Il dit « En islam, si tu veux donner qq chose, tu le donnes sans qu’on te le demande. »

Puis « Ce qui m’a énervé, c’est que tu dises que j’ai demandé ».

Ensuite se plaint d’une douleur au sexe, se gratte. x N

« T’as pas remarqué hier » (fait allusion au fait que j’ai vu son mawwaz ouvert… j’ignore.

 

Puis enchaîne sur le PACS : t’as envie de te marier avec un homme…

Finalement je vais manger, je rencontre Taher et suis un peu en retard. A mon retour, il me dit qu’il peut pas rester.

 Précisions dans la marge de la page de droite, insérées au terme du récit :

(*) Il prend le papier dans sa poche. Après je lui reprends et il le brule « c’est haram un dessin comme ça ».

 

Tout le long il joue au con…

 

Bon, clairement ce Walid en veut. 19 ans.

Va assez hardiment en besogne !

Mais bon, je l’aime bien quand même, ça me gène pas.

Quand même, je me demande jusqu’où ça va
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-05-01T09:52:41.685677106'VP
NOTE: 'Là je commence à toucher ']
, et si il y a connivence avec les blagues vaseuses de Nabil.(*)

Bon, je le provoque  un peu, quand il me pose trop de questions et je les lui retourne.

(*) → peut-être finalement il y avait ambiguïté quand j’ai passé la nuit chez Ziad.

Hier j’ai refusé de dormir là-bas.

 

Le vendredi 29 août – Le rôle de Khaldoun (commentaire)

Taher et moi sommes invités à qater chez Khaldoun, le jeune horloger, pour son jour de repos.

Une ambiance totalement différente, très douce, bienveillante, presque enfantine parfois.

Et puis ce jeu étrange, sur les prénoms des femmes. Jeu qui ne veut absolument rien dire pour moi.

Redécouvrant cette scène en mai 2018, j’y vois une confirmation spectaculaire de mon intuition, selon laquelle la réalité sociale est entièrement déterminée par un triangle interactionnel (cf scène Midan Tahrir).

En effet, le comportement de cette famille a toujours été pour moi emblématique de l’un des deux pôles qui structurait à mes yeux la société Taezie. À savoir le milieu social des commerçants, plus ancrés à Aden qu’à Sanaa, affectivement et politiquement, plutôt opposés au Régime.

Or cette scène constitue en quelque sorte la première occurrence d’un comportement très spécifique, de cette famille,  qui va jouer un rôle décisif à un stade ultérieur de mon enquête. [à raconter dans la chronologie finale, en insistant notamment sur la posture de Khaldoun, en opposition interne, au moment où il collabore avec Nabil]

Mais en réalité, loin d’être la conséquence mécanique d’une « position sociale » spécifique, ce comportement s’inscrit dans un moment particulier de ma socialisation.

À travers ses amis commerçants, Taher essaie de faire pencher la barre de son côté.

Il y a donc une sorte de symétrie avec ce qui se passe du côté du quartier de Ziad, notamment la scène de la veille avec Walid.

D’un côté, Nabil et Walid s’efforcent de mettre la pression sur moi, en dramatisant le jeu de l’honneur et du déshonneur : ils tentent de me décourager en m’effrayant, en présentant la situation sous la forme d’une alternative abruptement sexuelle - même si elle reste toujours implicite : soit je m’éloigne, soit (comme on dit vulgairement) je « passe à la casserole ». C’est aussi le sens du rétrécissement de l’entrée de la pièce. Et c’est le sens du harcèlement apparemment pervers de Walid, qui n’est possible qu’en vertu de mon entêtement - non moins pervers potentiellement.

De l’autre, Khaldoun et ses frères m’accueillent dans une sorte de « potlatch » de l’honneur, destruction rituel de ce qui en constitue l’enjeu ultime : le nom de l’épouse.

J’ai toujours voulu voir un rituel de socialisation, spécifique à ce milieu, à la sociabilité de ces commerçants entre eux. Ce qui est vrai, dans une certaine mesure : les commerçants ont l’habitude de transiger avec les règles de l’honneur, pour créer de la confiance, dans un monde où la connivence est décisive pour le succès (cf Geertz souq de Sefrou, ou relecture par l’anthropologie économique).

Mais cette idée doit être aussi nuancée. Ici, c’est bien une forme excessive, caricaturale de cette sociabilité, liée à mon ignorance totale. Si elle était routinière, Munif ne ferait pas preuve d’étonnement, et elle perdrait tout intérêt.

Khaldoun et Nabil appartiennent bien à la même société, ils sont témoins de la même situation : ma passion apparemment arbitraire pour la personne de Ziad, ingérable du fait de mon absence de place sociale bien définie. Situation à laquelle ils apportent deux réponses radicalement opposées, mais essentiellement parce qu’il l’abordent de positions différentes :

Taher et Nabil sont par ailleurs impliqués dans des activités professionnelles de nature très différentes, associées à des activités distinctes :

Tout ça est structurel. C’est simplement lié à l’organisation sociale, la division sociale du travail.

Les deux réactions sont en quelque sorte deux réponses, symétriques l’une de l’autre, à une même situation, liée à

En fait les commerçants tentent là, instinctivement, ce qui constitue à leurs yeux une grande opération de séduction. Mais ce jeu me laisse complètement insensible - et ils s’en rendent compte un peu - simplement du fait que le prénom de ma petite amie n’a absolument pas le même statut pour moi.

Plus profondément en fait, Taher et Khaldoun échouent à mobiliser ce qui compte véritablement pour moi. Ils ne peuvent évidemment pas rivaliser avec l’intérêt qui me porte vers Ziad, relation dans laquelle se concentre toute mon histoire personnelle. Le lecteur de mon carnet de terrain le sait bien, mais eux ne s’en rendent compte que partiellement. Cette équipe part perdante, mais elle ne le sait pas. De ce fait, la grande opération de séduction tombe à plat : elle se réduit à une sorte d’exhibitionnisme sans exhibition, un exhibitionnisme de parole, auquel je suis complètement insensible.

Par contre, il va se développer ce jour-là avec Khaldoun une alliance d’un autre type, liée au partage de ma relation avec Ziad. Une relation de


[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-05-02T10:59:38.821131800'VP
NOTE: '[Juste pour dater cette découverte…]']
Oh ! En fait c’est une mission, liée à une demande de Taher, il s’agit de me surveiller en quelque sorte… D’où une posture que je perçois comme féminine. Khaldoun se fait complice de mon secret.

Et Ziad est complètement lucide sur ce point.

SUITE ARGUMENTAIRE GENERAL, sur la cohérence de la société Taezie.

Je suis absolument incapable de soupçonner le degré de connivence, vis-à-vis de ma présence

La manœuvre de Taher et Khaldoun alimente chez moi l’idée d’une intrigue passionnelle autour de Ziad, d’une personnalité polarisant à l’échelle du quartier.

- non pas que ce ne soit pas concevable (c’est bien ce qui semble s’être passé avec Nabil), mais je néglige excessivement l’intrigue associée à mon arrivée.

Enfin non, disons qu’il y a bien deux intrigues : une intrigue liée au charisme de Nabil (et par extension, de sa fratrie), et une intrigue liée à mon arrivée. D’une certaine manière, notre histoire n’est qu’un rebondissement de cette histoire-là. C’est bien aux ennemis de Nabil que j’ai affaire en réalité, et non à ceux de Ziad nommément).

> Sur le moment, je suis bien conscient que ces deux intrigues s’articulent, mais je n’arrive pas à comprendre précisément comment.
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-05-02T12:26:41.235155520'VP
NOTE: 'Globalement, je trouve que je suis assez intelligent. Assez super intelligent. Mais évidemment, pas assez intelligent pour inférer le dogme islamique à partir de la faillite du témoignage musulman.']

[B036.jpg] Le vendredi 29 août.

- Lever 11h30, réveillés par Khaldoun qui nous attend. On arrive vers 12h30, moment de la prière. On attend devant le magasin de Na’if, Khaldoun zappe la khutba et va prier en 5 minutes. Seul Tahir ne prie pas
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-05-02T08:20:09.481632320'VP
NOTE: 'Introduire ce détail dans le portrait de Taher, car très révélateur de sa posture dans la société, de son destin également.']
. Shakib (« le Somali »الصوماليsurnom villageois (aucun lien avec la Somalie, en fait)) de Qadas le lui reproche, Tahir s’énerve, commence à le taper.

 

-Déjeuner et qat chez Khaldoun.

 

Yasser

Khaled

Shadhwan

Ouvert +trad illisible

Copain de Na’if ?

 

 

Copain

 

 

 

 

+2 neveux de Khaldoun, très mignons

 

 

 

Moi

 

Khaldoun

(*)

Na’if

Tahir

     ^ (*)autre copain, Munif

 

-Blagues sur les femmes : le grand jeu est de me faire parler des femmes des frères et des amis, au téléphone ou pas.

→ sont étonnés, parfois un peu choqués.

تتعلق البلاسة
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-05-02T07:56:09.135385560'VP
NOTE: 'بَلَسان [جمع]: (نت) جنس شجر من فصيلة البخوريّات، أوراقه متقابلة، وثماره عنبيّة، وله زهر أبيض صغير كهيئة العناقيد، يُستخرج العِطر من بعض أنواعه ومن أسمائه: بَيْلسان.']
tata’allaq al-balâsa / monter à l’arbre fruitier ~cueillir le fruit défendu

→ me font apprendre noms des femmes des frères :

Khaled + هيفة Hayfa, Yasser + هدى Houda ?

3ème frère + Hamran ?

Je dis - ils me font dire - « comment va hamran ? » et ça les fait marrer.

+ Munif, copain de Khaldoun – ou Shadwan -  auquel je dis au téléphone comment va   'Abîrعبير, puis qd il arrive je – ils me font - blaguer avec le paquet de mouchoir du même nom,

- « tu la connais ? » - « Oui je la connais, elle est passée au magasin de Na’if. A acheté… »

 

+ me font parler de Mari. « Son adresse e-mail » (2x). « Je lui téléphone ». On échange…

 

Très révélateur du statut des épouses. Le simple fait que je fasse semblant de connaître (familier) est burelesque.

+ Un des frères, dont le gd père a vécu en France. « Mon grand-père a connu ta grand-mère en France »

x2, très fier de sa blague.

 

[B037.jpg]

- ساعة سليمانية sa’a sulaymaniyya / heure de Salomon, On allume la télé.

- Na’if et la plupart partent. Restent Khaldoun + les 2 cops.

- à un moment je dis que je suis monté à Sana’a avec Ziad, Khaldoun s’exclame, étonné, tu es monté avec Ziad ? Le connaît très bien. Ensemble à l’école 1ère (?) et secondaire. Et ensuite ensemble au centre - معهد - d’info (et des langues).

Me demande ce que j’en pense. Je dis, pour simplifier, qu’il me ressemble. Anecdote du quiproquo.

 

Va prier. À son retour me demande où j’ai habité à Sanaa. Je lui raconte Oussama & la Makhabza makhbaza / la boulangerie.…………

………… Je lui raconte un peu toute l’histoire, la dernière engueulade.[souligné]

 

Lui décrirait sa personnalité comme غامض ghâmid/louche, humeur changeante, on ne sait pas ce qu’il pense.

A changé depuis 6-8 mois, avant ne connaissait pas l’islam, déconnait un peu, se battait.

Depuis [mot barré ultérieurement], il ne se voient plus (groupe autre que NA’if et les frères, plutôt Khaldoun et Shedwan).

Influencé par des gens ?

 

On est d’accord, il comprend ce que je lui décris sur la discussion sur l’Amérique.
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-05-02T11:10:30.335713930'VP
NOTE: 'Cf discussion du 22 août, p...']
- « Il ne se met pas à la place des gens – لا يتفهّم
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-05-02T11:08:37.784431661'VP
NOTE: 'Ce mot décidément devient très important pour moi, durant ce séjour.']
يتفاهم-

- « C’est vrai, même j’ai remarqué au niveau relationnel. »

Comprend bien mon point de vue sur l’islam, le partage.

A l’air triste. Utilise le mot متشدِّد intégriste.
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-05-02T16:06:13.450082314'VP
NOTE: 'Moment de plaquage de la problématique de l’intégrisme, je m’en souviens très nettement. Khaldoun tire la couverture vers lui, en quelque sorte, il devient un soutien. Il ne se rend pas compte que le comportement de Ziad n’a rien à voir avec de l’intégrisme (ou plutôt, il se rend compte que la logique de notre échange lui échappe, d’où sa perplexité).']

- « Mais, je dis, je trouve – je pensais quand même que l’islam lui va bien. Lui apporte énergie, direction. C’est ça qui me ressemble.

 

Non, en fait moi ça me fait plaisir de parler de Ziad, mais lui aussi, il est intéressé, c’est lui qui me relance.

M’écoute attentivement. Tristesse.

Je sens qu’il tient à Ziad, qu’il vit mal ce qui lui est arrivé.

En fait soucieux car ne sait pas comment m’éloigner de Ziad.

[puis ajout :] J’ai l’impression sur le moment qu’il y a eu une histoire forte entre eux. Etrange. Pas de confirmation.
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-05-02T11:19:06.824626496'VP
NOTE: 'Donc j’avais décelé l’intention de Khaldoun en octobre 2003. Mais je ne comprenais pas pour autant ce qui avait produit chez moi ce fantasme : un malaise lié à la conscience du caractère malhonnête de sa démarche, et que je projetais pour ma part dans le passé.']

Qd, par exemple, je dis « je sais pas. » → « tu sais pas quoi ? »
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-05-02T11:25:15.803160819'VP
NOTE: 'Je note la manière dont il me sort les vers du nez, mais j’interprète son malaise comme un complexe psychologique, vis-à-vis de Ziad.']

=> Ressentait proximité et la religion l’en a éloigné.Je projette !

Amertume (intuition juste)

→ + ensuite le soir, assez silencieux, triste.

Khaldoun : père ingénieur.

Différence de classe / Réaction souvent chez les gens brillants de milieu populaire.

Plaque schéma des jeunes barbus tunisiens

Khaldoun. Je le ressens et je sens qu’il me perçoit comme proche, caractères voisins. Même attitude par rapport aux femmes (voir page suivante), et aussi par rapport aux normes : Khaldoun se soumet à l’islam (abstinence) + prière, sans zèle excessif. L’islam n’est pas un sujet sensible, il comprend tout à fait quand je parle de comptabilité entre moi & Ziad.

↔ ~ Proximité de classe sociale.
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-05-02T12:09:32.138713038'VP
NOTE: 'Superposition entre dimension sociale et dimension genrée de la situation. Ici déjà, la narration sociologique commence à se mettre en place.']

C’est vrai ça, j’ai l’impression que c’est l’islam qui est à l’origine de cette compréhension. Ma ferveur à moi, spécialement au Yémen.
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-05-02T11:32:33.888621459'VP
NOTE: 'Très clairement, l’interaction avec Khaldoun est de celles que je vis le plus intensément. Précisément parce qu’il se fait le témoin de ma passion pour Ziad, comme une meilleur copine, il se fait le témoin de ma féminité. Du coup je me reconnais en Khaldoun, la part féminine de moi-même se reconnait en lui, et c’est aussi l’islam que je reconnais en moi.'
NOTE: ''
NOTE: 'Seulement cette « gentillesse » de Khaldoun a des conséquences terribles, parce qu’elle me renforce dans mes propres perceptions, dans mes projections. Entre moi et l’islam, elle place un mensonge. ']

[B038.jpg] Suite discussion sur Ziad, son intégrisme et les incidents de Sanaa

Question de combien du donnes de toi.

J’ai parlé aussi de ce que ça a changé, et de mon malaise.
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-05-02T15:34:25.945619006'VP
NOTE: 'Ce qu’a changé la rencontre avec Ziad, et mon malaise… Je lui ai posé la totale, quoi !']

+ avant ma situation d’études.

→ Je conclus en disant que maintenant je suis bien icid’être revenu à Taez, mais j’aimerais bien continuer à discuter avec luiZiad.

 

 

Vers 8h, on sort, m’accompagne jusqu’à el-Hawdh.

Me dit de repérer le chemin. Silencieux. → jusqu’à la fin.

Dit que le qat fait trop d’effet.

À un moment je lui dit : « tu es fatigué ? » - « Non, je suis habitué à la fatigue. »

 

-On décide de manger avec Nâ’if. Moi je vais faire mon sujet sur Hawdh al-Ashraf.

(sur le trajet) est-ce que tu penses atmosphère – caractère سفة – particulier ? « Oui, blagues, bcp de lien. Les gens ne se servent pas de toi / Egyptiens.

Quartier → interconnaissance = rempart contre les arnaques.

Proximité Rd-point : 2ème interconnaissance.

Me demandera où est l’appart, en bas de Tahrir → Ouh c’est loin. Pleins de gens مزعوم mazhûm/bondé.

 

Serveur débile qui apporte foul purée de fêves, d’une boite qu’a acheté Khaldoun. + thés.

 

« étudier ce quartier, ça me permet de parler de ce qui m’intéresse vraiment, la vie des gens, les amis, « description fidèle. »

𝚹  Monographie de Hawdh al-Ashraf.

- usages de l’espace.

- cercles de sociabilité.

Public/privé.

Comparaison   مملكة زياد ↔ محل نائف  magasin de Na’if ↔ Royaume de Ziad

 

 

-Sur le devant, gamin que je reconnais comme frère du type de l’épicerie, Shakib. « Tu es un copain de Tahir ».

Ensuite un autre frère عمار Ammâr diplômé de littérature anglaise. Cherche boulot. Cousin de Tahir (?) de Qadas. Musique (Georges Michael, poésie Beaudelaire, signes astrologiques).

Khaldoun le supplie de lui apprendre l’anglais.

 

Ensuite au resto avec Na’if et Khaldoun. Discussion surtout avec Khaldoun, sur « l’expérience ». Il dit que il n’a jamais connu de femme, mais que il ne ressent pas de frustration مَغرُم ?? Par respect de la religion, ne pratique pas زنة Zina / fornication.

 

Je lui parle de la pression psy sur les jeunes français
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-05-02T15:49:51.219142861'VP
NOTE: 'Je fais référence ici à une injonction à la sexualité, dans des conditions qui n’en permettait pas la négociation réelle - ce que je ressentais douloureusement comme adolescent et même jeune adulte.'
NOTE: 'Identification à Khaldoun sur ce point. Peut-être liée à sa personnalité, peut-être à la configuration / Ziad (évoquée plus haut).']
. Long à expliquer. Me demande si j’ai étudié la psycho. Je dis ma mère m’a transmis pas mal.

 

[B039.jpg]

Avant, pdt repas, on a discuté de me trouver un appart. « C’est bête, 2 mois avant il y avait l’appart du dessus libre, on aurait pu y habiter ensemble. » « عمار Ammar est au courant d’un appart à louer à côté de chez Abderrahman.

 

-Na’if me repropose son aide. Viens ici quand tu veux, à n’importe quelle heure. Ferme ~ 22h30. Habite un peu + bas, quartier voisin. Appart seul.

 

Pas de lumière dans le mamlaka à 22h30. Je redescends
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-05-02T16:11:49.790384141'VP
NOTE: 'Situation extrêmement sournoise : En même temps que Taher organise ses relais locaux qui devront veiller sur moi, il me fournit une sorte d’alibi, une contenance, qui me permet de harceler l’espace domestique de Nabil de manière plus systématique encore.']
.

 

♡ Je suis un peu partagé entre l’envie de retrouver Ziad et donc d’aller à Sana’a et celle de m’attacher (et de m’installer) dans ce quartier.

Tous les amis moins proches que j’ai ici valent-ils pus que mon amitié avec Ziad ?

En fait je peux très bien aller voir régulièrement Ziad à Sana’a, j’ai largement le temps.

D’autant qu’un quartier c’est aussi des absents, une attache. Makhabza boulangerie intéressante.

Rapport au quartier des immigrés à Sana’a.

(ex, le frère de Khaldoun qui est redescendu pour Hodeida, qui téléphone vers 8h pour dire qu’il est bien arrivé.

Frère de Ziad à Aden (le rencontrer).

Khaldoun me propose d’aller à Aden ensemble. « on sortira en boite ».

 

- Mais le fait que Ziad ne soit pas là me chagrine

(en même temps bon ressort)
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-05-02T16:29:29.674343288'VP
NOTE: 'Ressort narratif, qui alimente l’enquête, ma socialisation. J’ai bien identifié que quelque chose marchait mieux']
.

-Région d’origine de Na’if (émigrés américains).

Blague – au mafraj : « parlent avec des Yo, rap ». « Chaussettes spéciales ».

 

/Région d’origine de Khaldoun (évoquée par l’accent?)

 

-J’évoque que Abderrahman n’a pas l’air heureux. Oui, des fois ça ne colle pas au début, après ça va mieux. Plus difficultés matérielles…

↔ Comme Ramzi, qui m’a dit au resto « oui, c’est une grosse responsabilité ».

Hyp : les conditions matérielles jouent comme pudeur, pour ne pas parler des affaires privées.
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-05-02T16:17:20.677414195'VP
NOTE: '(l’objectivisme comme anesthésiant)'
NOTE: 'Bon, je remarque au moins que je n’ai pas de pudeur. Enfin non, plutôt je transforme immédiatement le malaise en spéculation sociologique. Le sociologue est sans cesse sur cette brêche : dès que le décalage de conduite devient trop douloureux, il bascule vers un point de vue surplombant, anesthésiant.']

 

Nouveau coup de fil à Ziad

Coup de fil à Ziad. Je lui demande des nouvelles de ses recherches. Quelle société ? Et le moral ? Essaie de trouver, bonne chance. Bank Tadhamon (1er, bonne note) et puis semaine prochaine entretiens avec Société Ha’il Sayid à Taez.

أنا تمام بس أشتاق إليك ! « أشتاق إليك كمان. »

« أرجع أكيد في يوم الأحد ان شاء الله, كن في المملكة يوم الأحد انتظرني في المملكة » Attend-moi dans le Mamlaka

Je vais bien mais tu me manques. « Tu me manques aussi. » « Je reviens dimanche, c’est sûr inchallah. Sois au Royaume dimanche, attends moi au Royaume. »

Très content. Musique. Je danse.

 

Entretien avec Taher sur le Hawdh et l’appartenance régionale

[B040.jpg]

Discussion avec Taher

Du coup à Tahrir
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-05-02T16:42:12.814506380'VP
NOTE: 'Le rapport au lieu est aussi un ressort narratif particulier, qui fait avancer l’enquête. Taher aussi participe à cette intrigue. Il surjoue un peu le déracinement, la centralité de ces quelques boutiques dans sa vie.']
, seul, perd contact, déprimos.

Régions :  → spécialités

  → destinées collectives.

 

 

Habitudes à Hawdh al-Ashraf

* voit les copains qui descendent du village et qui passent.

« Clientélisme » a à voir avec mon sujet !

Mieux d’avoir confiance → réseaux régionaux privilégiés.

(t’aide sans que tu le demandes) avant que tu t’aperçoives du pb (pharmacie, remèdes mal choisis…)
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-05-02T17:07:10.821346964'VP
NOTE: 'Référence à la pharmacie à côté de Shakib, de qadas.']

Mais ce n’est pas du « régionalisme » مَناطِقِيَّة

Autres habitudes (resto en face de son frère) ابو عمار

 

Quand même, lien particulier, qqchose en +

ex : عمار et son épicerie

Quand est arrivé au Hawdh, a papoté, ont découvert même « village ». - en pratique son hameau est à 1h en voiture - Ensuite y est allé tous les jours. Mais connaît pas maison dans son village.

Resto et épicerie à côté, voisins de عمار , mais ne va pas à cette épicerie-là.

 

picerie à côté du Sheikh, a papoté la fois où on était ensemble → de même région → potes (tu connais…).

-//Sardahi directeur du Dpt de Français qui fait ses courses, demande à Taher.

- Taher travaillait dans magasin de vêtement. → a rencontré beaucoup de gens. Nabil par exemple, savait son nom.

→ vendu au père de Na’if (qui sinon bâtit des maisons pour des émigrés) مقوّل maître d’oeuvre.

 

* Emigration. Aden (britt) puis Saoudie. Voir liste dans son village.

→ Retour des 2 millions en 91, dont + de moitié de Taez & Hugariyya.

Se construit alors le quartier de الحوبان alHawbân (situéde départ des bus public jusqu’à usines).

 

[B041.jpg]

-le mal du pays (voyage à Sana’a) finalement il ne part pas.

→ مخبزة boulangerie

-Tahir connaît Ziad via copain (Farid?) qui trainait toujours là-bas.

sur le chemin du retour de l’université, passait. Toujours bondé de gens.
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-05-02T17:31:03.317972554'VP
NOTE: 'Rythmer le récit par ces informations, qui dévoilent peu à peu le caractère de Ziad.'
NOTE: 'Ça c’était une information importante, quand elle est arrivée, je me souviens. Je réalisais qu’il y avait une existence plus large, dimension sociabilité étudiante, synonyme pour moi de légitimité.']

 

Nabil, première fois qu’il le voit ici. Situation change.

 

Souvent, à côté de la maison pièce pour les jeunes, parce que pas possible de les recevoir dans la maison.…
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-05-02T17:47:15.586434731'VP
NOTE: 'En même temps, c’est lui qui m’explique à quoi j’ai affaire. Le rôle de Taher est vraiment complexe.']

 

Analyser en rapport avec changement de situation. Ziad part travailler, c’est plus les études. Nabil ne peut pas continuer. Femmes & enfants.

Mur. (Ne peut pas les virer).
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-05-02T17:25:43.663587446'VP
NOTE: 'Ici, on voit bien que Taher ne me parle pas du fait que éventuellement, je pourrais ne pas être la bienvenue. C’est un combat politique : si il me révèle que je ne suis pas la bienvenue, il joue contre son camps. Il faut que je reste ignorant, pour que je reste ingérable, et qu’on ait besoin de lui. Je suis l’otage d’un conflit politique : Taher ne peut qu’affirmer que je suis la bienvenue chez lui, et espérer que je me rende compte que je suis mieux reçu chez lui.'
NOTE: 'Segments de la sociétés, et occasions, qui existent par la présence de l’Occidental.']

Samedi 30 août. Fouwwaz facilite la discussion

Semble y avoir une ambiance plus routinière. Peut-être lié à la présence de Fouwwaz, qui refait vivre l’ambiance respectueuse. Abdallah et Ammar aussi, sont plus coopérants.

> considérations intéressantes sur le mariage, qui trouveront leur chemin dans ma maîtrise.

Dans ce contexte, Walid me teste toujours, mais cette fois sur l’argent, dans un registre différent.

[suite B041.jpg] Samedi 30 août.

- écrit la partie-sujet du mail à Sylvaine.
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-05-03T17:30:31.750590458'VP
NOTE: 'À retrouver']

-Monte chez Nabil. Mafraj encore différent : porte de l’enclos muré.

أنا

فوّاز

عبدالله

 

 

عمّار

→ ابن خالة زياد comme Walid

 

Abdallah pas marié. 21 ans, a deux frères de 25 et 28 ans qui ne sont pas mariés. → ne doit pas se marier avant eux. Le + gd est à Sana’, employé – origine illisible ?

Abdallah : perspectives de mariage bloqué par son 1er frère qui ne se marie pas.

→ ne cherche même pas de boulot, son tour n’est pas près d’arriver.

Bref, dernier de la famille.

« à mon avis, il ne pense pas à se marier mais il veut émigrer ». + pb avec la famille d’une 1ere fiançailles.

Fouwwaz : « Vis-à-vis de la mariée, ça ne se fait pas que le jeune frère se marie avant l’aîné. »

Fouwaz Non, c’est obligé de se marier dans بعدان Ba’dan. (« Tout le monde en Amérique ») lui habite à شمّاسي shammâsi, quartier de Taez. Connait pas Na’if.
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-05-03T17:32:26.878172577'VP
NOTE: 'Seul Fuwwaz évoque dimension régionale.']

عمار Ammar : « Chez nous, c’est chacun qui décide. » (Mais Abdallah lui dit, ouais mais quand même, si… » Et il est d’accord.

 

Je ne qate pas. Fatigué.

Walid me saoule. Je rentre tôt.

Abderrahman me dit qu’il n’y a pas de maison à louer, que pleins de gens veulent s’agrandir et c’est dur de trouver.

 

[B042.jpg]

Waddah : les seuls qui exploitent Ziad, c’est les étudiants. Ils viennent qater avec lui et profitent de sa science.

→ fonctionnement différent Za’îm etc..

Fin du Mamlaka : depuis 3 ans. Pièce pour Ziad pour qu’il étudie. Pleins d’amis viennent étudier ici, avec le qat (« si, si, ambiance studieuse ») - « Utile d’avoir à la fois gestion et administration. On s’aidait mutuellement »

Maintenant Ziad est parti à Sanaa. Nabil veut utiliser le mafraj pour sa famille, pour s’agrandir (n’a qu’1 pièce en haut).

 

Triste ? Non, c’est comme ça la vie, les étapes. Temps de l’école, ensuite le temps des études, maintenant le temps de travailler, se marier et construire une famille.

 

Me demande à mon avis pourquoi différence de développement ?

-Abdallah (avant ça) qui dit à Ammar « Wallah, ils ont pas de religion. Ils en ont discuté l’autre jour. »

-Lui Fouwwaz a trouvé boulot dans supermarché à Sana’a, 25 000, pas top. Apprend l’anglais et veut traîner dans entreprise, quel que soit où, Taez ou Sanaa. خطيب Khatîb / fiancé.

 

Walid arrive, on va manger ensemble. Relou. « Je t’ai manqué ? », puis histoire du docteur, mais il n’a pas pris les médocs, trop cher ». Après « non, je blague, on est à l’aise »
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-05-03T17:18:06.786645037'VP
NOTE: 'Déjà ici, analogie argent & drague, mettre à l’épreuve ma générosité.']
.

Me saoule. Je rentre.

 

En partant manger, je vanne Nabil (sans le vouloir) dont Walid me dit qu’il va prendre une troisième femme. "عندك طموح" Tu as de l’ambition. Je ne sais pas s’il a peut-être pris ça comme de l’ironie / son frère…

 

Bien sûr, marié ou pas doit être un critère pertinent.

(peut-être je comprendrai ensuite pourquoi on me le demande).

Se concentrer sur la génération ~25 ans et la considérer dans le temps, transition.

(je retombe sur le sujet du mariage).

Envisager cette transition à travers les pratiques sociales / de sociabilité.

(où vont les + jeunes, maintenant que ferme le mamlaka?)

→ suivre Abdallah et Ammar.

Faire des fiches personnelles. Réfléchir et comprendre leur point de vue.

Attention aux détails générationnels.

Père de Taher décédé. Et place dans la famille.

Tareq  aîné.

Qd Khaldoun me dit que son père « avait un boulot qui payait bien, mais plus trop bien maintenant », LE MARQUER.

RQ : Fouwwaz de la même génération que Zyad, mais Abdallah et Ammar ont sans doute regard différent.

Comprendre le parcours de Ziad dans ce cadre-là. Qu’est-ce que la religion à ce moment-là ? Soumission délibérée à une sagesse.

→ d’une manière générale, rapport à la religion.

(difficile à demander comme ça direct).

Face à un étranger chrétien, on peut faire genre…

Questionnaire → être attentif ou détails matériels (Maison).

+ sous, difficultés, etc..

Dimanche 31 août – un sentiment planant au Hawdh / bouleversé par Khaldoun

Tjs insistance de Taher pour me détourner, sans que je comprenne pourquoi. Décline responsabilité.

-Toujours friction avec Walid.

-Discussion de ma recherche avec Abderrahman.

-Nabil, conscience affleure que je l’embarrasse

> ça montre que je comprends la situation finalement.

Tension permanente entre « réalisme » et enchantement, entre statut d’occidental et le charisme que je m’efforce de gagner dans les rapports interindividuels.

Je m’épanouis de plus en plus dans cet enracinement local, qui me permet de faire des liens, toujours avec l’arrière plan de la relation à Ziad. Je suis un peu à Disney Land…

-Découverte mode de vie de Ammar H, je remarque l’absence d’espace domestique pour les hommes. Il me propose d’habiter (j’y vois sans doute une perspective d’immersion).

J’y reviens à la fin de mes notes, et remarque encore les réticences de Khaldoun.

On perçoit très bien dans ces pages combien je me débats avec l’islam, c’est-à-dire avec l’ampleur des émotions qui me cernent. Très clairement, c’est cette problématique qui sera « projetée » sur l’intrigue du Za’îm, à partir du retour de Ziad, le quartier s’offrant comme nouvelle « caisse de résonance ».

Sentiment planant que je tente d’analyser. (c’est émouvant de relire ça).

[B043.jpg] Le dimanche 31 août

- Va acheter qat avec Na’if et Khaled.

Me présentent Yahia, مُقوِّت vendeur de qat. Je donne 1000 à Na’if pour payer, puis qd il me rend 600 j’hésite, je veux l’inviter mais je n’ai plus que 100 rials… Finalement je prend en lui expliquant. « Il y a moins d’hospitalité en France, c’est mieux. » Je suis gêné, je dis oui et non, rapport à l’argent différent.
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-05-03T18:18:42.898104842'VP
NOTE: 'Tjs sentiment de honte, lié à l’hospitalité.']

Aujourd’hui Khaldoun a l’air fatigué, a eu du mal à dormir à cause du qat. Tahir aussi, a quasiment pas dormi. Moi je suis fatigué.

Khaldoun me plait beaucoup. Il me touche énormément. Il commence à y avoir une complicité particulière entre nous, entendue.

Me demande si Ziad est descendu, je dis aujourd’hui.

Il a sa mine inquiète quand il parle de Ziad.

Mais.

Qu’est-ce qu’il me touche chez lui ? Attention à mon égard, et surtout qd il m’écoute je sais qu’il me comprend. Bienveillant.

Un point important dans toute cette histoire, c’est l’inquiétude des autres / Ziad, veulent savoir où il est, etc.

Déjeuner pentagruélique accroupis dans l’entrée du magasin de Na’if. Avec nous Marwan, Tahir et Issam, un autre type dont je me rappelle plus et d’autres.

-Khaldoun m’amène boire un coca chez son pote Adib. + frère, marchand de télé. (chuchote à l’oreille de Khaldoun, apparemment sur moi. Khaldoun dit « Ohoh, il te trouve beau ! » (Pareil le soir, quand on repasse). Prégnance de la question مخنوث (homosexuel passif)

J’essaie de siester un peu, mais Tahir me réveille « عايب ! Ayb ! » Un peu provocant aujourd’hui. Veut que j’aille au club des assistts (« ils te réclament… ») et moi je vais qater chez Nabil.

Qat avec Khaled (qui blague « dors dans mon giron ») et Na’if et Tahir/

Tahir part : « Tu es libre, dit il en riant, mais je ne suis pas responsable ».

 

- je vais chier avec ma bouteille. Quand je sors, un des hommes m’explique où il y a de l’eau : demande-nous !

2h30, je pars chez Nabil. Que Walid dans le mafraj. Je rentre, il commence à me ressouler en me racontant ses salades comme à un bébé. À un moment je lui dis « Khalass, t’es pas drôle. Tu peux pas discuter normalement, il faut que ce soit « Je te parle plus » ou « je t’ai manqué ? » ou « Je suis malade… ».

[B044.jpg] On papote un peu, après (je crois qu’il a compris), et je le laisse vers Bayt el-Qadi.

-Bassam me montre où est Ammar (le diplômé d’anglais, frère de l’épicier Shakib de Qadas). Me fait rentrer, on papote. Vit ici avec 5 autres jeunes.

« Célibataires ». Je parle de l’espace privé en France, de l’appartement, son « chez soi », l’attachement aux choses. « Oui, si tu veux habiter comme nous, ça nous fait plaisir et on t’accueille, mais sinon on dit « il est prétentieux ».

On parle des fous, il parle des sorciers qui sont à Sa’ada et qui aggravent.

Lui est prof au centre de langue vers Aqaba. Il me laisse parler, et finalement le secrétaire l’appelle. Il veut que je reste à l’attendre, j’insiste pour revenir chez Ziad, et une autre fois. « Il dit qu’il passera ensuite chez Ziad.

 

Je l’aime bien aussi ce type, malgré son sourire systématique qui pige pas toujours,et ses manières un peu « folle ». Mais il a aussi une sorte de bienveillance.

J’aime passer du temps avec lui.

nouvelle fenêtre qui s’ouvre.

Là Ammar - ابن خالة زياد cousin de Ziad  - est là. on discute. Encore le Secondaire. Dépendance du qat ou pas. De عريقي.

Ammar aussi, je ne sais plus trop de quoi on a parlé, mais j’aime bien son attitude, écoute, apprécie.

 

Abderrahmane arrive, on discute tous les 2. (Ne part pas encore à Aden finalement, attend « quelque chose »)

Je lui dis que je suis très content, le quartier, les gens que je rencontre. Mode de vie, ouverture, disponibilité. « Avec mon sujet sur cette tranche d’âge, je peux dire quelque chose du mode de vie. » Je parle de l’individualisme.

Ma recherche est un enjeu.

→ Abd : « Je sais c’est quoi : ici, les conditions matérielles ne gouvernent pas nos vies. C’est le "bien" qui gouverne. Si j’ai 1000 rial et qu’un copain me demande de qater, …

Pas de planification, prévision.idéal islamique

Par opposition à logique économique du rond-point.

+ en France, تنافس → oui dans toute société compétition, mais esprit de quartier. Grandis ensemble. Amour entre nous.

Prévision ↔ égoïsme

        vs

inconscience ↔ solidarité

 

Pt à relever : Société de l’interconnaissance… Dans ce quartier, pas de jeu sur les rôles.

En France, société du signe. Regard des autres qui juge. Structuration de la société non pas
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-05-03T18:50:46.487549961'VP
NOTE: 'Première tentative pour penser la différence entre le Yémen et la France.']
immuable, mais en perpétuelle renégociation. « Qui es-tu, où je te mets ? ». Regard des autres.

Besoin de replis en privé.

Education = être autonome. / seulement ensuite, le mariage. Partager sa vie.

Idéal de l’amitié = amitié sans intérêt. « privé ». Sans entraide.

L’entraide menace l’amitié.

Individu « libéré » des contraintes sociales.

Grâce à richesse. Prix unique. Pas de magasin préféré.

 

[B045.jpg] Je reste dans le Diwan, seul. Mukayyif planant. Heureux.

J’écris.

 

Walid arrive. On sort acheter du qat, puis je le lâche pour aller voir Khaldoun.

-Je croise Nabil en sortant. Me demande si je reste, mais je lui dis non. « Tu vas qater avec ta femme, aujourd’hui ? » « Et sinon, ça va ? » Je lui tape sur l’épaule. Je l’aime bien et j’ai l’impression qu’il m’en veut ou que je l’embarrasse parce qu’il ne veut pas sqatter dans le Mafraj. → ~ « je comprend très bien »…
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-05-03T18:55:31.865916568'VP
NOTE: 'Illusion/ambition de pouvoir gérer seul les rapports, le respect, l’hospitalité. Disjonction entre mon statut d’hôte Occidental, et le statut que je m’efforce de négocier par des rapports de face, de négociation et de respect intersubjectif.']

 

prégnance de la question, même chez Khaldoun

-Je regarde Khaldoun réparer des montres. Apprentissage. 4 mois dur. Après qq années. Du boulot aujourd’hui, n’est pas allé chez l’avocat.

« N’habite pas chez Ammar ! » Pourquoi ? « Tu n’y seras pas bien ». pourquoi ? « (…) promiscuité ? » oui, et la saleté (il hésite).
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-05-03T19:03:12.214948593'VP
NOTE: 'AH Propose d’habiter.']

-Type de Jebel Saber, « Mustafa », fonctionnaire au Collège de Commerce. On parle d’escalade. Après coup, Na’if et Khaldoun me disent que c’est un hypocrite. Du genre qui t’utilise.

-Un type me salue et me connaît. C’est le Fouwwaz du mariage, le vrai. Je m’excuse et lui explique, il me dit que j’ai déjà son numéro de téléphone. (me parle de 3 jours, au mariage. « Et la fois où t’as dormi chez Ziad » → Ah oui ? Comment il sait ? Le lendemain peut-être.

- ?Khaldoun après : pourquoi t’as abrégé la conversation avec F. ? (J’étais appelé à diner par Na’if).
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-05-03T19:06:30.263886863'VP
NOTE: 'Un allié. Essayait de me faire dire qqchose. Mais l’annotation indique que cet aspect était bien devenu mystérieux.']

 

-A Na’if, qui me trouve pensif, je dis Qat, + que je suis très heureux, dans ce quartier, et que je ne sais pas comment transformer ça en information objective (caractère à moi ? Quartier?) rôle social je me sens exister.

Il dit : Non, c’est parce que tu es tombé sur des gens bien. Khaldun, Shadhwan… Tu aurais pu tomber sur des types qui t’utilisent. (à ce moment, Nabil, Khaldoun, pas des hypocrites… Ammar)

Au début tout le monde est gentil. Après tu vois.

C’est vrai ça ! Attention
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-05-03T19:10:51.559561527'VP
NOTE: 'Je suis sensible à sa mise en garde : le « naturel » pourrait revenir au galop.']

 

Intégration = processus clé à analyser.

→ sentiment d’hospitalité. Phénomène crucial. 1er mois.

→ réciprocité.

Qu’est-ce que je pensais faire des nougats ? Comment les utiliser ?

(Etudiants en français, même, à qui je ne veux pas parler français… Mais bon, les connais pas.)

Qu’est-ce qu’un individu ?
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-05-03T19:13:13.937996146'VP
NOTE: 'Je pense plutôt « personne ».']

Le résultat d’une éducation. La société prime - est première - sur l’individu.

Pour aller + loin : aider. Ne pas être juste consommateur.

(Mais en fait ils aiment ma présence autant que moi.)

Pourquoi je suis heureux ?

-Qat

-je pense, seul. Je sais qu’ils vont revenir, et qu’ils sont à côté. Bienveillance.

Espace social à découvrir (avec plaisir)

Est-ce que je suis à côté de la plaque parce que je suis « en vacances ? »

→ pas vraiment !

 

On mange, Na’if, Khaldoun, Marouan et moi.

-Khaldoun : « بتحبّيني يا بنت؟ » Citation du comédien et humoriste ’Adel Imam

-je parle de ce qu’on avait envisagé que Mari me rende visite. Na’if dit « c’est toujours mieux qu’elle soit près de toi. » Khaldoun fait la grimace. Après j’explique mes réticences et il est d’accord avec moi.

-Frère de Khaldoun qui m’explique, en secret – devant Na’il – qu’il fume quand il qate.

-Khaldoun me propose dedescendre au souq, Ok. On descend à 3, avec NA’if.

Pantalons et chemises.

Finalement j’entre dans un internet café, 5 min.

Je suis heureux, mais très ému.

J’essaie de le dire à Khaldoun, mais il comprend (je le comprends par la suite) épris, مُشتاق. Et il dit « J’ai reçu une lettre de mon amie avec un poème, qui m’a ému après ».

- « C’est qui ? Ta fiancée ? Non, c’est… C’est ‘aïb qu’elle écrive une lettre. »

→ à creuser, je lui demanderai.

Note dans la marge  à partir de là je le sens moins proche de moi.
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-05-09T08:49:35.536628183'VP
NOTE: 'Il y a comme un quiproquo qui s’installe avec Khaldoun, comme au fond avec Ziad ds d’autres périodes. Je prend l’habitude de partager certains aspects de mon expérience globale, relevant de l’expérience esthétique autant qu’intellectuelle et affective. J’exprime un sentiment d’émerveillement qui s’apparente à un sentiment religieux (cf juste après). Pour autant je ne suis pas prêt apparemment à faire le pas d’une conversion en bonne et due forme, ce n’est simplement pas à l’ordre du jour. Mais je laisse planer le doute, notamment auprès de certaines personnes, qui se retrouvent à mes yeux en position de comprendre, ce qui crée entre nous un rapport « spécial », non dénué d’ambiguïté.'
NOTE: 'Clairement ici, je suis incapable de concevoir l’enjeu de ma conversion à l’islam, tandis qu’est omniprésent l’enjeu amoureux, de la « compréhension mutuelle » (tafâhum), des affinités particulières.']

Recherche de tt mon séjour. La proximité. Une sorte de naïveté aussi.

On descend au Merkezi. Je m’exclame : يا يمن يا تعز يا صبحان الله

-

Un copain de T qui est là ce soir, je sais plus son nom. Qu’est-ce que tu préfères au Y ?

La sociabilité des hommes.   + Accessibles. (*)

 

Un autre sujet, celui de ma vie affective au Yémen…
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-05-09T09:30:45.610877969'VP
NOTE: 'De fait, c’est la question transversale de toute mon histoire.']

Je suis assez ému, à la fois par le qat que j’ai avalé, toute cette journée de bonheur, et puis Khaldoun que je sens si proche.

Emu, et inquiet aussi : « jusqu’où je me laisse aller, est-ce que, par exemple, je mettrais ma tête sur ses genoux un soir si on étais seuls, comme j’en ai envie maintenant.

Grosse affection pour lui, que je ne sais encore une fois comment traiter.

→ Mails de Mari, où elle me dit « je t’aime. Je t’aime. »

Me rassure, car je sais que je l’aime aussi, que lorsque je m’attache aux gens ici, je ne m’éloigne pas d’elle, au contraire.

+ celui de Thierry, du coup je veux lui écrire.

+ un mail collectif restreint, à ceux qui me comprennent.

Beaucoup d’amour ici. Simple. Et le fait que ce soit accepté rend aussi beaucoup moins violent. Pas dégradant de se laisser aller à aimer quelqu’un.
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-05-09T09:09:23.374212732'VP
NOTE: 'En lisant ainsi la page de droite, puis la page de gauche, on voit à quel point mon comportement s’adosse à la prise de note, à une démarche qui entend « traiter » l’expérience la plus subjective, délibérément.'
NOTE: 'Un surplus d’émotion, qu’il faut négocier de tous les côtés (négociation qui ne sera réglée qu’avec l’islam en réalité…)']

C’est simple parce qu’il n’y a pas de précipice aux alentours. Pas de trahison possible vis-à-vis des autres, car pas de honte. Pas d’engagements, juste une expression.
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-05-09T09:13:51.428851119'VP
NOTE: 'Intuition juste : expression qui ne donne pas lieu à une inquisition. C’est ça qui est complètement désarmant pour moi.']

Simple aussi parce que ce type de désir n’est pas construit socialement au Yémen comme il l’est en France

→ je ne ressens pas la pression normative.

Je peux être très proche d’un type (et même de 2) et ça ne menace pas mon mariage, ni mon amour pour cette créature que je n’ai jamais vue.

Étrange [Pas de honte]
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-05-09T09:16:32.191880273'VP
NOTE: 'Successions annotations très révélatrice ici.'
NOTE: 'La cohérence de ce moment m’échappe a posteriori. Je ne comprends pas pourquoi je ne percevais pas la honte, que j’aurais dû percevoir.']

-

(*) Mur => ambiguïté des relations h/f.

→ "  " h/h

فرد                + de compétition entre h.  / Mais au Yémen honneur.

On doit attendre + longtemps avant qu’une relation soit reconnue.

 

[B047.jpg] Khaldoun, à qui je dis que je vais peut-être habiter ds le dortoir de Ammar.

Embarrassé, voix basse. « N’habite pas chez Ammar. Tu y seras pas bien ». « Pourquoi. La promiscuité (où équivalent en arabe) ? » Il hésite . « Oui… La propreté. C’est pas propre. »
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-05-09T09:25:04.652332513'VP
NOTE: 'La crainte de Khaldoun est très révélatrice de l’intrigue autour de ma personne : l’intimité villageoise de Ammar et de ses frères apparaît comme dangereuse pour moi, elle semble pouvoir me faire dévier. En même temps, c’est finalement Khaldoun lui-même que je percevrai plus tard comme un garçon sensible.']

 

Espace privé / espace public

intimité – individu.

Travailler aussi cette question, en relation avec le fait que mon histoire de Za’îm est une histoire d’hommes.

Je veux habiter avec eux, comme Ammar, renoncer à mes habits matériels, mon « confort ».

À nu.

L’intimité est ailleurs, à la maison.

→ jeu de la représentation.

+ intimité de l’interconnaissance de quartier.

 

Voir topo d’Abderrahman sur la fin des bandes au mariage.

01/09 – la compagnie de Na’if

Personnage de Na’if, éphèbe à la beauté troublante, prisonnier de l’argent de l’émigration : famille d’épiciers à New York, le père reste au pays et se charge de la construction des immeubles… Na’if est chargé de tenir ce magasin de vêtements, sans grand souci de rentabilité manifestement, peut-être surtout pour qu’il apprenne le commerce, pour qu’il soit dehors, socialisé.

/ décalage avec les magasins d’à côté, qui font vivre des familles entières.

=> Du coup, Na’if est une sorte de salon de détente, sans vraiment d’autorité domestique. Sans vraiment d’enjeux de respectabilité non plus. Magasin où l’on joue avec les femmes noires, statutairement considérées comme des prostituées. Une sorte de garçonnière dont tout le monde profite, où tous les jeunes commerçants s’échappent pour échapper à l’autorité paternelle, ou des grands-frères.

Se perçoit jusque dans son comportement avec moi : m’accueille avec une grande bienveillance, mais sans vraiment me mettre de pression, sans jamais oser installer un rapport d’apprentissage.

1er septembre.

- Le Mamlaka est complètement muré ! (vu depuis dabbâb)

Quand même, Nabil ne m’en a jamais dit un mot de tout ça. Il a lâché l’affaire je crois.

 

Banque IndoSuez me refuse de tirer

→ Je demande à Na’if 30 000 il me dit OK, tamam. Me sortira les sous 2 heures plus tard pendant qu’on qate.

→ je me demande comment je me suis comporté vis-à-vis de Tareq, à qui j’ai dit « sans pb, je peux faire un virement. » et ensuite je ne l’ai pas relancé.

 

Tareq connaît pas NA’if. Aujourd’hui qate avec Abd. Me propose.

 

Je rencontre d’abord Khaldoun, devant chez Adib. « Hier tu étais مشتاق, hein ! »

Je lui dis non, c’est pas ça, c’est مشاعري متحرك

Déjeuner chez Na’if, bouffe de sa mère * * * + salta du resto avec 2 de ses frères (le petit a la nationalité américaine) et un gamin ~7 ans عُدَيني, fils de l’homme de hier qui tirait la chariotte à bonbon et mouchoir.

Devant le magasin, c’est une femme voilée qui garde la roulotte → Na’if me dit l’air un peu drôle, que c’est la femme de son père (sa mère est morte).

→pourquoi drôle ?
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-05-09T09:41:03.863440034'VP
NOTE: 'tain je capte que dalle !!']

Le gamin dit : « Non, c’est sa mère… »

 

Qat avec Na’if. Khaled pas là. « Il monte son arbre fruitier ».

Khaldoun a mangé chez lui, il passe à 2h moins le quart. A envie de rester mais à deux heures moins le quart doit ouvrir le magasin.

 

Aujourd’hui je suis encore pensif des émotions d’hier. Je veux rentrer écrire.

Remets e question cette si forte émotion, parce que je ne sais pas comment faire comprendre à Thierry.
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-05-09T09:45:17.703102584'VP
NOTE: 'Thierry, ami matheux arabophile, issu d’un milieu catholique versaillais.'
NOTE: 'De fait, il n’a jamais compris.']

→ raisons autres, liées à mon rapport au terrain.

→ C’est d’abord moi qui suis hyper ouvert ?

 

[B048.jpg]

-Son frère débarque (Marwan, 17 ans), qui s’est engueulé avec Khaldoun pour une histoire d’eau fraiche qu’il a pas apporté (?). Na’if lui fait la leçon (Khaldoun téléphone d’à côté, il est en colère). « Respecte ton frère »… Il qate avec nous.

-Na’if m’offre 1/2 son qat. Sami vient en prendre 1 poignée pour sa mère.

 

Au début je m’étends genre pour dormir, allongé, il me rappelle comme Taher et Khaldoun étaient hier (réveille-toi !). Il dit « Moi, ça me dérange pas, qu’il qate, lit, dort, discute, ‘âdî… Si tu es avec bcp de gens dans 1 diwan, ça se fait pas. »
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-05-09T10:21:33.872729230'VP
NOTE: 'C’est tout Na’if, ça. Il me fait la remarque de manière détournée, en me disant que ça ne le dérange pas, mais il veut m’apprendre.'
NOTE: ''
NOTE: 'Je suis vraiment comme un bébé, j’ai aucune conscience ! (…ça n’a pas complètement changé. Je ne sais pas si ça peut vraiment changer, le rapport au monde social…)']

 

-coups de téléphone à répétition, c’est une fille qui l’appelle pour lui faire écouter de la musique (à un moment quand j’écoute il y a un gars, mais…)

« Tout le temps. Mais c’est pas une fille bien, c’est du genre – des filles, comme ça - elle te dit je t’aime, je meurs de toi, et tout, et puis elle te prend ton argent, pas d’amour. »

Phases de Na’if en réaction aux arnaques → se tient à distance des shebab.
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-05-09T10:26:49.822680321'VP
NOTE: 'Na’if est très marqué par le fait d’avoir de l’argent, par sa famille, via son père et sa famille']

-Une khadima belle – lui dit que je suis son frère, revenu d’Amérique - fichu vert pomme, vient demander du qat. « Kief, Comment tu la trouves cette femme ? » Il rit. Je fais signe du pouce, un peu innocemment. Lui se moque d’elle, il passe sa main sous le comptoir, vers son sexe. Comme le comptoir est transparent, elle réagit. Mais ne prend pas mal…

Finalement donne du qat et elle s’en va.

Il me dit, c’est pas une fille bien, fille de rues. Elle dit moi je fais pas de sexe…

Après il me dit que c’est une khadima, etc.. Je lui dit qu’il ne la respecte pas. « Je sais qu’elle n’est pas respectable ».

 

Rythme de la journée chez Na’if

- ouverture 8h (dort que 5 heures).

- en 2 heures, l’après-midi, ~4-5 clients.

- le vieux aux jambias passe (un peu fou)/

- lui travaille plutôt le soir, moins de clients.

- qate tous les jours, jusqu’à quatre heures environ, après jette.

(quand tu arrêtes, souvent la nuit, tu as une crampe totale. Très douloureux).

 

-Shakib (re) passe - midi - nous voir, depuis le comptoir, on papote. A arrêté les études, travaille à l’épicerie avec ses plus jeunes frères. Dort dans même pièce que Ammar, avec ses frères. (il est sympa ce type).

- Na’if a 20 ans, commence l’Université. Sans doute littérature anglaise. Pdt cours, c’est sami ou parfois son père qui garde le magasin.

-Insiste encore que les manières sont mieux en France. Chacun ses affaires. « Moi mes amis je préfèrerais les voir 1 fois par semaine. Ça suffit. Pas d’utilité ».

cf page précédente

→ on discute de ça.

Ça j’ai du mal à saisir : à quel moment la compagnie, omniprésente, des amis est gênante.

-Je vais fumer 1 clope avec Khaldoun. M’invite chez l’avocat, mais je veux rentrer écrire. Je lui dis comme ce que je vis me trouche.

 

-Une jeune fille passe, visage découvert. Je jette un coup d’oeil. Khaldoun me dit : « c’est ma copine ». Mais personne ne le sait. Lui a écrit une lettre. De son quartier.

-Après elle repasse alors qu’un type squate avec nous nous, il regarde Khaldoun en riant, le charrie (mais je comprends pas trop s’il a capté).

 

Na’if a du mal à comprendre que je vis plus que je peux digérer
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-05-09T10:45:10.609258526'VP
NOTE: 'Il y a clairement une distinction entre ceux qui acceptent de se porter témoin de mes sentiments, d’être mes confidents (au fond pour des raisons que je ne suspecte pas, qui sont dans les coulisses, liées à Taher au fond : Khaldoun est mandaté), et ceux qui n’acceptent pas, dont je vois bien qu’ils ne le conçoivent pas, dont les mises en garde sont bien plus transparentes et rudimentaires.'
NOTE: ''
NOTE: 'À l’époque, je le comprenais simplement comme des différences individuelles, de personnalité. En réalité plutôt (ou indissociable de) différences de positions.']
. Moi aussi.

-Insiste encore sur le fait que j’ai rencontré des gens bien. Y’a des gens nuls, qui ne pensent qu’à te tirer 100 rials… »

 

02/09 – sentiment amoureux de Khaldoun / entretien Fuwwaz / Gentillesse Nabil.

Khaldoun, un sentiment amoureux

Comportement amoureux de Khaldoun. Mais au-delà, je crois surprendre une sorte d’intimité, qui me trouble.

Mon trouble se lit dans la graphie…

Au fond, les commerçants ne me testent pas moins que les jeunes du quartiers, mais sur un mode  presqu’enfantin.

 - un peu comme le feront les jeunes du quartier plus tard cette année-là.

[B050.jpg] Le mardi 2 septembre.

Hier, soir. Retour à Hawdh vers 20h avec Tahir. On mange nous deux, puis on reste un peu devant Na’if’s.

-Gamins se chamaillent pour savoir si les Qaddassi sont « Nagas » ou « Sâlihin ».

Qat avec Na’if et Shadhwan, puis Khaldoun arrive.

-Khaldoun très fatigué.

Shadhwan l’emmerde parce qu’il pête.

« بتحبّيني يا بنت؟ »
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-05-09T12:49:03.230488558'VP
NOTE: 'Répétition d’une blague qui fait fonction de test, pour voir comment je réagis.']

- « Quand je serai marié, tu amèneras Mari, elles resteront ensemble… »

 

Avec Khaldoun, je le regarde, on échange des regards particuliers, mais je le sens triste.

Je sais pas ce qui se passe, et quelle part j’ai là dedans. Est-ce que je le touche à ce point ? Ou est-ce que je le fais désirer sa chérie ? Ou est-ce que je n’ai rien à voir ?

Evite le sujet de M. évite les clashs avec les « بتحبّيني يا بنت؟ »

 

Ce soir. Je passe vers 10h, vais manger. Pas le temps de rester beaucoup.

Khaldoun encore très crevé. « Je suis amoureux, je suis amoureux ». « Problème psy ».

Blague sur Shadhwan, استاذ الحب

Quand on repart, me dit quelque chose en blaguant pour pas que Shadwan entende, je sais pas quoi (lui il sait pas). Écriture de plus en plus fine, comme écrasée…
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-05-09T12:44:14.672969921'VP
NOTE: 'Manifestement, je décèle un comportement amoureux, mais je n’ose pas l’écrire, ne sachant pas quoi en faire.']

-

Ecris jusqu’à 5 h puis monte. Je veux renouer avec le pâté de maison de Nabil.

 

Cherche Nabil, pas là, mais je rencontre Wâ’il → adossé voiture, futah jambiyya

qui traine avec 5 copains → en face, pantalon chemise.

 

Mamlaka : « Oui, parce que Walid est fou et il voulait pas qu’il squatte… » (Rient).

 

Passent Ammar ابن خال et عبد الله , main ds main  même écriture fine et écrasée
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-05-09T12:55:03.049577040'VP
NOTE: 'C’est quand même rigolo cette pudeur, là encore, j’ai honte d’écrire ce que je perçois.']
, puis Fuwwaz avec un ami, Mohammed. Me propose d’aller avec eux.
Avec Fuwwaz dans la locanda

Lucidité Fuwwaz (03/09/18)

Lucidité du diagnostique général quant à la société yéménite.

Peur lié à corruption, fin d’état de droit.

> j’ai peu écouté ce diagnostique : surtout après ma conversion, j’ai voulu voir les ressources de stabilité.

Je dois absolument comprendre aujourd’hui comment mon histoire s’articule à ce contexte.

ANALYSE Relation Fuwwaz (mai 2018)

La discussion avec Fuwwaz est très révélatrice, à la fois sa conduite avec moi, et ma posture en général.

Il y a un lien très particulier entre Fuwwaz et moi, qu’on perçoit bien ici, un rapport d’identification réciproque (mais je n’en suis pas encore conscient ici). Fuwwaz est l’un des amis de Ziad de l’Université, et il vient d’un milieu citadin, un peu « bourgeois », avec une certaine proximité des lieux du pouvoir.

L’amitié avec Ziad lui a permis de « s’encanailler », de vivre une expérience sociale un peu plus romanesque que celle qu’il avait vécu jusque là.

Un peu comme moi, au fond…

(de fait, c’est une des rares personnes avec lesquels je suis toujours en contact. La discussion est toujours passionnante).

(anecdote Wa’il) Les autres jeunes du quartier de Ziad, qui se comportent à ce stade dans une sorte d’ironie méprisante - clairement ils ne m’aiment pas, même si je ne suis pas vraiment capable de le savoir.

Fuwwaz par contre a envie d’échanger avec moi, et porte un regard rétrospectif sur ses années d’études – qui n’est pas tout à fait terminée en fait - comme si la discussion avec le Français était une occasion pour grandir.

En même temps, on sent à travers mes notes que ma posture le déstabilise un peu.

Il doit me sentir à l’affut de ses fragilités, mais n’ose pas vraiment les penser. Peut-être il me trouve juste bizarre.

Ma posture consiste vraiment à chevaucher cette ambiguïté, en permanence, à la faire fructifier instinctivement, c’est ma manière d’être en relation, bien particulière.

-fructifier l’ambiguïté (voir note sur ma posture), dénoncée après coup par annotation rouges.

léments sur psychologie Ziad (voir note)

[B051.jpg]

Locanda. Là tu as voir toutes les classes de la société. Tu peux voir toute la société.

 

-Mamlaka, c’était مخيم الكشافة camps de scouts

Sociétés secrètes dans la forêt, chacun dort seul → le chat te saute dessus.

Sujet → jeunes (قد تكون فاخر فراغ). Tristesse. Le coeur est vide. Pas de perspectives.
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-05-09T13:04:04.875361826'VP
NOTE: 'Frappant comme le non-dit  me concernant alimente presque mécaniquement certaines représentations sociales misérabilistes.']

(a vécu chez Khaldoun quand il était petit et sa mère malade)

habite avec sa famille – père mère + soeur -, mais reste pas souvent.

J’aime rencontrer les autres احتك مع الأخرين

→ ? combien de nuits par semaines ? → hésite.implicitement, que je ne perçois pas. مخنوث
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-05-09T13:07:41.120063191'VP
NOTE: 'Pas du tout dans le sens où j'imagine que Fuwwaz est homosexuel, mais en octobre, j'interprête cette hésitation comme un flottement, lié à la possibilité que son témoignage prête à malentendu dans le regard occidental.'
NOTE: ''
NOTE: 'De fait, je me positionne systématiquement sur la brêche, d’un non-dit.']

Par exemple je qate tard, après je vais sur internet, et je rentre le matin. Ne téléphone pas [à la maison].

 

Famille ne veut pas que les jeunes habitent seuls, parce qu’ont peur qu’ils fassent des bêtises avec les copains
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-05-09T13:30:38.829954973'VP
NOTE: 'Je crois qu’à ce stade je n’avais pas une idée très claire du genre de bêtise que pouvaient faire de jeunes yéménites. J’ai toujours eu du mal à comprendre le type « d’exploration » (pour reprendre le vocabulaire de la psychologie expérimentale) inhérent à la jeunesse masculine, et à quel point cette exploration structure l’espace urbain. À la fois parce qu’elle est redoutée, et aussi parce qu’elle est reconnue par consensus comme nécessaire.'
NOTE: ''
NOTE: 'Cette dimension transgressive de la jeunesse est l’angle mort le plus important de mon travail, le plus fondamental, que j’ai mis des années à corriger, peut-être même 15 années… J’ai toujours été porté à penser la jeunesse plutôt comme un moment d’incertitude intime, tournée vers la connaissance de soi, les relations d’affinité électives. J’ai systématiquement privilégié cette thématique.']
. Attendent d’être adulte ~21 ans (« depuis 3 ans » et il a 24 ans).

Frère vit seul à Sana’a.

Après, tu peux vivre toute ta vie chez tes parents. Les projets te pousseront dehors.

Sauf que l’épouse généralement veut pas. Mère non plus.

À moins que mère très âgée → vivent dans maison des parents.

 

خلوة : Isolement dans tes pensées. Dans un lieu comme ça, possible, pas besoin d’éloignement physique. « Je ne permets pas aux autres de casser mon isolement »
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-05-09T13:39:29.478678506'VP
NOTE: 'Grand décalage, que je commençais à percevoir à l’époque, par rapport à des lieux publics français où l’on va pour socialiser.']
.

Scène - espace parallèle à l’espace

 

Parallèle hors monde familial

Ziad : « vit dans le Mamlaka parce qu’il ne trouve pas la tranquillité dans la maison. »

في عائلة متفككة. غير متماسكة
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-05-09T13:42:23.368508212'VP
NOTE: 'Ce tableau de la famille de Ziad a toujours été difficile à intégrer dans mon raisonnement, à combiner avec son rôle décisif dans mon enquête. Quelque part, c’est l’origine de son comportement avec moi, son comportement « tête brulée ». Ziad et ses frères ont toujours investi très fortement la sociabilité masculine pour trouver leur équilibre, et l’alliance avec moi semblait promettre cela à Ziad.']

(avec les relations). Pas un qui a de l’attention pour les autres.

 

[B052.jpg]

En général. Société.

Pas d’étiquette, pas de politesse → pas de respect / احترام

C’est vrai !

=> (avec toi, étranger → différent)  (كلام مدح[paroles élogieuses])

Ex : conduite ! Bruit !

Lien entre sociabilité et normes de comportement ? Rire. Espace public.

 

Pas d’entraide, dans la rue, accident. Ça va devenir comme l’Occident.

Gens ont peur / lien corruption.

(s’ils amènent le responsable en prison, peut-être c’est eux qui sont emprisonnés). Lois non-respectées.

↔ on est 1 ! famille…

 

- livre qui l’a beaucoup impressionné (je sais plus qui d’autre m’en a parlé) : احجار على رقعة الشطرنج [Pawns in the Game, Des pions sur l'échiquier, de William Guy Carr (1955)] (canadien).

(après discusssion sur les études, sciences humaines + Darwin (ça veut dire que le Coran est faux).

 

+tard, avec Abderrahman qui est passé. (« Nabil te cherche »).

 

-venait svt ici, mais moins maintenant. Pas le temps. Viens surtout pour la tranquilité.

+ toutes les classes, éduqués, vieux, [illisible], bédouins. C’est intéressant ça, à creuser prochaine fois.

 

Fuwwaz vient pour les 2, selon → papoter  ou → se détendre.

=> Alors ça veut dire que c’est lié ?
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-09-03T15:32:00.106107500'VP
NOTE: 'Intuition qu’au Yémen, on se détend en recherchant la société']

S’il y a des copains, s’assoit à côté, mais peut ne pas parler. / Mamlaka

s’il ne comprend pas, va s’asseoir à côté, là où c’est par terre → tu peux dire « non, mais je voulais m’asseoir par terre… »
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-09-03T15:27:48.824983887'VP
NOTE: 'Question un peu bête… Mais je m’intéresse ici aux règles de civilité, comme suspendues dans la locanda, je tente de clarifier cette intuition. Lieu particulier.']
Nabil en bonnes dispositions

[B053.jpg]

Je passe voir Nabil, il est avec les ouvriers en face.

Taoufiq le sourd muet : dort 3 jours puis pas pdt 4 jours. Dans le coin.

« Ziad descend maintenant, il arrive ~ds 1 heure. »

« Comment va la recherche… » Très bien…

Explique le Mamlaka. Fermé parce que problème à l’intérieur (histoire de vierge, chais pas quoi). Réputation des jeunes vis-à-vis quartier

→ je t’expliquerai, demain.

 

Je le relance pour Mokha → la semaine prochaine.

  - dîner, je passe voir khaldoun, puis Fuwwaz et Abd.

Je le retrouve. On papote assis en face. - « Ziad est pas arrivé ? » « Il a téléphoné pour dire qu’il ne descend pas ? » « Comment, jamais ? » (fais la moue [illlisible]). « Alors quoi, qu’est-ce qu’il lui prend, il vient il vient pas, il vient il vient pas ». Il a trouvé du travail ?

change de sujet.

 

Me demande sujet.

→ les jeunes sont désespérés (conditions, opportunités).

→ tu peux trouver le خلوة même ici, dans la rue.

Me dit, mais tu vas pas comprendre, il faut que tu restes dans 1 endroit,… veut m’aider quoi.

 

Je veux déménager ici. Je parle d’Ammar, puis Abd… → oui, c’est dur. On va chercher demain, + haut.

Chambre + toilette ? Très bien… on devrait trouver.

On qate ensemble demain, pour discuter. عصر

 

Il est cool ce soir, détendu avec moi. Me pose des questions, bienveillant. Je lui parle complètement aussi, c’est nouveau. (Comme j’ai un vrai sujet, c’est mieux…)

 

03/09 – retour de Ziad, reprise du débat philosophique

Thèmes abordés : anthropologie comparée de l’islam et de l’Europe. On construit un pont.

[B054.jpg] (le vendredi 5 septembre. 2h)

Mercredi 3 Jeudi 4.

Réveil après nuit curieuse, passée toute entière à rêver que je passe la nuit à papoter avec Khaldoun et d’autres gens, papoter, se déplacer chez quelqu’un d’autre… Apparemment mes hôtes veulent dormir, mais moi je reste. Je ne m’arrête pas.

Etat qui m’habite même le soir. En continu.

Equilibre là-dedans ?

Coup de fil de Ziad : « Je suis à Ta’ez. Viens ».

Je dois passer à la banque, je finis par arriver 2h + tard. Il est là, tout beau tout propre tout brillant.

 

Resto avec Walid et Mokhtar → un peu zarb quand il va nous acheter du qat.

Qat dans Mafraj de la maison Rotshy.

-Ziad et moi on discute sérieusement quand on est tout seuls, sinon on papote, mais on est contents. Pensait que je serais en colère. + tard dans l’aprem je lui explique ma version.

 

Qat un peu dans l’atelier en face, avec Nabil et Abderrahman. Blagues sur Bineri…

 

Retour Mafraj. + autre jeune, sympa, muhassaba [comptabilité] je crois.

 

Discussion sur les religions, véracité du livre.

 -je dis que quand ils parlent à un chrétien, les Yéménites sont pleins de certitude.

Ziad est + d’accord avec moi qu’avec Abd, il reste en retrait.  (œufs?).

Discussion se prolonge avec Ziad.

 

 

Moi : « Mantiq شك → منطق [logique → doute], non pas en Dieu mais en ton comportement.

Dieu n’est pas تسريح  [un permis].

→ la religion chrétienne nous pousse à ça car on est tous coupables.
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-09-03T19:51:05.217749788'VP
NOTE: 'Théologie vraiment rudimentaire…']

+ rapport différent au péché.

Confessionnel institué → on s’attend à ce que tu pèches.

PARDON

[B055.jpg]

2 points de vue qui définissent la personne.جصوصيات

[Dessin : œil du ciel vers Ziad] reste secret

Ziad          →        autres.

 

Etranger : là où le regard des autres importe peu.

Personne = conscience = regard des autres

 

Religion musulmane

1. عقلي ← مسلم (اقتناع)

2. عاطف ← مؤمن

[1. Raison → musulman] (conviction)

2. sentiment → croyant

Raison → Amour

حب → عقل

se convaincre de la nécessité de l’existence de Dieu.

Je dis à Ziad que je ne tiens plus à discuter de religion. On n’a pas les mêmes bases intellectuelles, et pourtant je sais qu’on se comprend, alors…
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-09-05T18:46:36.092141871'VP
NOTE: 'Posture à laquelle je me tiendrai jusqu’au bout en fait. Est-ce que ça a un sens pour moi d’apprendre ça ?']

Discussion inconscient / conscient.

Resto de poisson avec Abderrahman et Mokhtar. Avril 04. Niveau social ++

On rentre à pieds à 2.

Sentiment post-partum, la vie est bête.

J’en parle à Ziad mais ne me répond pas. Veut que je demande aux jeunes du quartier.

Qat avec des jeunes devant l’immeuble de Ammar.

Nashwan, Omar (اخ عبدالرحمان [frère d’abderrahman]), Ziad,  عبدالله,[moi] انا[Abdallah]

صلاح [Salah]

Assis sur cartons et vieux tissus. Voisin en face qui gueule, vers 1-2h.

 Rêve : Tahir et des amis français – jeunes et cons – qui l’influencent et qui me chassent – me descendent – sans qu’il proteste. Je me défends.

Honte retour

4/09 premières

Relation Ziad… Mon sentiment de dépendance. Ses marques de frustration.

[B056.jpg]

Jeudi.

Réveillé par Mokhtar, violemment. On part à un mariage, à Hawban, du cousin de مختار [mokhtar].

Après deux jours avec Ziad, je me retrouve un peu en situation de dépendance. J’ai envie de le voir. Je ne sais pas si c’est lui qui induit ça, mais moi je me sens un peu قرد مدرب [singe dressé].

Lui hier il me disait que je le provoque. A des moments aussi il est frustré.

+ dépendance financière. Trop je trouve. Mais ça me dérange pas. Ou l’inverse peut-être. Normal, mais gênant.

 

Sur le trajet, je dis que je suis triste qu’il parte.

→ on blague : « je t’embauche »… 10 000 + le qat

Khalass, je reste à Taez.

Fait partie de son comportement avec moi, de me faire croire qu’il a presque trouvé…

honte ! pas juste / moi.

Déjeuner et qat عوني, de région شرعاب

Discussion sur les effets du qat.

Abd → « ça rend les jeunes cultivés ».

Moi → de manière passive…

 type sympa, étudiant médecine.

→ politique. Pour et contre Ali Abdallah.

J’interviens pour parler de la corruption.

Après Ziad a les 2 autres contre lui, à propos d’adhérer à l’islah.

Mais après coup, Ziad me dit qu’il est même pas à l’islah.

Il existe [discussions] politiques !

Oussama a plaqué le four. Je suis content de le revoir, très rapidement.

Passe aussi le proprio d’en face (son fils).

Walid, qui n’a rien à dire et qui repart (veut louer le Mamlaka).

On remonte, reparle de ça. Hésite de ce que je soi sérieux.

Deal : on va chez Total imagine… wasâta[piston]. Après tout qu’il a pas de boulot, Taez+ hadramout [illisible]

 

Passe voir Khaldoun, m’excuse pour Aden.

Change. Ecris mail.

Diner avec ? et Khadoun.

Ont l’air content de se retrouver.

Insiste pour que Shadhwan et Khaldoun viennent qater au Mamlaka.

On vanne Shedhwan (discussion sérieuse??)

Ziad dit à Khaldoun à quel point "iltu as pris une place dans mson coeur… Khaldoun ceci, khaldoun cela ». S’insère systématiquement comme intermédiaire. Passage obligé.

(Quand il me dit, Ziad : « On va à Aden toi et moi. » - avec Khaldoun d’abord !)

« Aden : islam moderne, très bien. »

 

Riad arrive, finalement, vexé à cause du portable, qu’on ne le rappelle pas.

 

Première confession Ziad

[B057.jpg]

On part marcher, Riad nous lâche.

Aller : on parle de Riad, qui a dit que Ziad m’accapare.

Retour : les français, les films X. Ziad.

 

Ne veut pas trop en dire, quand je lui demande d’expliquer.

Je respecte.

Etait comme une bête sauvage. Films X, buvait, se comportait mal.

Elude la question du moment du retournement, il répète : « il y a 4 ans, j’étais très différent… » (et depuis mes 16 ans en gros [illisible]).

 

Commence à parler de la beauté de la vie, c’est le moment de retournement, …
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-09-05T19:19:11.868037995'VP
NOTE: 'De son côté aussi, il y a un enchantement, une manière de faire évènement. L’ayant négocié avec son entourage, il se laisse affecter également. Il est probablement bouleversé par l’emprise qu’il a sur moi, par l’épreuve aussi. Quelque chose de cet ordre… D’où l’insistance sur le changement de vie.']

Puis s’arrête. On est dans le magasin de jus.

 

Retour au Mamlaka. Riad dort. Ziad s’énerve parce qu’il sqate.

 

Ressort. Internet → Fuwwaz. Papote avec Wa’il qui arrive la nuit.

(le monde est moche. Les gens n’ont pas de foi.) → thé.

Discussion sur l’amour / sexe, en présence de Ammar.

Retour.

05/09

[B058.jpg]

Vendredi matin.

Taher passe, je me réveille. On mange ensemble et reviens à l’appart [pour prise de note]. Rq sur la propreté [du Mamlaka], les toilettes, … « ça y est, devenu Yéméni… »

[Fin de la prise de note]

prête 20 000

 

( [écrit] samedi)

 

 

 

 

 

 

ANCRE chantier 2003

 

 

 

 

Fin du séjour

Problématisation : la (pseudo) tentative de viol dont je suis victime

(problématisation rédigée 16/8/2018, à reprendre.

Voir aussi présentation page perso, rédigée en cette même date)

PLAN :

(1) De quoi est-il question ? [à compléter par perspective sur l’ensemble de l’enquête]

(2) Analyse de ces notes.

(3) présentation des différents incidents de la journée, et ce qu’ils nous apprennent.

De quoi est-il question ?

De la journée du 29 septembre 2003, j’ai gardé en mémoire la scène suivante :

Le soir, nous discutons dans la rue avec Nashwan et Sa’îd (et d’autres), devant l’immeuble où vit Nashwan. Soudain, Ammar accoure pour nous mettre en garde : Nabil est ivre, il est sorti avec son arme avec l’intention de me violer ; il a même frappé Ammar, qui tentait de s’opposer à lui. Il faut me dissimuler au plus vite à l’étage dans l’appartement de la mère de Nashwan, tandis que Sa’îd (et les autres) se dispersent. Nabil passe effectivement, appelle depuis la rue, et Nashwan lui réponds depuis le balcon que je suis rentré chez moi. Nous restons cachés un moment, tandis que Nashwan et Ammar continuent de se confier, rejoints par Sa’îd. Dans mon souvenir, c’est aussi depuis l’appartement que nous appelons Ziad, afin qu’il revienne me protéger. Puis ils me font sortir et m’exfiltrent jusqu’au carrefour, où je prends un taxi. Le lendemain, une confrontation a lieu avec Nabil, qui me reproche d’avoir dit des absurdités à Ziad. Je m’en sors par une pirouette et m’enfuis à Sanaa quelques heures plus tard, en compagnie de Nashwan.

> insérer ici développements sur la place de cet incident dans mon enquête, les raisons de son verrouillage pendant 15 ans, et les implications de ce verrouillages pour ma posture.

…15 ans avant que Nabil ne soit lavé de tout soupçon : cela signifie que pendant tout ce temps, le geste était concevable. Le fait que Nabil ait cherché à me violer n’était pas incompatible avec son humanité. Même dans le texte E&3F rédigé en 2012, et dans ma vidéo mise en ligne le 28 mars 2018, c’est cette conception que j’ai en tête.

Quelque part, j’avais besoin de cette croyance, pour que mon échafaudage discursif face sens.

Et mes interlocuteurs ne pouvaient que s’en apercevoir.

Quelque part, le basculement du christianisme à l’islam se produit au moment où j’abandonne cet échafaudage. C’est quelque chose dont j’ai toujours eu conscience. Mais j’ai fini par le réaliser : ce sont les musulmans qui m’empêchent de quitter l’échafaudage, en refusant pendant quinze ans d’accueillir cette histoire, de s’en charger les bras.

La question n’est donc pas avec ou sans échafaudage, mais celle de l’orientation, vers quoi je tends : est-ce que je tends vers l’Unicité, ou est-ce que je tends vers la mise en discours (réflexion à la lecture de Foucault / histoire de la sexualité).

Ce que mes notes peuvent nous apprendre

Mes notes sur la journée du 29 septembre sont couchées le lendemain matin, avant mon retour au Hawdh vers midi. Je reprends la plume plus brièvement en fin de journée, essentiellement pour raconter la confrontation avec Nabil. Puis on bascule sur des notes rédigées à Sanaa.

Paradoxalement, la scène n’est pas explicitement décrite : l’incident est tellement gros, tellement grave, je sais qu’il me restera en mémoire et ce n’est pas la priorité. Je décris plutôt les évènements qui ont précédé au cours de la journée, que je tente d’interpréter rétrospectivement comme autant de signaux d’alarmes ; notamment des discussions, où il a souvent été question de l’oppression de Nabil, de sa dangerosité.

Ces notes n’ont pas été rédigées dans le but d’éclairer la tentative de viol qui m’aurait parue mystérieuse. L’incident n’est pas mystérieux : il est univoque, massif, traumatique. Dans cette prise de notes, c’est d’abord mon propre comportement que je cherche à comprendre. Dans le prolongement de ma prise de notes quotidienne depuis deux mois, je tente d’affirmer un point de vue cohérent sur la société, qui me permette d’adopter le comportement adapté. Mais à l’évidence, je dois tirer les conséquences de cet incident grave, je dois rompre avec une certaine connivence. Sauf que je n’arrive pas bien à saisir, à verbaliser, en quoi je suis complice de ce qui se passe.

Cet état de choc se donne à lire dans mes commentaires sur la page de gauche, avec des formules telles que : « Je stresse a posteriori, rétrospectivement » « Je réalise en ce moment que… ». Je veux voir que l’incident était « dans l’air », et je n’arrive pas à comprendre comment je l’ai laissé arriver. J’écris néanmoins pour affirmer une subjectivité, élaborer une compréhension qui me permettra dorénavant de me défendre. Il apparaît déjà à ce stade que la seule réponse possible sera une forme d’impudence, surenchère de franchise dans l’interaction, pour me sortir de ma naïveté et des bons sentiments. D’ailleurs quand je reprends la plume en fin de journée, j’écris d’abord sur la page de gauche : « Aujourd’hui, sûr de moi. Je joue. » (infra).

* * *

Quinze ans se sont écoulés, avant que je comprenne ce qui s’est vraiment passé ce soir-là, le 29 septembre 2003. Pourtant, je me suis réconcilié depuis longtemps avec la mémoire de Nabil, décédé en 2007, et j’avais déjà dressé un portrait plus élogieux du personnage dans un texte de 2012, sur « la chute des figures charismatiques dans le Yémen des années 2000 » (fondé sur des entretiens approfondis avec Ammar menés à l’automne 2010). Néanmoins, je continuais à penser que Nabil avait ses faiblesses : je continuais de croire qu’il buvait (bien que je ne l’aie jamais vu de mes propres yeux), et que ce soir là il était sorti avec l’intention de me violer. Il aura fallu en tout quinze années pour que Nabil, dans mon esprit, soit enfin lavé de tout soupçon.

En date du 27 mai 2018 très exactement, j’ai réalisé que Nabil n’est jamais sorti avec l’intention de me violer. Très probablement, Nabil est sorti pour nous dire de rentrer chez nous, parce que les voisins se plaignaient du bruit. Il est sorti pour « passer un savon » à Ammar, et Ammar a voulu éviter cette confrontation humiliante, alors il a inventé cette histoire d’état d’ivresse.

Cette révélation tardive me permet de relire ces notes tout autrement aujourd’hui. Rien qu’au cours de cette journée, on voit en effet la société toute entière s’activer pour me convaincre de la dangerosité de Nabil, aussi bien les jeunes du quartier que les commerçants. C’est même au cours de cette journée qu’a eu lieu ma première discussion avec Lotfi, le grand frère de Khaldoun, qui deviendra trois ans plus tard un personnage central de mon enquête : lui aussi est enrôlé, pour me convaincre de m’éloigner de Nabil.

En filigrane cependant, on perçoit aussi que le véritable problème, c’est moi : on ne sait pas d’où je sors, je n’ai pas ma place assignée, et j’ai tendance à m’émanciper de ceux qui sont statutairement assignés à accompagner l’Occidental, en tant qu’interlocuteurs respectables. Cette organisation interne de la société yéménite est le secret de polichinelle auquel s’adosse toute mon enquête, mais dans la dissimulation duquel se joue la modernité yéménite : on ne peut pas me remettre à ma place, car Taez doit apparaître comme une ville ouverte, où l’État règne, et où le sociologue peut se mouvoir librement. Cependant, mes velléités d’indépendance, en vue d’une immersion réelle, posent problème depuis le départ - ou plus exactement depuis ma rencontre six semaines plus tôt avec Ziad, qui m’a encouragé dans cette voie. Mais finalement, Ziad n’a pas su négocier notre alliance avec les médiateurs francophones, et il a fini par en prendre acte en se retirant. Du point de vue des Yéménites à ce stade, je suis donc enfin sur le point de rentrer dans le rang, et les acteurs s’activent pour mettre un terme à cette situation embarrassante pour tous.

Dans ce contexte, Nabil m’apparaît comme le dernier rocher d’un continent englouti, que je refuse encore d’abandonner. Mais Nabil n’y est pour rien, et il s’étonne lui-même de cette situation. On le constate notamment dans une interaction avec Nabil que je relate, au cours de l’après-midi (voir infra). Je passe alors dans la pièce de Ziad (« al-mamlaka ») et je tombe sur Nabil, qui mâche le qat avec une connaissance. En me voyant, Nabil met en scène son intimité avec moi devant son ami, de manière tout à fait innocente, en suggérant que je serais prêt à lui prêter de l’argent. J’apparais alors sur la défensive, déstabilisé par ce comportement, ou plutôt par cette situation globalement. Et dans ma prise de note le lendemain matin, je présente clairement ce comportement comme annonciateur de la « tentative de viol » survenue le soir. Mais en réalité, on décèle à nouveau la bonhomie de Nabil face à ce Français qui lui tombe du ciel, dans cette interaction - en fait la seule l’ayant réellement impliqué ce jour-là. Cette bonhomie est également lisible ailleurs, notamment dans la journée du 27 août (supra). Au fond, Nabil ne s’est jamais impliqué directement dans la gestion de ma présence.

Le personnage de Nabil ne doit son épaisseur qu’aux projections des jeunes sur leur « grand-frère ». Tout au long de la journée, Ammar, Nashwan, Walid, et même Sa’îd, témoignent d’une menace, d’une chape de plomb omniprésente, « l’oppression du régime », dont je ne distingue en rien la teneur.

Ce que je lis aujourd’hui entre les lignes, derrière ces déclarations « révolutionnaires », est beaucoup plus ambigu. Car au moins la moitié des énoncés que je recueille, ont pour véritable objet la situation elle-même : les jeunes craignent que Nabil ne découvrent ce qu’ils manigancent avec moi, ce qu’ils me disent de lui derrière son dos. En constatant le degré de ma sincérité et de mon ignorance naïve, ils éprouvent une sorte de vertige coupable. D’où l’expression de cette crainte omniprésente, qui semble menacer la possibilité même de notre interaction.

Cette crainte est indissociable d’une affirmation existentielle, qui passe par l’interaction avec « l’Occident ». À travers la crainte du Régime, les jeunes verbalisaient le paradoxe de leur situation, leur incapacité chronique à se montrer à l’Occidental sous un jour avantageux.

Pour l’essentiel, il y a là une complexité que j’ai su restituer dans ma maîtrise, consacrée à une culture de quartier. Mais cette farce n’est nullement limitée à quelques jeunes citadins égarés.

L’enjeu est de comprendre le comportement de mes interlocuteurs raisonnables...

On assiste même à une discussion très étonnante entre des jeunes du quartier et des commerçants : d’un côté Nashwan et Walid, qui sont respectivement voisin et cousin maternel de Ziad, et de l’autre Khaldoun, le réparateur de montres, s’allient pour me mettre en garde contre Nabil, dans une alliance de circonstance qui ne s’est jamais reproduite par la suite.

 

Dans ce contexte, je continue de percevoir la complaisance des Yéménites à mon égard, mais je ne peux pas imaginer pour autant une connivence de la société (il faudrait être musulman pour saisir cette connivence). Donc je me laisse gagner par l’hypothèse d’une dangerosité intrinsèque de Nabil, une dangerosité dont même Khaldoun par exemple serait menacé (je le mets en garde).

29/9 journée de l’incident

[C041.jpg]

(Mardi 30 septembre) Lundi 29 septembre.

10h, Mahfouz Abu Ammar → Appart de la mosquée el-khayr. Change un peu de comportement quand voit la feuille → espoir.

Première rencontre avec Lotfi !

Devant Khaldoun, frère لطفي Lotfi + cousin. Blagues. Marché du qat (encore, comportement لطفي avec les اخدام!)

 

Qat chez le Cadi

Chez le Qadi, puis face à Abdennasser, je me replie sur la position misérabiliste et paternaliste que l’on attend d’un sociologue responsable. En même temps, on voit bien que je cherche encore à comprendre où est le problème - ce qui continuera sans doute de faire enfler la « rumeur ».

En effet, je garde en tête ma problématique sur la « corruption », qui fonde mon alliance avec Nashwan, Ammar, Saïd, qui m’apparaissent alors comme les citadins « normaux » à l’intérieur du quartier.

Sauf que Ammar me fait des suggestions sexuelles.

Maouled chez  منصور العودي

Patiente en bas, avec Ammar & Nashwan, + فارس dont je me rappelle plus le nom, + un autre. Sinon, des vieux, qq jeunes. Déjeuner. Rencontre Arafat. Blague avec lui devant l’épicerie. + Ibrahim – bin el-Qadi - qui arrive.

Walid veut que j’aille qater dans la pièce en début d’ap, Nashwan hésite, finalement je vais chez le Qadi, Walid dans la pièce, Nashwan chez lui.

Chez le Qadi :

 

Vieux type

Arafat

Jeune frère d’Arafat ~15 ans

………

………

قاضي

 

 

 

 

 

 

Autre h, qui était général.

Moi

منصور العودي

……

……

 

Le Qadi m’apparaît pas sympathique du tout, منصور un peu plus, et l’officier aussi.

Arafat, qui se cache pour me donner cigarette.

Remarque du père, 1 peu paternaliste.

Occasion d’expliquer ce que je fais.

Montre mon permis. « Ah, ça c’est Très important, autant que le passeport. » « C’est bien, parce que il y a eu des questions à ton sujet… ». « Où que tu habites, tu montres ça au proprio… ».

On me demande de raconter, plusieurs fois. - +ENS, …

Je dis que je suis arrivé dans 1 certain milieu, et je n’ai réalisé que maintenant que c’était un groupe bien spécifique.

Le message passe → « Bref, tu veux changer d’amis ? »

 

Ibrahim me demande s’il y a eu des Pbs avec les jeunes. Je dis non, il y a eu des difficultés, mais c’est arrangé.

Ben oui, à partir du moment où je comprends, je peux leur dire ce qu’ils veulent entendre. Ce qui est très pratique ici !

+ En Général, je parle des difficultés éco, vie difficile → même regard qu’eux.

 

 

Discussion avec Lotfi

[C042.jpg]

Qat chez Khaldoun. Papote avec Lotfi. 32 ans,

depuis 6 mois à Sanaa (ateliers de Rolex, ou…), avant 4 ans à Aden (idem), avant magasin.

Marié à 21 ans, divorcé. 2 fils, Mohammed~10 et Bessam ~5 qui vivent avec sa mère ?

Aden mieux que Sanaa. Tu peux sortir. Sanaa : (Métro) boulot dodo. Gens pas ouverts. Se sent étranger.

Qate beaucoup (2 paquets) +shamma (tabac à chiquer).

Même discours que Khaldoun : y’a les gens biens, et y’a les gens pas bien.

 

Frères : Yasser. Salah. سند.

 

Je réalise en ce moment :

- J’ai pris les mises en garde de Khaldoun comme une mise en garde de quartier à quartier (ethnocentrisme. quartier riche, quartier pauvre).

=> oublié qu’il y avait peut-être des « gens bien » à l’intérieur.

-Plus, bien sûr, position d’hôte → réticences à te présenter comme chercheur.

Viens ensuite le moment de l’indép.

 

Une suggestion douteuse de Nabil

Interaction très révélatrice, surtout le fait que je l’interprète comme signe d’une dangerosité de Nabil, avec une allusion sexuelle que je perçois parfaitement. En réalité, Nabil ne fait que mettre en scène nos rapports pour son interlocuteur, en soulignant ma position de dépendant à son égard, mais de manière très innocente.

Vers 8h, passe au mamlaka La pièce de Ziad. Nabil - avec un copain inconnu :

- « Ahlan ! [«Bienvenue»] Où est Ziad ? »

Veut que je reste.

- « Où étais-tu hier, je t’ai cherché… ».

- Pourquoi ?

- « Je voulais que tu me passes de l’argent. »

- Je suis pas la banque. D’ailleurs j’ai décidé hier que je coupais toutes les transactions avec les amis.

- « Ouais, mais moi c’est différent. Tiens, tu veux 10 000, je te les passes. Quand tu veux, tu demandes…

 

Je réalise que mon insertion était dangereuse. Trop focalisé, et surtout pas de contact diversifiés au sein du milieu d’interconnaissance.

=> je suis la créature des Khodshy, ils font ce qu’ils veulent avec moi.

 Axe Nashwan-Walid-Khaldoun contre Nabil

Il est remarquable ici que les jeunes du quartier s’assoient avec Khaldoun, pour débattre de la situation et du « danger » constitué par Nabil.

Rencontre révélatrice de ce moment, où la société se reforme contre Nabil. Tous les Yéménites se mettent en valeur sur le dos du Grand Méchant Nabil. Sans doute avec une intention louable, que je cesse de me rendre dans ce quartier.

Cet épisode explique peut-être la culpabilité ultérieure de Khaldoun par rapport à toute cette histoire, et sa volonté en 2006 de défendre Nabil comme avocat.

Je sors, tombe sur Nashwan et Walid, stressés. On va diner avec Nashwân, me demande ce qu’a dit Nabil. Propose d’appeler Ziad. Papote à trois avec Khaldoun. Je lui dis de faire gaffe à Nabil.
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-06-19T17:35:23.894853050'VP
NOTE: 'Ma remarque en dit long sur ma perception : je considère Khaldoun comme extérieur, donc vulnérable à l’égard de Nabil. Cela dit bien à quel point je ne peux me figurer la complicité sous-jacente des Yéménites.']
Sombre espace domestique (Les palabres des jeunes du quartier face au « danger » de Nabil)

Les jeunes du quartier évoquent librement leur peur à l’égard de Nabil, tout en continuant de me tester par des suggestions plus ou moins « homoérotiques ».

[C043.jpg]

Retour chez Nashwan. Walid arrive. Parle de sa peur (j’ai pas joué au Sheikh!) (Tu ne rentres pas dans la pièce !). Je demande s’il sait où est Ammar.

→ Me dit « Pourquoi ? Qu’est-ce que tu veux. » l’air curieux…

(Je demande à Walid, pourquoi veut garder le mmmmamlaka ILLISIBLE ?

→ « J’ai donné loyer… » « Me plait… 3 ans ».

→ Nashwan : moi je sais. Il y a un ami à lui qu’il veut garder, et s’il veut le garder il doit garder le Mamlaka.

(C’est vrai!) Oui.
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-06-19T13:12:11.800754423'VP
NOTE: 'C’est manifestement une histoire romantique inventée sur le moment, produite devant moi pour me tester.'
NOTE: 'Effet direct de ma curiosité sociologique assumée, que je n’ai pas la pudeur de dissimulée, et qui suscite en réponse des intrigues mises en scène.'
NOTE: ''
NOTE: 'On voit ici que mes réflexions sur le rôle de l’affect dans la sociabilité s’alimentent de matériaux produits par les jeunes, qui cherchent à me tester.']

(Je dis ce que je pense de lui : bon fond, mais faible. Suit les autres, est d’accord pour ce qui est de Ziad et Nabil.

On parle de Nabil, de Ziad, peur (même état depuis 2 jours).

(moi je stresse a posteriori, en retrospective)
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-08-16T07:45:48.990090016'VP
NOTE: 'Ma remarque trahit un moment de basculement subjectif.']

Apparemment, Nabil a dit à Walid qu’il ne veut aucun jeune dans la pièce.

 

Ammar S est à la fois le plus entreprenant, dans sa manière de tester ma sexualité, et aussi le plus sincère, dans les moments de franchises auquel ces joutes donnent lieux.

Notamment, Ammar m’assure que Ziad n’est pas impliqué dans le nouveau « complot » contre moi, mais je ne le crois pas, au moment de la prise de notes : je n’arrive pas à concevoir ce dont il parle.

Lors de la prise de notes, j’identifie un complot de Ziad.

Ammar arrive, commence à se bouffer le nez. « Menteur, tu marches dans toutes les arnaques » / Ziad. (parce que Nashwan a peur que Nabil apprenne qu’il a parlé à Ziad (cf ci-dessous, coup de fil avant l’arrivée de Ammar..

 

Coup de fil à Ziad (sans Ammar). Je lui dis qu’ici Nabil est devenu fou, et que je préfère qu’il rentre. Après Nashwan lui parle, puis lui demande de ne pas répéter à Nabil.

 

Ammar (fait mine de) bouder : « Je l’ai laissé, pas acheté médoc, pas voulu racheter de qat. Alors que malade à cause de toi.

→ je m’excuse, en racontant mes doutes,
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-06-19T17:43:06.528756064'VP
NOTE: 'Typique de mes rapports avec Ammar, qui cherche à me culpabiliser, avec l’argent. Ma réponse aussi est typique de cette période.']

+ nouvelle rumeur, tt à coup → programmé ?

« Oui programmé. » « Mais lui n’est pas dedans. »

Je dois faire plus confiance à mes intuitions
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-06-19T17:47:32.717577524'VP
NOTE: 'Sous-entendu : Ziad est bien l’instigateur du complot – bien que Ammar m’assure du contraire.']

 

On sort manger lui et moi à Baghdad [échoppe de brochettes grillées]. Entre temps Nabil le frappe encore.

Parle de Ziad, me dit que Ziad est le pire des manipulateurs. T’utilise…

Raconte que le mamlaka lui appartient, mais quand on a ouvert la pièce, Ziad l’a occupé de force, à la fois en menaçant. → Ammar a dit si tu sors pas, je te tire une balle dans le bras → mais je dois étudier…

Pièce ! Enjeu important. Cf Nashwan aussi.

[C044.jpg] Quand on sort, me dit « tu veux que je reste avec vous chez Nashwan cette nuit ? J’ai beaucoup des bons/doux souvenirs dans cette pièce avec Nashwan… Tu sais ce que c’est des doux souvenirs ?

Bref, c’est une taupe.

Enfin Ziad est dans le coup car retournement coïncide avec son passage.

Est-ce que tu commences à avoir confiance maintenant ?

On croise un copain à lui,prof de sciences religieuses. 235 926 ياسر هلال

 

-Insiste qu’il se sacrifierait pour moi devant Nabil…

On achète qat.

-Moi je veux juste un ami, sincère.

Bref, Nabil le frappe, mais Ammar se sacrifierait pour lui. Tout en dénonçant sa violence, il me fait des avances sexuelles. Quelle énigme irrésistible !

À ce stade, il n’y a que deux interprétations possibles :

- soit nous avons affaire à un « empire de la passion » (un espace domestique, ni plus ni moins), régissant toutes ces relations du quartier.

- Soit tout est une manipulation de Ziad, (dont je m’imagine qu’il est) le seul qui a perçu ma faiblesse, et qui tente de l’exploiter.

Seule la relation avec Waddah (quelques jours plus tard) me permettra de croire à la première option, de lui donner corps, au sens propre comme au figuré. Dans l’immédiat, c’est la seconde option qui me permet d’affirmer ma rationalité : je veux croire que Ziad est le chef d’orchestre de tout ce complot, car de mon point de vue il est le seul qui a perçu ma faiblesse. En réalité, il est évident pour tous les Yéménites que mon sentiment amoureux envers Ziad s’inscrit dans une ambivalence plus générale, une quête de l’islam, dont ils perçoivent de nombreux signes dans mon comportement. Mais je ne peux concevoir cette conscience collective (ce serait admettre l’islam). Ziad est le seul qui assume face à moi cette conscience collective, qui me fait savoir qu’il perçoit en même temps qu’il perçoit. À ce stade il a décidé de se retirer, et se lave les mains de ce qui arrivera, devant Dieu. Mais pour ma part, je ne peux croire à l’autonomie cognitive des autres acteurs, à leur lucidité : Ziad est le seul qui peut jouer, car il est le seul qui voit en moi. Les autres sont aveugles, désirent à travers moi des choses triviales.

Abdelnasser, de la Sureté Politique

Retour : on croise AbdelNasser. Habitant du quartier d’une quarantaine d’années, fonctionnaire de la sureté politique.

Dit qu’il est surtout inquiet pour moi. Terrorisme, Enlèvement, intégristes, etc.. Veut que j’aille voir les gens sérieux.

Moi j’ai maintenant une compréhension assez bonne, et je peux leur montrer que j’ai bien compris. → je tombe d’accord avec lui : ces jeunes meskine…

« Non, Ziad c’est un type bien, meskin »

Meskin… → regard bien condescendant

Jeunes : ne pensent qu’à qater, manger, dormir. Pas intéressant ? Va voir machin, qui a son affaire ici.

Rumeur : c’est qui ce Français qui qate beaucoup.

 

Discussion avec Sa’îd / récit Nashwan

Réaction de Nashwan. Enervé, ce type c’est comme Ziad, il veut te mettre le grapin dessus. Moi je vais t’amener voir son père, c’est lui que tu dois voir.

+ Gvt, enlèvement mon cul. Veut t’éloigner de nous.

 

Je parle de la corruption, à toutes les échelles. Comportement des Jeunes → Ali Abd Saleh.

(en présence d’Ammar) ; Sa’ïd : مجتمع ظالمة société injuste

 

[C045.jpg] Ammar dit à Nashwan et moi de monter, il papote avec Sa’îd. (il est pas très bavard).

Après 20 minutes, Sa’îd remonte tout seul. Quand je demande où est Ammar, me dit que son père de Ammar est venu le chercher.

Est-ce qu’il a eu des doutes ?

Ou une baisse de moral.
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-06-19T19:27:46.470080245'VP
NOTE: 'Manifestement, il y a discussion sur mon compte, intuition que je cherche à faire passer dans la prise de note, sans pouvoir l’énoncer.']

 

Discussion Nashwan Sa’îd.

- Ammar (+tard) : est-ce qu’il est sincère ? شرّي

 non, il ment. Question → marche des fois avec Ziad.  On le voit venir, quand il veut ton qat. CE qui me plait chez lui, c’est que quand il voit que tu le prends mal, il se dégonfle et te console. (avec un peu de tendresse) tu le vois venir, qui s’approche et qui te prend ton qat. Je l’aime bcp.

 

Et ouais, apprentissage à faire avec les gens qui slalomment.

Réussir à aimer sans la confiance.

Il y avait du vrai, quand Ziad me dit que je veux qu’il se comporte avec toi en fr, et c’est pas possible.

- Ziad, on discute s’il est sincère quand il prie.

Nashwan : non, c’est pour l’image & se marier.

Avant était violent, qatat au « projet de l’eau », tu venais, il te prenait ton qat puis lève toi où je te tape. → seul.

Après s’est calmé avec la pièce. Les gens venaient à lui spontanément.

→ developpe un rôle comme le « sage » du village.

 

Nashwan : celui qui le comprend le mieux.

Un jour, Ziad lui faisait la morale : tu es un moins que rien, فاشل raté / en échec, tu étudies pas. Lui a dit : c’est ta science qui est فاشل, une science qui n’inclut pas les mœurs, et qui ne te force pas à réfléchir sur toi-même.

J’ai des mœurs, qui valent mieux que les tiennes.

 

Constat sinistre, la plupart des jeunes étudiants que j’ai rencontré, pas intègres.

Sauf. Nashwan // Taher

[C046.jpg] Nashwan

Père (qui lui enverra des sous pour monter à Sanaa, mais ne le recevra pas). Lui donnait pension. → vivait bien, avait les moyens d’avoir des amis. « Il y avait une sorte de joie. Je prenais les choses avec humour. »

 

Mais type aux states, lui demande d’être gérant de l’immeuble (louer, loyer), d’être fidèle et il l’aidera en échange.

Quand mère tombe malade (insuline → diabète) et doit être opérée en Arabie Saoudite, lui demande → commence à se retourner. Ecrit fax à son père, qu’il ne fait rien, qate…

→ coupure des fonds.

 

Mère, le réveille le matin.

 

Position, chez toi => les gens viennent.

→ secrets, au courant.

Mais fatiguant. Sait tout sur tout le monde. Les sert eux, pas toi.

Filles l’aiment. Pas Ziad (quand il est malade, elles se pressent à son chevet)

ضروف !

Et maintenant, se dit fou…

 

Ammar m’a raconté qu’au début, il lui disait qu’il voulait me connaître pour que sa mère trouve son problème psy. Ammar se moque : « en quelle langue ? »

histoire bien possible, révélatrice du personnage

 

[C047.jpg] Bessam : // Ziad.

Pour Sa’îd : celui sur lequel Ziad est monté.

 

Sa’îd, à la fin, me demande si j’étais vexé par son comportement au « conseil ». Non. Me raconte que a dt à Ziad, après la dispute ou Nashwan est resté : « tu lui dis bienvenue, pour 3 mois, et après tu le jettes ? »

 

Et puis discussion à la Bertolt Brecht.

-Sut com : image valorisante.

→ coop de tous. Les + forts monte sur les + faibles.

 

(je les appelle les ناجحين des gens qui ont réussi=> protestation. Ce ne sont pas des Nagihîn, pas d’honneur.

Said : - Abdennasser, lui demande de peindre chez lui, ne paye pas.

-accués d’avoir volé une voiture garée devant chez lui… 2 fois le type passe : où est la voiture/

Nashwan :

- père ruiné par un de ses frères.

 

En général, entre frères !
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-06-19T19:50:42.744537666'VP
NOTE: 'Sans doute j’exprime là ma surprise de toucher des situations où les gens s’arnaquent entre Yéménites.']

- Saïd : Ne t’en fais pas, c’est juste du vent. Un jeu.

 

[Quand je] Dors chez Nashwan [sans doute au cours de l’après-midi]. Je rêve de tribunal, de jugements, de normes de jugement.

Central en effet. Normes de jugement.

Fin de mes notes sur la journée de la veille (29 septembre).

30/9 Dernières heures dans le quartier

[C048.jpg] Le 30 septembre 03.

 

Aujourd’hui, sûr de moi. Je joue.

~13h, je ne trouve que Ahmed et Omar et Salah qui trainent devant épicerie ? J’invite Omar à manger asida. « Mais à ton compte ? » (précise bien) ; oui, oui, t’en fais pas.

Demande où est Ziad, je dis je sais pas trop, dit il devrait rentrer aujourd’hui.

→ au courant, mais refuse de dire par qui.

« Il a dû téléphoner à quelqu’un ».

Me dit qu’il est en colère contre Salah, histoire d’appart, je dis bon, c’est pas grave, un peu sans blasé.

→ « j’ai l’impression que tu penses que je te mens »

→ « pourquoi tu as cette impression »

Après, rien à se dire.

 

La confrontation avec Nabil

Trouve Walid et Nashwan dans le Mamlaka. Walid veut faire un pacte relations nouvelles avec moi, pas une transaction.

Nashwan veut faire la même chose  - avec Ammar - , je dis qu’il y a pas de problème.

 

Nashwan a peur des suites de l’histoire, donc me demande de ne pas le citer…

 

Arrive Nabil, accompagné de Wâ’il. Me demande quel est le Pb ? Pourquoi j’ai téléphoné à Ziad ?

stress…

Je dis que je ne suis pas à l’aise ici, que il y a beaucoup de ragots, que je n’entends pas, que vous jouez avec moi, et je sais pas quel est votre but, derrière l’amitié. Donc j’ai eu discussion avec…

Je ne suis pas عرطة, vous croyez mais…

Nabil se calme. Fait un peu la morale aux jeunes.
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-06-19T20:16:33.082554878'VP
NOTE: 'Au fond, Nabil se calme parce que je me dégonfle, et que ma lâcheté apparaît aux yeux de tous.'
NOTE: 'Je percevais à l’époque le stress de Nashwan et Ammar, qui avaient peur en fait que Nabil leur retombe dessus. En fait il y avait connivence entre eux évidemment.']

[C049.jpg] Sortent directement, Wa’il me dit juste que s’il y a des problèmes, parle en directement.

 

Nashwân et Walid me félicitent.
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-06-19T20:19:49.379624594'VP
NOTE: 'Se réjouissent que je renoue avec Nabil.']

« Il va te faire respecter dans le quartier… »

La réaction des Yéménites est complètement incompréhensible à l’époque. Je me débats dans des relations cordiales, et en même temps qui comportent une part totalement obscure.

Pars chez Tareq. J’apprends Houda à S.

La présence de ma prof d’arabe à Sanaa sert d’alibi pour me retirer, juste pour quelques jours à l’origine, de quoi prendre un peu de distance.

 

 

Retour quartier vers 19h. Papote avec Nashwan.

Ammar, je lui propose de m’accompagner à manger. Invite l’autre Ammar, sinistre.

Taher nous rejoint (connaît cet Ammar, sale type).

→ Abu Ammar, pour l’appart (menteur).

 

Chez Khaldoun, je raconte l’histoire de Nabil et Ziad, Khaldoun s’énerve un peu « Depuis le début je te le dis… »

Retour, on blague avec Nashwan, Salah, Sa’if, Omar, (+el-Oudayni)+ ?
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-06-19T20:24:11.004954928'VP
NOTE: 'Et en même temps, voici à nouveau un moment de grâce…']

Je chante bcp, fort.

 

Ammar et Abdallah m’emmmènent faire un tour, acheter une glace, intimidant de mes 2… « On va te tuer » « Tu as déjà tué… ? »

Abd est énervé contre moi. Faut dire je suis sur de moi et je lui fais sentir.

Mohammed Faysal me propose chambre à côté Sha’ab, 8000, cher, m’embobine. → on verra quand je rentre.
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-06-19T20:26:03.877563084'VP
NOTE: 'Donc j’ai déjà décidé d’aller à Sanaa…']

 

[C050.jpg] Ahmed me dit : « tu reviens ? » Quand je pars avec Abd et Ammar. Je blague : tu es Gassous, Gassous ‘alal Gâssous. Tu es un espion. Un espion sur l’espion.

Ammar encore assez affectueux, mais se calme un peu, par moment seulement.

Nashwan me dit que je suis très fort à qui veut l’entendre.

Salah passe, tard.

Je blague que je vais l’écraser comme une araignée
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-06-19T20:29:19.613333100'VP
NOTE: 'Parce que son jeu est à nu, à ce stade, je pense.']
.

 

Camion de Police qui passe, court après 2 jeunes.

(Mohammed Faysal leur dit qq chose…) Affaire de vol.

 

La fuite à Sanaa et l’alliance avec Waddah

31/9 : premières réflexions dans l’autocar, avec Nashwan

Dans ces premières notes rédigées après ma « fuite » à Sanaa, on voit se mettre en place l’hypothèse d’une population stigmatisée : le quartier ne représente plus à mes yeux le coeur de la société yéménite, mais une de ses marges. Hypothèse absurde : le quartier forme un ensemble évidemment plus « authentique », plus représentatif sociologiquement, qu’une rangée de commerçants ou qu’une poignée d’anciens étudiants au département de Français qui se retrouvent pour qater. Mais cette hypothèse tiendra le temps de rédiger ma maîtrise.

En fait, cette hypothèse va avec une certaine idée de la condition humaine. Je ne m’en rends pas compte immédiatement, mais je suis gagné par la théologie des sciences sociales. (déformation centripète caractéristique, qui organise le réel autour de l’Institution, en masque la contingence et l’historicité)

Situation personnelle cruciale : ce sont les moutons noirs.

→ personne ne veut se porter caution. Personne ne leur prête / ne les croit (Nashwan).

Sanaa [dessin ampoule qui éclaire]

Ziad, c’est un peu celui qui offre aux autres de se liguer pour pouvoir rivaliser à l’extérieur. C’est lui qui offre à ses brebis la perspective d’attraper un gros poisson comme moi.

acceptent qu’il prenne la plus grosse part, dès lors qu’il donne les miettes aux petits.

Genre [? illisible] Ziad : « Donne 100 rials pour acheter un coca à Mohammed Faysal ! »

Nashwan, hier : me dit qu’il s’est remis à prier à la mosquée (« Tu t’en fous,toi, mais pour moi c’est important »).

Ne dit pas à tout le monde qu’il part pour chercher du boulot.

À Salah : « je pars régler quelques affaires… ».
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-08-17T09:31:40.965889881'VP
NOTE: 'Intéressant. Je perçois ici, sans la comprendre vraiment, une sorte de honte liée à l’interaction avec moi.']

[C051.jpg]

Dans le car. Discussion avec Nashwan.

[à propos de Ziad avant :] (il était mal poli, mauvais, il disait « je veux », prenait…).

« Qu’est-ce qu’il a dit sur moi ? »

→ Au contraire, Ziad le priait de venir qater chez lui.

→ Et puis au contraire, avant était un type bien.

(Je lui dis qu’au début je le prenais pour un clown, bouffon).

→ Version de l’histoire :

1 des premiers soirs où tu avais traîné chez Zid, il m’a dit : « ce type, il parle de sujets importants, sérieux, il parle très bien. → je veux que tu parles aussi avec lui et que tu me dises ce que tu en penses.

Mais oi, je n’ai pas marché dans leur truc. Le lendemain, quand « je t’aime », je n’ai parlé que de sexe, et des conneries.

Ils étaient en colère.

Même après, Salah est venu me dire : « Qu’est-ce qui t’arrive ? »
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-08-17T09:38:28.270417057'VP
NOTE: 'Je dois relire le comportement de Nashwan aujourd’hui, expliquer cette première réaction. Je n’y ai pas réfléchi depuis très longtemps…']

Discutaient Fawaz, Ziad, Jalal et Salah, pour savoir si j’étais franc-maçon.

 

Version du soir où il m’a viré.

Ziad est monté devant che Nashwan, a parlé devant Ammar, Sa’îd, Nashwan, Salah, Salah, Omar, +.... A dit ce type il est malin, il a des intérêts, il faut une recherche.

Reste dans le flou → chacun comprend à son niveau.

Salah l’appuie, dt qu’il a eu loisir de m’observer quand on a discuté à اخوين [funduq al-ikhwayn, colline dotée d’un hôtel. Cf supra XXXXXXXLIEN].

[C052.jpg]

Tu veux comprendre Ziad ? Regarde le père. C’est comme Ziad. Sa mère ? Adorable.

 

Interprétation de quand il m’a viré. A compris que tu étais de ceux qui veulent changer les règles du jeu.

Avant jouaient aux échecs avec toi. Echecs.

Pourquoi a appelé Nabil ? - N’avait pas envie de rentrer. - Parce qu’il veut que tu l’appelles au secours.

Oui, Ammar, joue avec Ziad. عمار شرير ! [Ammar c’est un diable!]

Abdallah → fou.

 

Aujourd’hui, coup de tristesse.

Je fais la sieste et je rêve d’angoisse.

En même temps rien que le fait de revoir Houda me remet dans l’ambiance Ulm.

Est-ce que j’appelle Lucie pour déjeuner.

Quelle violence !

02/10 et 03/10Deux jours d’échanges avec Waddah

RQ : conditions de la prise de note

Jeudi et vendredi, deux journées de discussions à bâtons rompus avec Waddah. La mise au propre de ces notes est postérieure au passage à l’acte (samedi matin) : il faudrait regarder sur mes petits carnets, si je retrouve certaines traces. Les conversations sont aussi reconstituées de mémoire, en partie.

Le Waddah qui parle ici est un Waddah sûr de sa respectabilité, qui ne se doute absolument pas du passage à l’acte sexuel qui interviendra samedi matin. Même si mes notes sont postérieures, les informations données sont éloquentes sur le fait que Waddah n’avait absolument pas l’intention, et qu’il jouait complètement franc jeu, responsable.

Je n’ai aucunement conscience du quiproquo, bien entendu.

Les enjeux de cette discussion :

Chez moi, sortie de ma théorie du complot.

Jusque là, aucun interlocuteur ne me semblait assez intelligent pour comprendre vraiment la situation, moi compris, à part Ziad.

L’intention de Ziad, de mon point de vue, était la clé de voûte de toute l’histoire. Lui seul voyait ma vulnérabilité, mon ambivalence (notamment sur le plan spirituel). Tous les autres, de mon point de vue, étaient des gentils. Je ne pouvais pas imaginer une connivence de la société yéménite quant à l’enjeu de ma conversion, moins encore l’implication dans cette question des structures de l’État et de l’ordre politique.

Je ne pouvais pas imaginer que Ammar tentait d’établir un rapport avec moi (largement érotisé), indépendamment d’une instruction de Ziad.

D’ailleurs, le cas de Ammar est tout à fait révélateur du mécanisme qui maintenait cette unicité d’interlocuteur : la pudeur.

La seule manière de s’insérer dans la relation spirituelle qui nous liait Ziad et moi, c’était de passer par le corps. Il y a toujours eu deux options possibles pour mes interlocuteurs, selon qu’ils souhaitaient se positionner comme faisant ou non partie du même corps (social) que Ziad. Soit ils affichaient une connivence, soit au contraire ils faisaient mine de ne rien voir, de ne pas pouvoir concevoir cette relation.

Il est important d’insister : tous les Yéménites avaient potentiellement accès aux deux postures possibles. (Il est arrivé à des étrangers de se positionner en relation avec le couple que nous formions  Ziad et moi, des Yéménites qui n’avaient aucun lien avec Ziad ou son quartier, si ce n’est le fait d’être Yéménites, ou d’être musulmans, ou d’être simplement humains). Mais une fois l’une des deux postures adoptées, aucun Yéménite n’en a jamais changé. Passer d’une posture à une autre leur fait violence, nécessairement. En effet, passer de l’une à l’autre, accepter de voir le corps, n’implique jamais simplement la reconnaissance d’une relation. Cela implique toujours aussi d’écorner une certaine image idéale de soi, de reconnaître le caractère partiellement artificiel de leur posture antérieure.

C’est pourquoi j’ai travaillé sur la vulgarité, et en écorchant mon statut d’Occidental en permanence.

Chez Waddah, un malaise grandissant…

Spontanément, Waddah tente de se faire passer pour le vrai Za’îm…

Mais il ignore que ma relation avec Ziad s’enracinait dans un phénomène très profond, qui lui échappe : une quête intellectuelle et spirituelle, un phénomène d’ordre épistémologique, voire d’ordre psychiatrique, qui n’a rien à voir avec les images d’Epinal de la sociologie spontanée.

Si bien que ses prétentions se retournent, de manière assez pathétique.

Au fond, Waddah s’emmêle les pinceaux dans son propre discours, finit par en concevoir une certaine honte, mais ne peut pas m’envoyer balader parce que je suis son hôte. La seule solution est de me féminiser.

La seule issue est de projeter sur moi l’origine de son malaise : c’est moi qui suis pervers, c’est moi qui ne suis pas un homme. Sauf qu’en réalité, j’accueille avec enthousiasme chacune de ses mises à l’épreuve. De cette manière, je le contrains à affronter ses contradictions. Et de mon point de vue, Waddah deviendra effectivement le véritable Za’îm : celui qui m’a fait une place, en affrontant ses sentiments.

[suite C052.jpg]

Discussion Waddah Le jeudi 2 octobre 2003 (le samedi 4)

 

Rencontre Waddah à Tahrir, on va dans son quartier.

Qat avec son copain Adel . (forces spéciales ? dans l’armée)

Puis resto, puis qat avec lui dans بيت الحر [(local des chauffeurs et gardes du corps de la) Maison Al-Bahr]

 - Pas moyen de payer.
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-08-17T09:55:29.155476811'VP
NOTE: 'Je suis son hôte. On voit bien ici que je suis presque complètement aveugle à cette dimension de l’hospitalité. Je ne pense qu’à interagir, « échanger » (comme on dit). De mon point de vue, quand Waddah m’offre l’hospitalité, il ne se passe rien.']

Au début, pas grand-chose à dire.

 

La problématique du viol

Nous évoquons la (pseudo) « tentative de viol » de Nabil, survenue trois jours plus tôt - qui est tout à fait réelle, et qui comporte donc une part de réalité. À partir de cet incident présumé, Waddah développe une rationalisation, autour de laquelle s’organise notre échange. Cette thématique se déploie au cours de nos deux jours de discussions (Voir aussi plus bas, la problématique des futuwwa, mauvais garçons qui se prennent pour des chevaliers).

Je lui raconte l’histoire avec Nabil. (-reparle de quand il m’a fait sortir avec lui et Nashwan [Cf supra LIEN XXXXX])

Insiste que je suis son hôte. Tout le temps.

Je conclus en disant Ziad ibn kalb. [Ziad est un fils de chien] Il me dira après ça lui plaît.

 

Me pose « question embarrassante », veut réponse franche. « Est-ce que Ziad a essayé qq chose avec toi, touché [peu / illisible], ou… ». Parce que c’est pour voir s’il a quand même changé ou pas (lui voit la différence de loin, depuis qu’est à Sana’a).
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-08-17T10:14:30.066741630'VP
NOTE: 'C’est le fond du problème : Les gens ne perçoivent pas ce qui fait la relation entre Ziad et moi. Ils me voient faible, et ils pensent que Ziad ne peut qu’avoir abusé de ma faiblesse.']

[C053.jpg]

Raconte que Ziad ne pouvait pas dormir à côté de quelqu’un sans qu’il le force. → peur.

Tout le monde avait peur de dormir là. Sauf moi.[Waddah disait souvent ça…]

À propos de Ammar : a assisté à engueulade, quand j’étais sorti chercher de l’eau, Ziad qui dit à Ammar, « Alors comme ça tu veux niquer Mansour ?! »

ce n’est pas un complot.
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-08-17T10:19:32.299560435'VP
NOTE: 'On voit bien ici combien l’aide de Waddah donne du relief à la société, fait tomber ma théorie du complot. Elle fait apparaître le corps.']

Place de عراب [pénétration] dans la domination.

Validation ?

Rq : pour Ziad, c’est classé secret défense. « L’islam te demande de cacher tes péchés avec honte (discussion le soir chez lui) » [cf supra LIENXXXXXX]

 

Rq. D’une manière générale, Ziad ne manipule pas les gens directement. Ne dévoile pas son but.

 

Q : Est-ce que les gens imaginent que Ziad et moi avons relation sexuelle ?

(Ziad me nique + approprié).

Oui. Première réponse, automatique.

Après doute, car Ziad dit que le premier qui embête Mansour, il le tue…

 

En effet, « agir par intérêt » inclus « pour enculer ».

 

Symboliquement au moins, c’est ça la place que j’ai occupé. (je repense à l’exaspération de Khaldoun, et sa colère qui éclate quand je raconte que Ziad a fait courir rumeur que je suis مخنوث [enculé]. Colère contre moi (je t’avais dit!)

Toute l’ambiguïté de sa position.

Protection / chasse gardée.

Idem avec argent : « le premier qui lui tire 100 rials, … »

Passage sur la psychologie de Ziad, qui met en évidence un complexe, une méfiance pathologique.

Peur d’être enculé. Toute son enfance, jusqu’à adulte fort.

→ Dort pas avec quelqu’un / toune pas, dors pas sur le côté.

Ziad refusait que quelqu’un dorme à côté, grosse colère (et pourtant, porte = couverture)

« Sauf Waddah », parfois il rentrait et lui dormait, il se couchait à côté, au matin Ziad était pas content, mais s’en foutait.

 

Circonstances première nuit :

Nuit chez Walid, à 7 dans le magasin.

Blagues entre eux, se sautent dessus.

→ concentré sur les fesses (« chatouilleux ») allongés sur le dos.

- Pudeur. (Portent mawwaz & chemise. Se changent dans une futah [pagne]).

(-Ne dorment pas sur le côté). Peut-être là Waddah exagère
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-08-17T11:36:57.700801333'VP
NOTE: 'C’est le passage à l’acte qui me permet cette prise de distance. Il y a une sorte de déni de la pudeur indigène. Par ailleurs, Waddah lui-même juge pathologique la méfiance de Ziad.']
.

Il est frappant ici que je continue à analyser, à utiliser Waddah comme informateur.

 

Précisions sur la famille

Le geste de Waddah est très net : il tente de rattraper l’histoire, en la réinscrivant dans le clan dominant. Il me donne l’hospitalité au nom du clan dominant (de la Turque) contre le clan dominé (de la Taezie, la grand-mère de Ziad).

Mais paradoxalement il échoue, puisqu’il établit avec moi un rapport sexuel. Et c’est exactement l’inverse qui se produit : je ne cesserai de me considérer comme l’hôte de Ziad, à la fois contre Nabil et contre sa famille, qui se trouve identifiée au Régime. (j’ai cru jusqu’à fin 2017 que la « tante » qui lui avait obtenu son poste à la banque - via son mari Al-Bahr, père du chef des services des renseignements du Régime - était sa tante au sens propre, la sœur de sa mère).

[C054.jpg] Précisions sur la famille الخدشي

 

عبده محمد الخدشي

ht personnage de شعيفة [shuwayfa]

تعزية

صنعانية (origines turques. Son père est conseiller de l’imam)

 

[dessin maison blanche] / [dessin maison de Ziad, indiquant le Royaume,  la pièce de Ziad]

héritage entre les 2, partagée à sa mort il y a 3 ans.

→ le mamlaka est attribué à la mère de Ammar, pour qu’elle la loue. Mais passe à Ziad qui étudie.

/ rapport espace privé, ازعاج ! [nuisances]

عبد المولى محمد الخدشي

محفوظ = أبو عمار

 

+ relations avec les

عبد الغاني

les grands pères étaient cousins (des parents). عم

 

 

« 1 des grandes familles de Taez » : الخدشي

Quartier : on ne dit pas   حارة العائدي [quartier al-’a’idî (anonymisé dans mon mémoire en "al-Adawi")]

on dit : حارة الخدشي

+ Mamlaka = toutes les propriétés الخدشي


[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-08-17T12:04:05.980261881'VP
NOTE: 'Très intéressant cette manière de me recadrer, en replaçant l’espace familial au centre.']

 

Anecdote Ziad/Waddah en mon absence

Anecdote très révélatrice, encore une fois, des positionnements respectifs de Ziad et de Waddah.

Cette anecdote en dit très long aussi sur la posture de Ziad, l’intégrité du bas de l’échelle. Cela explique bien ma fascination pour Ziad, mon sentiment d’une relation personnelle, d’être pris pour moi-même et non comme « l’Occidental de service ». Mais ici, Waddah interprète l’anecdote à charge de Ziad, de son orgueil déraisonnable… juste avant de se prendre lui-même les pieds dans le tapis !

[C055.jpg] S’énerve contre en veut à Ziad : « tu sais pourquoi je suis parti ? Quand on qatait l’aprèm ? J’ai dit à Ziad : ce M[ansour]. c’est un type bien.

« Tu le protèges pour moi. » (je sais plus quelle expression).

A répondu : « S’il fait quoi que ce soit de mal dans le quartier, je n’hésiterai pas à le taper. »

→ manque de respect à son égard.

 

 

Me conseille de ne pas revenir au quartier.

(quitte la recherche, concentre toi sur l’étude de la religion, c’est plus important. Trouve l’إمان [la foi]. On parle religion. Inchallah.

 

Walid al-Bûlîs

Waddah me recommande à un « patron » de Taez, avant de se reprendre, et de me conseiller de chercher à retrouver la protection de Ziad. On perçoit ici son hésitation.

M’écrit une lettre à destination de وليد البليس, respecté dans tout Taez.

tu vas voir Mohammed Faysal ou Wa’il, tu leur demandes de t’amener chez  وليد بليس

S’ils te posent des questions, tu dis « أمانة من وضاح ».

 

(Après le lendemain) Non, tu traites d’abord avec Ziad, essaie de revenir sous sa protection. Si Pb, tu y vas chez  وليد البليس.

 

Waddah se confie : les douleurs de l’émigration à Sanaa.

[C056.jpg] Situation وضاح.

Me parle des états de mutisme que lui donnent le qat. Parfois 3 jours sans qu’il parle à personne. Pense à situation, réfléchit → rage, désespoir.

C’est différent pour celui qui ne voit pas plus loin que demain, comment trouver du qat.

 

Sa famille à Taez pense qu’il est très bien à Sanaa. Mais salaire de 10,500 rials, portier et chauffeur de بيت البحر [la Maison Al-Bahr] de la pire espèce. Menteurs, comploteurs, voleurs.

→ n’en manquent pas une pour raconter au خال [«l’Oncle»].

خال [« l’Oncle »] : Je ne suis pas resp. de toi.

→ préfère dormir chez خاله [son oncle (véritable)]. Mais ambiance détestable. Et a commencé à demander loyer → sa mère lui parle plus (lui donne 1000).

→ ne suffit pas. Si rentre à Taez, sa famille ne l’accueillera pas.

Qat → désespoir.

Poids des conditions. Difficile de comprendre dans ma position.

J’en ressens la violence indirectement.

Qat : remplit le vide.

Drague.

Je lui parle des différents gens que j’ai rencontré.

+ كيف, que je connaissais déjà. [allusion peu clair…]

/ il m’a dit : tu as peut-être la clé de mon malaise (croit au destin).

// Nashwan (mère psy…) [cf LIEN]

+ Sanaa, pas chez lui. Pas de solidarité, pas de sentiment de fraternité, chacun pour soi.

(Ha’il Sa’îd, représente une solidarité de ville?)

Depuis quelques mois, fait le bête. Cherche à devenir bête. Les gens le croient. La plupart des gens du quartier le voient comme ça, qui blague.

 

03/10 au soir

[C057.jpg] Discussion de vendredi soir.

C’est le dernier soir avant passage à l’acte.

Al-futuwwât, ou le point de vue sociologique de Waddah

Position des shebabs en échec.

Dans le souq de qat, فتوات [(se prennent pour) des chevaliers]. (renverse les étalages si donne pas…)

→ réagit sur leur image.
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-08-18T09:43:39.578854822'VP
NOTE: 'Waddah adopte ici un point de vue sociologique.']

Donne pour qu’ils se tiennent tranquiles. Mais avec des mots durs. « Tu es un nul. » كلام جارح [des mots qui blessent]

Lui a refusé, a voulu ne compter que sur lui. S’il y avait mot dur, refusait l’argent.

 

- [Zig-zag] ou ↑. J’ai les deux, j’utilise en fonction de celui qui vient en face.

Objectivation des mauvais garçons qui se prennent pour des chevaliers. Derrière la lecture sociologique convenue, pointe déjà une mise en abîme.

Surtout après le passage à l’acte, je vois bien que le comportement de Waddah avec moi n’est pas très différent. Pour autant, en amont de ce passage à l’acte, j’ai sans doute été capable d’encourager Waddah dans cette posture.

La condition pour adopter le point de vue sociologique à bon escient, c’est d’en avoir honte.

Quartier de Ziad, quartier de Waddah

Waddah me décrit son propre quartier (vers Sha’b al-Dubba, où se situe la maison de son père). Ou plutôt, il tente de m’en donner une vision idéalisée, en s’appuyant sur ce que j’ai perçu dans le quartier de Ziad.

- Ce quartier pire que le sien. عند وليد البليس . Il y a 4-5 grosses personnalités vraiment honnêtes, ou 3+2 qui suivent. Mais suffit à créer mouvement.

→ les gens voudraient habiter là (Nashwân).

شعب الدبة, + bas que chez Khaldoun.

- Discours sur « 1 seule main », c’est arrivé dans le quartier par moi. Mais c’est pas vrai, peur les empêche de taper Ziad.

 

Waddah évoque sa rivalité avec Ziad, lorsqu’il tentait de s’implanter dans le quartier de sa famille maternelle.

Compétition entre les deux. Il commençait à aller chez lui, traîner avec copains.

→ fait pb autour du rond-point.

+ excités / provoqués par Ziad.

→ le vire du quartier (il s’arrange pour le virer de chez خالد [son oncle] ou جدة [sa grand-mère])

 

[C058.jpg]

– Rq : ce qui se passe avec Ziad, c’est que j’ai touché le point sensible. Quand je dis celui qui n’est pas aimé ne peut pas aimer. Sort d’une histoire d’amour, elle l’a laissé. Il y croyait fort.

 

Dans la politique du quartier, les passions
Impact des relations inter-personnelles dans le jeu social ?
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-08-18T11:06:21.563546739'VP
NOTE: '= j’écris ici ce qui va devenir ma problématique les années suivantes.']

-Compét entre 2 Za’îms : علي [Ali] frère d’Abd.

Il y avait problème entre Wa’il et Mohammed Faysal (?). « احتكموا إلى علي » [ils ont pris Ali comme juge de leur différend] et ont déposé en gage jambiyyya.

(Coutume du حكم قبيلي [régime tribal]). Si on te connaît sur l’honneur suffit.

 

Ziad a demandé les objets à Ali, a vendu et a acheté du qat.

→ le 2ème Qadi a pas gueulé, s’est fait petit. A laissé Ziad faire le juge.

Ali a intérêt à gagner Ziad (sera fidèle après).

-En fait, l’a fait sur mon conseil. Moi j’avais intérêt parce que si conflit entre les deux, je devais me tenir avec Ziad (liens du sang) دم

→ /explique coup de téléphone Nabil.

 

-Obéissance. Nashwan qui qd Ziad est rentré a dit / « non, non, j’ai pas parlé avec Mansour. » Et après : « Je le connais pas, lui ».

 

Nabil : « Moi je lui apprends le [Zig-zag], انا اعلمه المزناوة »

 

[C059.jpg]

-Comment Ziad manipule : indirect.

Ex : pb dans quartier, Ziad a la flemme. Veut que Mohammed Faysal y aille.

→ dit à Walid : va voir Wa’îl, dis lui qu’il aille juger en mon nom.

→ par jalousie / compétition entre eux, Mohammed Faysal va y aller.

 

Moi : Ziad : عبى القلب [à travers le coeur(?)]

Lui : Non, mais ça = la moitié de Taez.

 

Théorie sur l’amitié شضّة [شذة ? Déviante ?]. amour qui te lie. Prêt à mourir, tu oublies les autres liens.

صادق…

Puis pb, souffrance, compet, Amour haine.

Quand je suis loin, je veux être près.

Quand je suis près, je veux être loin.

أشتي / ما أشتيش [je veux / je veux pas]

Douleur.

 

Raconte histoire à lui, copain de Sanaa, au début meilleur copain, et seul.

Puis il connaît les autres. → jaloux

Attire les autres pour qu’il revienne.

→ les autres se lassent. Ne restent qu’avec lui.

Je les tape pour pas qu’ils le voient.

مِضرابة الموت [la baston à mort]. Endroit isolé. Seuls. Dure une demi-heure, après on va ensemble à l’hosto. Clope. تخمِّس [tu me files une taffe].

 

[C060.jpg]

Q : et le sexe là-dedans :

Pas possible, même avec une pute. Ne veulent pas montrer à l’autre une telle faiblesse.

(أخلاق, حرم) [les moeurs, l’interdit]

T’aide à résister : غزيرة [غريزة, désir]. الحب [l’amour]

 

Samedi.

Alcool. Obnubilé.  Nashwan en forme !

→ pseudo rupture.

 

Abdu [al-sourihy probablement] : Raconte même histoires dans quartier.

 

À vérifier : مانع / مستقبل [récepteur / immunité ] → vocabulaire de la bio ?

 

CFEY. Mohammed Jazem, me parle de sa jeunesse à Taez.

Sorte de liberté des jeunes (différent de Sanaa, Qabili, مراقبة [surveillance]) ثنوية [lycée]

→ imagination. Contestation. Disparaît à [l’age] adulte.

 

Nashwan par Waddah : il a peur de ça, il n’a pas de personnalité.

Mais c’est que dans sa jeunesse, Nabil, Ziad, Ammar tous lui passaient dessus.

 

Après le passage à l’acte (du 5 au 15 octobre)

RQ : L’assèchement de la prise de note

Dans les jours qui suivent, après reprise des conversations antérieures au passage à l’acte, la prise de note s’assèche. Elle devient télégraphique (6 octobre) ou collective et cérémonielle (7 octobre). Puis elle s’interrompt complètement, sauf pour poser des interrogations existentielles fondamentales (8 et 11 octobre). À part ça, je ne produit plus d’observations. Je me contente de relire les pages antérieures (annotations en rouge), c’est-à-dire que je porte un nouveau regard sur mon propre regard. Mais il est inconcevable de produire de nouvelles observations. Quelque chose m’en empêche, comme une pudeur. Je ne reprendrai la plume qu’à mon retour à Taez (à partir du 15 octobre), essentiellement pour fixer ma confrontation avec Ziad.

06/10 : Morale de l’histoire, morale de la domination

Deux jours après le passage à l’acte, une morale s’impose : c’est sa peur et sa méfiance qui nous y a conduit.

[C061.jpg]

Le lundi 6 octobre

Histoires de Nashwan avec 2 femmes mariées.

Relations sexuelles hors quartier.

Sexualité construite socialement.

Comportement sexuel = niveau de représentation des relations sociales.

 [Tu es dangereux / tu es malin]انت خطير / انت ذكي

Révélateur.

Il y a ceux pour qui l’amour est la base fondement et la domination [est] du jeu.

Il y a ceux pour qui la domination est le fondement, et l’amour [est] du jeu.

Bien sûr, ça dépend face à qui on se trouve.

Discussion sérieuse avec وضاخ [Waddah]

Importance de l’argent.

Doute, peur (à cause du manque d’honnêteté généralisé).

 

Ceux qui réussissent, c’est ceux qui savent se comporter à la yéménite et à l’occidentale avec ceux qu’il faut.

=> important pour mon intégration : A priori ils ont tous pensé que j’étais [Zig-zag].

07/10 : Une mise à plat à trois

Statut de la prise de note

Ces notes sont probablement prises sur le coup, car je romps avec l’organisation habituelle (page de droite / page de gauche). L’écriture est plus rangée, comme pour un texte sur lequel on ne reviendra pas. Il y a plus de passages en arabe, et manifestement une partie s’effectue sous la dictée. Cette écriture participe de l’aspect cérémonial que Nashwan et Waddah, à l’évidence, veulent donner à cette discussion.

[C062.jpg]

نقاش الصدق [discussion franche]        Le 7 octobre au soir.

On achète encore du qat, eau, canada, clopes, bougies.

Nashwan prie, après les ablutions, dans la nuit de la cour.

Waddah va prier, après sa clope.

La 1ère consigne, rassemble les idées dans sa tête.

Je propose qu’on les exprime à fin d’information pour les autres, de convergence.

Intro de Neshwan.

Poser les choses avec logique et buts précis, explicites. الطرح [poser les choses]

[remède (?) → application] أداء ← ~ تطبيق

mais plus précis, question délimitée.

 

Pb des musulmans : [?constat → remède ??] طرح ← أداء  نشوان [Nashwan]

(conscience de soi) لازم أراقب نفسي [il faut surveiller son âme]

 

* Waddah est sorti prier. Il pleure, agenouillé et la tête au sol.

 

* J’assiste à leur prière en commun.

Je pense à ce qui peut s’approcher de ce qu’ils font, c’est donc de penser à moi dans l’univers, l’immensité. Au-delà, donc, des relations dans lesquelles je suis plongé.

Alors est-ce que l’Amour est la religion ?

Seulement si l’amour te sort de la relation, vers l’immensité

(sécurité) [Peu/illisible]

 

Ma position, parmi les 3. Ce que moi je joue dans cette discussion.

-Ma découverte du Yémen, un pacte avec l’islam (que je n’ai pas pu travailler avec Ziad).

اعتراف ديني [le reconnaissance de ma religion]

- Est-ce que en effet je ne connais pas le doute, et pas la peur, et est-ce que c’est lié à ce phénomène répété, que les gens que j’aiment se ferment.

- Est-ce que on peut parler de ma tristesse, quand j’ai perdu Wddah, de ma solitude dans l’univers. De la perte de mon père.

 

Préalables, discussion dans magasin de Nashwan.

Waddah a très besoin de parler. Discussion intense et forte compréhension entre Nashwan et Waddah, moi je suis largué. J’essaie de comprendre les concepts en relation avec les choses qui se sont passés, mais je manque la plupart.

 

- Waddah met en Nashwan un rôle primordial. Sentiment que la compréhension entre nous (et quand je me ferai musulman, ou lui Français) passe par Nashwan, et l’accord entre eux deux.
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-08-18T12:09:14.216541026'VP
NOTE: 'Dans ce contexte, Nashwan (avec son père socialiste, ses déboires relationnels et ses rêveries révolutionnaires) apparaît comme un médiateur, entre l’Orient et l’Occident. Il est soudain mis en valeur dans cette position, devant l’échec généralisé des hommes.']

 

- Je dis à Waddah que j’espère beaucoup de cette discussion de ce soir, bien que et parce que je n’y comprends rien pour l’instant : je sais que dans une discussion posée en ces termes, Waddah ne me laissera jamais tomber, parce que cette discussion engage sa responsabilité.

J’y gagne la confiance, c’est-à-dire ce que la زعامة [prétention au charisme] ne permet pas.

 

Le problème de Waddah tel qu’il l’a exposé :

Avec Mansour, j’ai connu l’amour, appliqué avec منطق.

Conclusion :

حب + منطق ← الشر

l’Amour + la Logique → le Mal

Moi à partir de là, j’ai connu الخوف

Et je pense que :

الخوف + الإمان ← الخير

La Peur + la Foi → le Bien

(à la croisée de deux chemins)

Touché, boulversé par ma conviction que الدين هو الحب [la religion, c’est l’amour]

(Comme disent les chrétiens, je dis) تسيب الحب فتسب الله [quand tu touches l’amour, tu touches Dieu]. (*)

Toi, Mansour, tu ne connais pas le doute الحيرة et la peur الخوف.

Et ألم, la douleur.

 

(*) → اشك من وجود الله [je doute de l’existence de Dieu]

Dans cette maison, il y a des Jinns. Tu penses et

 

Waddah me dit :

حديث قدسي : « يا بني أدم وعزتي وجلالي…

(حول سبب الخلق والرزق)

Hadith Qudsi «Oh fils d’Adam, Par ma puissance et par ma magnificence… (à propos de la cause de la Création et de la subsistance)

Référence au hadith suivant.

قَالَ رَسُولَ اللَّهِ صَلَّى اللهُ عَلَيْهِ وَسَلَّمَ : " إِنَّ الشَّيْطَانَ قَالَ: وَعِزَّتِكَ يَا رَبِّ لَا أَبْرَحُ أُغْوِي عِبَادَكَ مَا دَامَتْ أَرْوَاحُهُمْ فِي أَجْسَادِهِمْ، فَقَالَ الرَّبُّ تَبَارَكَ وَتَعَالَى: وَعِزَّتِي وَجَلَالِي لَا أَزَالُ أَغْفِرُ لَهُمْ مَا اسْتَغْفَرُونِي

Selon le prophète, paix et bénédiction soit sur lui, Satan a dit :

« Par Ta puissance, Seigneur, je ne cesserai d’égarer tes serviteurs tant que leur âme sera dans leur corps ».

Et le Seigneur gloire à lui a dit :

« Par Ma puissance et par Ma magnificence, je ne cesserai de leur pardonner tant qu’ils me demanderont pardon. »

Transcrivant ces pages aujourd’hui (en date du 18/8/2018), je réalise : Waddah et Nashwan avaient déjà préparé leur défense. Une défense bien plus économique que la mienne, qui s’étale à longueur de pages. Ils ont su pourtant que leur défense devait s’écrire dans les pages de ce carnet.

Je joue le jeu moi-aussi, énonçant ici en arabe ma propre philosophie, sous leurs yeux, ou bien exprimant ma propre compréhension des concepts qu’ils invoquent (la repentance). Une sorte de négociation par catéchismes interposés, qui trouve rapidement ses limites.

 

[C063.jpg] الطوبة [la repentance]

Première étape, prendre conscience de chaque القضية [cause] pour chacun de nous.

-Discussion intéressante ssi [si et seulement si] chacun vient avec sa propre cause قضية, et pas discute par compassion.

-Permet de mieux comprendre le mot de l’autre, et d’avancer, car en vrai, ces قضايات [causes] et la place qu’y tient chacun de nous est lié.

 

Discussion avec Nashwan. كمال.

كلمات الدين = ادوات انسانية نستخدمها من أجل أن نبحث ونكتشف ونرحل في الكمال. من دين إلى الأخر, الكلمات الموجودة, التي متعالق بالكمال, يختلفون.

La Totalité.

Les mots de la religion = des instruments humains que nous utilisons pour chercher, découvrir et voyager dans la Totalité. D’une religion à l’autre, les mots présents, qui sont liés à la Totalité, diffèrent.

J’émet l’idée que notre discussion ne doit pas chercher à négocier avec la douleur que ressent Waddah, ne pas polémiquer pour chercher ce qui vraiment était haram, ou pas, des excuses.

 

08/10 : Un certain « Zandani »…

Le mercredi 8 novembre [octobre] au soir.

Je me suis remis à cette même place pour écrire, cette place où j’ai senti ce midi que je regardais enfin le gouffre, ce secret dans lequel je n’avais jusqu’à présent jamais songé à m’aventurer.

Ce matin, Waddah a parlé de moi à un ami proche, employé dans sa banque. Il me propose de rencontre le cheikh Zandani.

Parler avec ce Sheikh Zandani, c’est ouvrir pour la première fois à la discussion ce qui fait ma personne.

 

11/10 : Une fugace remise en question

Le 11 novembre [octobre]

Engueulade avec Waddah. Y’a un problème en effet : je ne me rends pas compte que les autres se font du soucis quand je me fais avoir - enfin ceux qui ne sont pas comme ça. Source d’inquiétude et de tension.

 

Dernier passage à Taez

[C064.jpg]

Waddah et moi passons quelques jours à Aden, avant que de revenir ensemble à Taez.

Je ferai pour ma part une escale à Al-Shuwayfa, le village de Ziad.

Sur une page encore blanche, je pose ce qu’il me restera à faire lors de mon passage à Taez.

Le 13 octobre.

Programme, à faire cette semaine.

-Demander à Na’if l’histoire de sa jeunesse. Préciser son rapport aux mauvais garçons.

-questionnaire pour les jeunes.

 

15/10, discussion à Shuwayfa

[suite C064]

Le jeudi 15 octobre. Soir.

Arrivée à Shuwayfa vers 2h, avec mon qat, je fais la surprise à Ziad. Très bien habillé, costard chemise, propre sur lui. Je suis accueilli avec beaucoup d’exclamations. Tu m’as manqué… pourquoi t’as pas appelé. Moi je lui dis que je l’ai oublié, et je suis revenu pour refaire connaissance avec lui.

Demande des nouvelles sur mon voyage…

Je lui explique les découvertes dans mon rapport à la religion, mais la discussion l’embarasse. Il dit : « l’important, c’est que si tu cherches le vrai, tu le trouveras inchallah. » moi je lui dis franchement qu’il imagine depuis le début que je fais semblant sur cette question, mais c’est pas vrai. Puis : « Je suis pas venu ici pour parler religion, l’important c’est qu’on arrive au point où on comprend le point de désaccord, et je peux le poser en une phrase : je ne suis pas d’accord que la religion est une loi, ou pas seulement. Peut-être constitution, à la rigueur. Mais si tu t’imagines ça, tu rates le plus important.
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-08-18T13:53:09.385813580'VP
NOTE: 'Évidemment, au moment où je prononce cette cette « théologie spontanée », je n’ai aucune conscience de son histoire, de ce qu’elle a de spécifiquement chrétienne, au personnage de Saint Paul. Le rejet de la Loi, j’ai l’impression d’avoir trouvé ça tout seul…']

On parle de sa situation. Me demande franchement 200 ou 300$ pour qu’il se marie. Je refuse d’abord indirectement, puis il insiste, donc franchement. Au passage je lui parle en général de cette société yéménite où tout le monde tient tout le monde en joue par l’argent, et les relations de dépendance. Tu donnes assez pour qu’ils ne dépendent pas de quelqu’un d’autre, pas assez pour qu’ils se libèrent de cette dépendance. Ex : Waddah avec son oncle.

 

Je lui parle de la progression dans la vie, vers plus de sagesse, plus de confiance de soi ; (c’est aussi progression spirituelle.  progression dans la religion, c’est pas 0 ou 1.)

pour qu’il change d’environnement.

Mon rejet de la loi, ma perception de la religiosité musulmane comme binaire et rigide : ce que j’affirme ici est absolument transparent et prévisible de la part d’un « chrétien ». D’où la gêne de Ziad, qui préfère parler de sciences sociales, plutôt que de me confronter frontalement à mon égarement. Car je ne m’identifie pas moi-même comme chrétien, je ne réalise pas à l’époque à quel point cette position est surdéterminée par le christianisme, et rien ne m’y obligera avant longtemps. Pour autant, je ne suis pas dupe du silence de Ziad : je sais qu’il joue, qu’il cherche à me dominer sur le plan spirituel. C’est pourquoi j’insiste pour affirmer ma propre conception de la religion, fondée essentiellement sur une spiritualité d’ordre intellectuel. Par le défi qu’elle constitue pour Ziad, mon enquête lui offre une perspective d’épanouissement spirituelle, dont j’espère qu’elle pourra « l’enrichir ». C’est une posture que j’assume, sans me douter le moins du monde des conséquences pour Ziad de la fidélité ce pacte.

Notamment parce que je ne sais pas encore que je vais perdre la mémoire, que je m’apprête à subir une lobotomisation, du fait même du passage à l’écriture. Je ne sais pas encore que dans ce basculement - rupture avec Nabil et alliance avec Waddah - qui ouvre la voie à l’écriture, je me suis en quelque sorte déjà perdu. De sorte que je ne serai plus capable l’année suivante

Je me suis perdu sous son regard, par amour pour lui, une sorte d’amour spirituel - afin que le Père soit révélé par l’action du Fils (Mathieu 11:25)

Résumé de la recherche

→ « plus de pb éthique. C’est mon histoire aussi maintenant. Ça me donne le droit d’écrire ce que je veux.
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-08-18T13:56:15.866339629'VP
NOTE: 'Effet de l’alliance avec Waddah, alliance avec une humanité yéménite totalement décrédibilisée, qui me dédouane de toute obligation. Je touche à la sainteté…']

Jeunes. Situation en délinquents sur le retour. Restent dans ces histoires de Ca’id, ce n’est pas juste un reste. ∃ utilité. Fonction sociale.

0 : Effet du vide. Occupe leur esprit.

1 : fonction symbolique : image d’eux-mêmes plus gratifiante que celle que leur offrent les parvenus (→ me dit : mais eux ne sont pas les nâgihîn ceux qui ont réussi, voleurs.)

Une seule main. Club Mamlaka Le "royaume", nom de la pièce de Ziad, on discute philo, le français, le Mossad…

2 : Fonction économique : Nassab le "relationnel" faute de mieux. Permet d’attraper quelques opportunités, comme le Français qui passe. À l’image des couches sup.

→ je parle des jeunes en général, s’applique à Ziad.

 

Ziad s’intéresse. Veut connaître la solution pour que les jeunes aient l’esprit de responsabilité. Pessimiste sur Nashwan (il finira par laisser tomber le boulot cette fois encore).

 

Conclus en parlant de la corruption : certains jeunes ont des mœurs corrompus.

Au dîner je parle de ma question morale : est-ce possible d’aimer qqn en qui on n’a pas confiance ? Je continue: Oui si on arrive à comprendre dans quelle mesure la personne est faux-jeton → selon les domaines, édifier des limites.

Par exemple Ammar…

« Oui, Ammar, Ziad… », il dit.
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-08-18T13:58:36.785972707'VP
NOTE: 'Le pauvre Ziad, il ne sait pas ce qui lui tombe dessus…']

 

Me propose d’aller acheter du qat, pour qater ce soir : il veut connaître les résultats de la recherche.

[C065.jpg]

En chemin [vers le souk], j’en viens à évoquer le problème avec Nabil.

[Ziad me dit:] « Oui, je l’ai appelé parce que j’ai pensé que c’était la meilleure solution ».

[Je rétorque:] Non. Je ne sais pas pourquoi précisément, mais j’interprète que tu t’es laissé aller à continuer le petit jeu de compétition entre nous, tu es allé trop loin, sans responsabilité. [Tu] as mis en danger ma santé, mon honneur. Un type saoul, armé, qui veut me niquer, les mecs du quartier ça les effraie pas plus que ça, mais moi je suis pas habitué.

Depuis ce moment là, pas question de continuer de jouer avec toi. Je te permettrai pas que tu me chasses du quartier, que tu fasses courir des rumeurs, que tu manipules les gens derrière mon dos. Je ne suis pas revenu pour reprendre le jeu.

D’ailleurs, la logique voudrait que je ne revienne pas. Mais je me sens obligé d’être franc, bien que je sache que tu serais capable d’utiliser ce que je te dis pour faire un nouveau coup. Mais je ne veux pas garder de toi une image mauvaise. Je sais que tu as un bon fond, je veux juste en faire l’expérience avant de partir.

(Ziad a renoncé au qat, on revient).

« Bon, tu reviendras en France comme tu es venu, un enfant. Sans virilité. » Je reviendrai avec mes mœurs. J’ai de la virilité, ça ne me fait pas vouloir enculer tout le monde. « Qui t’a dit…(que la virilité c’était enculer…) ». Surpris.

Moi je m’en fous de te contrôler, ou de te comprendre, de saisir ton intimité. Je demande juste du respect et de la reconnaissance.

Me demande quand je reviens à Taez. Je dis a priori demain, je sais pas à quel heure. Mais veut que je parte maintenant. انت مزعج [tu es agaçant].

 

Mais ne me chasse pas précipitamment, s’assoit pour continuer la discussion. Je compense un peu, je dis que je sais que les intérêts n’ont pas été la raison principale, bons moments, … + je sais que tu pries avec sincérité.

[Ziad dit:] Je te laisse terminer ta recherche en paix. Ça ne sert à rien qu’on reste ensemble. Le degré de compréhension entre nous est devenu 0 %, pas d’intérêt dans la discussion.

[Je réponds:] « Je suis pas d’accord. Même là, on n’est pas d’accord mais on discute. »

[Ziad poursuit:] L’important, c’est que tu as profité de ton séjour pour faire une bonne recherche. On te souhaite le succès dans cette recherche.

[Je réponds:] « Et moi je te souhaite le succès النجاح , complet ! Mais tu trouveras une situation, tu es adapté à l’environnement… ».

On prend le sac. Si 0 %, ça n’a jamais été que ça, c’est juste qu’on ne savait pas. Et s’il y a manque de compréhension, c’est justement là que ça sert de discuter. La différence !

[Il répond:] « Mais pas possible d’être ami avec un type qui doute, qui a peur que je complote, enlèvement etc.… ». Moi je ne doute de rien, je sais juste ce qui s’est passé entre nous, sans aucun doute. Je sais que ça ne représente pas Ziad complètement.

S’adoucit peu à peu, pendant qu’on attend le taxi. L’important, reste avec les jeunes, Nashwan, Ammar, des types bien.

Moi je dis : « je reviendrai dans 1 an, je te convaincrai que la discussion entre nous est douce. »

- Mais moi je ne veux pas voir ta photo.

- « Et même pas que je voie la tienne ! C’est violent ! »

- Et ce que tu me dis, c’est pas violent ?

- « C’est vrai. »

 

On s’embrasse, je le serre par les épaules. Et lui dis : « tu as dit que tu veux me faire un cadeau. Si tu veux toujours, donne moi le keffieh. « Quand est-ce que tu montes à San’a ». 3 jours. On se voit avant que tu partes.

 

[C066.jpg]

Bref, discussion relativement calme, pas de violence (mais ça a toujours été comme ça, c’est Waddah qui est différent).

Doute, tendresse à la fin.

 

« Et pourtant je t’aime maintenant, mais comme être humain, pas comme l’étoile que je voyais au début. Et c’est peut-être ça qui a causé le problème. »
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-08-18T14:05:41.255537378'VP
NOTE: 'Je suis d’une grande lucidité en fait !']

Il rit. On continue…

« Ou peut être c’est toi qui te prend pour une étoile. ». Moi je voulais être محاسب comptable, je suis  محاسب بلا عمل comptable au chômage. Ironie [? illisible].

 

Avant. Rappelle une phrase. « C’est ça, hein, les israéliens sont pourris (? illisible) par ce qu’ils ont vécu avant…

 

On voit ici à quel point, à ce stade, je cherche surtout à mettre en récit, pour retomber sur mes pattes, plus vraiment capable d’écouter quoi que ce soit.

Idée d’intro. Derrière cette étude, il y a une amitié entre deux individus… C’ets l’histoire d’un Français venu au Yémen avec l’obsession un peu infantile de s’attacher au Yémen, coute que coute. Il rencontre Amine, un yéménite fraichement diplômé, personnage ambitieux et complexe qui se prend d’affection pour le Français.

Amine est dans une phase de transition dans sa vie, il aspire à un « nouveau départ », et le Fraçnais est l’occasion rêvée pour se prouver qu’il n’est plus le même. Amine tient tellement au Français qu’il s’aventure à se présenter sous son plus beau jour, comme s’il repérsentait une sorte d’expérience test, qui déciderait de son avenir.

Situation confortable pour l’ethnologue, mais intenable affectivement.

Hausse développement sentiment de dépendance.

Lorsque je commence à vouloir prendre mon indépendance de lui, Ziad met en branle tout son savoir faire pour me ramener dans son giron. L’affaire devient une affaire de quartier…

 

[C067.jpg]

Discussion avec Tahir (je lui raconte la soirée).

RQ :

سلح – عصابة – ابن سوق (très malin) الوساطة :  Voca

صحوة الضمير Rédemption

ذكي=خطير

// Malin. Mas nous on a oublié la notion péjorative.

 

Depuis 10 ans, hausse importance des études. Sans diplôme, tu es rien.

Depuis 10 ans, retour des Saoudiens, les familles perdent le contôle des garçons. Trainent dehors, qatent, shamma شمعة [شمة]. Avant les mères menaçaient d’appeler le père, ça suffisait. Mais maintenant, baisse autorité du père. (remarqué au village).

 

+ on ne vit plus avec 10 000 par mois.

 

Rq a remarqué chez Ziad : sans gêne قلة الحياء

اللوطي يعرب المخنوث

Le sodomite baise l’enculé

équivalence symbolique et sémantique يعرب – يعرط [baiser – arnaquer]

une pute, même la salive est à elle qui sert comme lubrifiant.

 قحبة اريقها منها

 

Beaucoup de gens qui voivent, sont en fait bons au fond.

Cachets via Mokha, d’éthiopie ou de Saoudie.

 

On voit ici que Taher est complice, il apporte son propre grain de sel. D’ailleurs Waddah passe une nuit à l’appartement avec moi, nous ne nous cachons pas. La complicité avec Taher perdure par dessus ce dénouement, qui se produit quasiment sous ses yeux.

Chronologie dernières semaines

Ayant repris la prise de note à Taez, je tente de fixer quand même l’essentiel de la chronologie des deux semaines passées.

[C068.jpg]

Notes sur les deux dernières semaines.

 

Mercredi 1er octobre.

Monte à Sanaa. Voit Houda.

Discu avec Nashwan dans le bus. Baisse de pression.

 

Jeudi 2

Rencontre Waddah. Qat à bait el-Bahr, lui raconte l’histoire. On dort chez Walid à 7 [Walid al-muwakhkhish, un ami à Sanaa].

 

Vendredi 3.

Pas de prière. Papote devant bouffia. [achat] jambiyya puis qat chez un type du quartier. Enervé par le portier et le chauffeur. Me raconte ses problèmes de voiture de Aissa.

Discu sur les amitiés chez Julien.

 

Samedi 4.

Boit le matin (trouve les bouteilles).

Broast sur Zubayri, puis nashwan devant magasin. On se quitte et il est en colère, mais ne le prends pas au sérieux. Vois Abd [Al-Sourihi]

 

Dimanche 5.

Travaille le matin. Finalement W nous rejoint chez Nashwan. Tendu. Je comprends qu’en effet je suis froid et distant. Chez Julien avec W et N. Boit, malade, insultes. Mieux au petit matin.

 

Lundi 6.

On sort tous les trois. Fiers. Euphorie.

Chez N, l’ambiance retombe.

On va au ميثاق ensemble [quartier du Plan, où se situe la Maison al-Bahr].

W : posture stable et distante. Soirée chez Julien.

 

Mardi 7.

Je retrouve W chez Nashwan. W perplexe.

حب + منطق ← شر l’Amour + la Logique → le Mal

حب + خوف الله ← خير  Amour + peur de Dieu → le Bien

Veut qu’on en parle à 3. Prière. Reste seul finalement.

Nuit dans le mafraj. Je réalise lien avec responsabilité / autorité du père.

 

Mercredi 8.

W revient excité. Veut que je rencontre Zindani. Gros moment de doute. Je plonge ou je plonge pas. Qat chez Aissa. On est d’accord, mais les copains lui disent que je suis شيطان. [un diable]

Prière de l’استغفرة [consultation]. Papa.

[Waddah fait la prière de l’istighfara, qui m’impressionne beaucoup. Je m’effondre nerveusement, et j’ai une vision dans laquelle Waddah s’identifie soudain à mon père.]

 

Jeudi 9.

Voit Omar et Nashwan dans magasin.

Qat chez Julien avec Nashwan et Waddah. Discu sur Ziad & co. Waddah tape 1 crise.

 

Vendredi 10.

On part à Aden W et moi. Arrivée hotel à ~4h. Engueulade que lui est responsable de moi. Père de Khaldoun meurt à 04h.

 

Samedi 11.

Hôtel dans Crater, bain sur plage noire. Qat à l’hôtel. Grosse engueulade. Me parle de Shi’ab. Stress. Copain qui l’a détruit. Sort club, fermé, revient. Engueulade alcool.

 

Dimanche 12.

Qate au dessus des citernes. Peur des Jinns. Descente de nuit. Va chercher de l’alcool au port.

 

Lundi 13.

Part pour el-Askar الجند ? Retour Taez le soir. Tahir + Sardahi.

 

Mardi 14.

Bait el-Mout. Heureux de revoir Khaldoun, on discute beaucoup.

 

Mercredi 15.

Qat à Shu’ayfa. Règle les comptes avec Ziad.

 

Jeudi 16.

Chez Parents de W, près chez Fahmi.

 

18/10 Thèmes des dynamiques de la jalousie

Je colle une discussion eue à Sanaa avec Nashan et Waddah, que je commente.

Discussion du Jeudi 9 octobre (Notes petit carnet)

[C069.jpg et C070.jpg]

Discussion de jeudi 9. Nashwan & Waddah

 

(Salue walid pour moi) Z > W.

(avant 2 ans) يد وحيدة « ça vient de lui »

Violence, seule qui sert ?

Wa’il. Ambition, mais au fond a peur.

Me regardaient comme regardaient Ziad.

C’est eux qui ont peur, moi qui suis courageux.

Semer la zizanie entre Wa’il et Abdallah.

Ammar+ Walid les utilise.

هو أخونا الكبير

 

Quand je trainais dans le quartier, Walid el-Boulis commençait à gagner le quartier.

Quartier gros pers / Tt Taez.

Clé du magasin de N. Donne à Waddah.

Si je restais à Taez.

Mohammed Faysal son bras droit.

Quand se rapproche de W., le frappe, le chasse.

Ziad sait que

N. vrai copain de Ziad, sera avec lui

(bagarre entre Abd et Z

après, pas un seul ne s’était opposé à Ziad

W voulait auss[illisible].

(Fahd et Wa’il avaient influencés Abd pour ça).

 

Z dit à tt le monde qu’il veut taper Abd.

vas-y. كبرياء

puis Abd demande qu’on lasise les jambiyya.

Z dit OK.

 

Les mecs du quartier voulaient calmer Z, « il est fou » et demandent à W d’arrêter Z.

Abd dit Z  [illisible]

avaient tapé A mon frère Abd.

 

(Z faisait des haltères.

A sort pistolet.

W prend Z.

-

Wa’il avant see[illisible] entre Abd et Z.

(Z l’avait déjà tapé lui et Fahd).

Abd fou.

 

Ensuite, utilisent

Ali frère de Z.

يعادل زياد  mais peureux

Ne restait que Waddah qui maîtrise [illisible] Z

 

Arme, bagarre [illisible] perd confiance.

تردوني بيت جدي

(passe son temps à qater, travaille pas…)

Mais W faible, car loin du quartiers.

W et Z, se sentent forts.

Qd on est monté [illisible] ne après ma descente.

« il est généreux avec moi »

sert [illisible] de l’aider.

 

زياد عمل عندهم…

Avant, on ne pensait qu’à la force.

Menait, a appris à compter avec les gens éduqués.

 

Din : les gens ne le croiront jamais, pas avant 5 ans.

شيء معلق بزياد

الاقتراب إليه ممنوع

Ziad : « Il a peut être aidé » à Ammar et Nabil


[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-08-19T08:05:48.317361709'VP
NOTE: 'Quelle trivialité ces discussions… J’avais oublié… Qu’est-ce que je suis allé me passionner pour ces histoires ? Ziad quelque part n’en a jamais décollé. Sans la problématique de ma propre virilité, ce serait complètement inintéressant.'
NOTE: ''
NOTE: 'Il y a quelque chose de complètement fou, de me croire dans le même monde qu’eux, une folie  qui doit être assumée.']

 

Réflexions

[C071.jpg]

Le samedi soir

Penser à la jalousie (→ de moi aussi) (comme m’a dit Ziad aujourd’hui). Sphère d’influence.

Face ext :

 Wa’il

 Moncef (sert la main, me parle de Ziad, mais jamais au Mamlaka

 Nasser   "    "  → regard ironique sur mon amitié avec Ziad.

 

Ali. Prestance. « je l’ai compris tt de suite ». « général » à Hodeida.

+ avoir confiance en la connaissance que j’ai d’eux.

 

≠ Mohammed Faysal, qui ne pense qu’à se bagarrer et pas au Français.

 

≠ étudiants. Surs d’eux. Pas besoin du Français.

 

Demander à Waddah les boulots qu’ils ont fait.

 

 

 

19/10 Ziad parle des gens

[C072.jpg]

Discussion de Dimanche soir avec Ziad.

(je reviens de chez Na’if, difficile de m’arracher à mes copains, j’ai un peu le cafard, mais Ziad est dynamique, pour la première fois, il prend les choses à coeur).
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-08-19T08:31:45.699745240'VP
NOTE: 'Parce qu’il a compris ce qui s’est passé avec Waddah. Je ne saurais dire pourquoi, mais c’est lié.']

 

L’important « Que Dieu vous excuse ». Dis le.

 يسامحكم الله  Je le dis.

 

Discussion sur l’amour.

t’invite à sortir de toi. L’autre, la différence, الكون [l’univers]

Moi : peut-être le plus beau, c’est d’aimer l’autre comme un tableau, en se refusant d’utiliser le fait qu’on est tous dépendants les uns les autres…
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-08-19T08:24:03.316484708'VP
NOTE: 'j’exprime ici la position rigoureusement inverse de celle que j’ai acquise dans cette historie, au fil des années : sans conscience de la dépendance réciproque, l’amour n’a pas de sens. Peut-être je n’étais pas capable de la concevoir à l’époque.']

Moi : vertus des adieux, on met au clair les relations.

entre frères, amour/haine.
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-08-19T08:26:07.526672651'VP
NOTE: 'Cf Jeanne Favret-Saada sur la segmentarité en Kabylie et les relations entre frères…']

J’ai réalisé que je ne peux comprendre en étant parti (prenante)

 

Après Abdallah part. Pour la première fois on est seuls avec Ziad et je le sens sincère.
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-08-19T08:27:43.255614066'VP
NOTE: 'Oui, je crois qu’il y avait toujours chez lui un malaise, une retenue, quand nous étions seuls. Comme s’il y avait un malentendu entre nous, dont il ne pouvait faire abstraction. Mais après mon alliance avec Waddah, le malentendu a disparu (c’est ça qui a changé ce jour-là : il a compris ce qui s’est passé). Nous sommes en communion.'
NOTE: 'C’est là qu’est la naissance de notre relation ultérieure, à l’épreuve du temps et de la distance.']

 

Nashwan : pas de confian stabilité de vue. Se dit indép, j’ai ma vision propre…
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-08-19T08:35:43.746875212'VP
NOTE: 'Tu m’étonnes ! C’est exactement Nashwan :'
NOTE: 'personnage qui incarne la bêtise rationaliste jusqu’à la bouffonnerie, en décalage complet avec la société. Et pourtant il m’est utile, sincèrement. Au fond j’ai adopté la même posture, pendant plusieurs années. Confusément, j’ai tenté d’être en relation en devenant comme Nashwan - sauf que je ne suis pas de ce quartier, ni natif ni captif.'
NOTE: 'Nashwan me renvoie ma propre image, une image de l’égarement occidental.']
puis répète ce que dit Ziad.

Balancement // Boufia Mamlaka (Bassam)

Ceux qui disent dedans on est tous frères, dehors tous des ratés, sans ambition. Se démarquer, se prouver à soi-même.
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-08-19T09:28:39.890724882'VP
NOTE: 'Reproche qui causera représailles symboliques contre Bessam dix ans plus tard en 2013.']

 

Walid : catastrophe. Se comporte mal avec les gens. Provoque la violence, ce qui l’enfonce. Ziad n’espère plus rien de lui, ne pense qu’à voir son pote Mohammed, se ment à lui-même, qu’il n’attache d’importance qu’à lui-même. Et en retour, violence (moi). Pas de remise en question, pas envie d’avancer.

je lui dis avec solennité : Ia Ziad, il faut que tu te considères responsable, même si tu l’es pas au fond. Si tu ne le fais pas changer, qui le fera ?
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-08-19T09:35:27.928197146'VP
NOTE: 'Remarque étrangement déconnectée des réalités, mais révélatrice d’une posture partagée.']

 

Me dit raison : sa mère, trop gâté, maintenant on ne peut rien en faire. Waddah ≠, y’a eu un moment où il se comportait très mal, son père l’a fait emprisonner, chassé de la maison. Walid aussi, avant 3 mois, son père voulait l’emprisonner parce qu’il qate trop.

Waddah, il a du bon en lui, il s’est décidé à partir à S. Moi je l’encourage à étudier, mais il ne m’écoute pas. A échoué à l’université.

Je lui parle de mon projet de lui proposer de payer l’Université. C’est lui qui en a besoin, est coincé aussi à son niveau et souffre. Coincé niveau banque, coincé niveau famille. A besoin d’un domaine pour faire ses preuves.

Comme tous les shebabs du quartier. C’est ce qui manque.

 

Ziad : le Pb du quartier en général, c’est qu’il n’y a pas d’amour. Tout le monde utilise pour ses intérêts. Ils sont tous persuadés que tu es mon عرطة. Ils n’ont rien compris, hein ?! Même, ici, ils s’assoient par intérêt.

Moi : c’est l’infisad [corruption passive]. Non pas que ils imitent les grands, mais le système fait que les bonnes places ne reviennent pas au plus méritants. Pas de valorisation du travail bien fait. → n’invite pas les jeunes à la rigueur. (il approuve).
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-08-19T09:43:05.215164205'VP
NOTE: 'Je lui fais valider ma théorie. Souvent comme ça, je m’écoute parler…']

[C073.jpg]

Même balancement chez toi, entre le côté clair et le côté obscure. Mais toi tu n’entends pas les critiques des autres, sur le côté obscur !

Tout le monde veut s’imaginer les choses plus belles qu’elles ne sont, souhaitent qu’elles le soient, mais quand il s’agit de régler un pb, ils savent que la réalité n’est pas telle modèle.

Toi tu fais comme si tu n’étais que le côté clair, il faut que tu sois responsable aussi de tes défauts.

« Mais c’est une honte (islam) d’exposer ses péchés ». Ok, mais en toi tu dois les porter. Tu sais bien que toi aussi tu utilises les intérêts des autres dans ton comportement quotidien, tu collabores avec ce côté obscur.
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-08-19T09:52:09.557476561'VP
NOTE: 'Ce que j’appelle « côté obscur » n’est autre que l’islam. J’ignore tout un pan de vérité, un continent englouti.'
NOTE: 'Dialogue à analyser, entre épistémologie et théologie.'
NOTE: ''
NOTE: 'Certes, on dirait que je parle tout seul, ça m’a toujours fait honte à la lecture de ces notes. Mais il y a un vrai dialogue derrière en réalité. Il faut se figurer que Ziad est un roc, même si je suis incapable de verbaliser ses positions. Mes rationalisations n’ont de valeur que dans la mesure où elles s’attaquent à ce roc, le sucent comme les vagues.']

(Reconnaissance de l’autre, accusations, son jugement. Voilà l’opposé de la corruption).

 

Ziad : Moi j’ai étudié, vécu avec 20 rials par jour pour finir mes études. J’en suis sorti. (il a fait ses preuves).

« Oui, tu es + fort. Mais tous voudraient. »

 

Moi : tu sais ce qui m’a toujours retenu, fait croire en toi, même quand je considérais que tu fonctionnais mal sur toute la line, ce qui était + gd, c’est ta volonté, la force avec laquelle tu appliques ce que tu as décidé. Force exceptionnelle.

Je lui dis : « Prends soin de ton avenir. Mets  toi en demeure de trouver un boulot, de trouver une femme. Parce que tu mérites d’être heureux et épanoui.

Je lui dis : « Tu feras attention à Waddah. Je lui explique qu’il est à un moment critique. M’encourage dans mon projet de l’aider $.

 

Lui me dit : Fais attention de ne pas perdre Maria. C’est un joyau. C’est forcément un joyau, y’a que des joyaux qui aiment Mansour, hein ?

 

Tu as pas vu ma relation avec Oussama. Harmonie, complémentarité. (depuis 3 ans). Pas de compétition.

« Oui mais il est sur un autre niveau. Il est Shérif ! »

 

Et ma relation avec Fuwwaz ?

[Moi:]« Complicité d’Université, complicité académique ».

[Ziad:]Non, plus que ça, d’avant. De l’époque où on se je me battait dans le quartier.

[Ziad je pense:]« oui, mais c’est un type qui ne prends pas les gens en entier, il prend ce qu’il trouve bon à prendre, laisse le reste. »

Comme toi !

« Non. Peut-être… ».

 

[C074.jpg]

Au début de la conv.

Inchallah on se retrouvera dans d’autres circonstances, où on saura trouver l’amour, l’exprimer.

L’amour ce n’est pas de l’expression, ce n’est pas des phrases « je t’aime » que l’on dit devant les gens dans un Diwan. C’est un sentiment intime.

 

Conv sur l’amour, le deuil à la fin d’une relation, (se convaincre qu’on avait tort).

Comme on blesse.

Moi : comme tableau → stabilité.

« Oui, mais le + beau c’est la stabilité où tu vis les choses jusqu’au bout, tu ne reviens pas en arrière. »

 ça fait partie de la stabilité de savoir quand il faut se retirer pour garder sa stabilité.

« Mais c’est ma, quand tu reviens en arrière non [illisible?vérifier] pas parce que c’est utile… »

 

Vrai, c’est ça qui blesse. [petit dessin éloquent : deux flèches qui convergent, puis l’une diverge et laisse l’autre toute seule]
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-08-19T10:11:40.966802979'VP
NOTE: 'J’ai du mal ici à dire qui dit quoi. De toute façon c’est moi qui écris, et par ailleurs j’ai noté mon point de départ (valorisation de l’amour esthétique, du tableau).'
NOTE: 'À cet instant, Ziad m’initie, me fait toucher brièvement une conception islamique de l’amour en Dieu. Amour qui ne se limite pas à de la bienveillance, mais qui passe par la présence à l’autre.'
NOTE: 'Déjà à travers cette prise de note, je prête comme un serment de ne pas me retirer, de ne pas le blesser. Le lien indéfectible est posé.']

 

Enfin, ce soir, pour la première fois je le perçois comme homme, responsable. C’est qu’il m’offre à voir sa conscience, avec ses doutes (→ parce qu’il écoute ce que je dis) et ses certitudes (parce qu’il les exprime).
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-08-19T10:26:38.565782088'VP
NOTE: 'À contraster avec déclaration « aveugle » des premiers jours, dimanche 17 août (je crois).']

 

Me dit en sortant : tu sais que moi j’ai vécu dans toutes les classes. Avec les jeunes, avec les étudiants, avec les responsables.

 Je lui dis j’ai fait l’expérience de cette faculté, tu t’es comporté avec moi comme Mas’oulin.

[il dit] « Non. ». Mais j’ai l’impression que ma remarque le fait réfléchir.

 

Me dit un peu avant, « Avec toi je n’ai pas beaucoup essayé, je ne me suis pas accroché ».
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-08-19T10:29:56.891487345'VP
NOTE: 'Ce méa culpa n’est possible qu’après l’alliance avec Waddah. '
NOTE: 'Même si je ne perçois pas l’origine du déclic, manifestement : j’ai l’impression d’avoir toujours été moi-même, avant et après Waddah. Et cette fidélité à moi-même est une chose dont Ziad va témoigner à son tour. Car derrière ce passage à l’acte, Ziad voit le don, le témoignage. Celui qui lui était auparavant destiné, et qu’il n’a pas su recevoir, à cause de la peur. Ziad voit enfin ma vérité : à la fois celle que je porte, et celle dont il témoignera dorénavant, parce qu’il me sait incapable de la dire seul.'
NOTE: '']

[C075.jpg] (Je saute des tonnes de lignes… J’ai le sentiment que ces lignes valent leur pesant d’or, manifestement…)

Parle de son frère Yazid : aime travailler, pépère, mais dépense, ne place pas intelligement. Proprio de la bouffia. Mais ne grandit pas. Et est persuadé qu’il a raison.
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-08-19T10:44:20.601422514'VP
NOTE: 'Oh que oui, il en est persuadé… Et l’avenir lui donnera raison !']

Moi je dis qu’il a l’air d’être heureux comme ça, mais Ziad n’est pas satisfait de lui.

 

On parle de son père. Dur de voir son père malade. Veut l’aider.

Moi : le sentiment de responsabilité commence dans la responsabilité face au père. Et devant Dieu par suite.

 

Beaucoup de mots tendres, ou plutôt marques de considération.

« انت الأجمال » ["Tu es le plus beau"]

T’as été très courageux. Tu t’es accroché malgré la peur, le malaise… Très courageux.

 

Bon, le mieux c’est pas de lettres, pas de téléphone, juste des دعوات [invocations], on porte de l’importance à ce qui arrive à l’autre.

 

[C076.jpg]

A part ça, discussion ces derniers jours :

Ce midi : blagues sur plein de merde, Abu Walad à l’intérieur [biscuit industriel de fabrication yéménite, genre BN]

 

"إني احبك كثيرا يا منصور"

"بصدق؟"

"بصدق."

"فجعلتَني قرد مدرّب, وجعلتُك قلب مدرِّب"

Assez acide !

["Je t’aime beaucoup Mansour." "Pour de vrai?" "Pour de vrai." "Alors tu as fait de moi un singe dressé, et je t’ai fait un coeur de dresseur"]

 

Hier, me redemande tout ce que je lui ai déjà dit, devant les autres, son frère et son cousin رائد.

Responsabilité. Excuses. Considération. Yeux dans les yeux. Reconnaissance.

 

M’emmerde avec cette histoire de photo. Finalement me dit ce soir.

Je te donnerai une photo, خلاص. L’affaire est close.

 

J’ai le sentiment qu’on est arrivés à un point d’équilibre, entre hommes, produit d’une considération mutuelle remarquable, donc respect, et amour qabili.

Pourquoi ?

Je lui ai prouvé par mon attachement que je tiens à lui, s’est offert le luxe de me répondre et d’être beau. Impressionné par moi aussi.

 

Précisions trajectoire - niveau d’étude

Précisions obtenues probablement auprès de Waddah ou Nashwan.

[C077.jpg]

père escroc. Prend ce qui n’est pas à lui.

يشارع

Pb avec le gd père. Disait « mon oncle ». Prison.

Lui a donné l’argent, terre, femme.
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-08-19T11:34:42.266157132'VP
NOTE: 'Ça c’est le point de vue de Waddah probablement.']

[Gd père] → mort en priant. [Dessin sourire] Commerce du qat à Aden. Sheikh العروق وقف

 

Yazid 24 ans.

Ziad 26-25 ans.  Thanaouya. 1 ans rien (→ 4 mois au service, fuit), 7 mois sciences, puis محاسبة [compatabilité].

Nabil 29 ans.  → travaille tôt à la biladiyya.

Nabil : marié vers 20-21 ans. طلاق [divorce] il y a ~4 ans. Remarié il y a 2 ans.

 

Abdallah 23 depuis 4 ans, travaille de temps en temps dans décor.

Ibrahim 2425

Ammar 2928 Père conduit Peugeot.

 

Abderrahman 27 Père blessé en 63?  à étudié en égypte.

Ali 25

Omar 23 ans. 2 ans magasin de meubles. عمر أحمد محمد

 

Nashwan 24 6 mois chez Ha’il Sa’id. 1991 → 2000 gérant de son immeuble, prend les loyers. (en échange de me fera rentrer en Amérique). Père éduqué à Aden. Socialiste. Séparé de famille. Voir aussi C67 [=C034.jpg] Mère "prof" de خياطة [couture]. جمعية المرأة اليمنية للخياطة والتطريز [Association de la femme yéménite pour la couture et la broderie]

Soeur à la maison, arrêt à ثنوية [au secondaire]

 

Ammar 20 ans. Arrête à اعدادية. Divorce à 17 ans. Père travaillait dans distribution de médoc. Pb → عاطل.

 

Sa’îd 31 ans. Arrêté en 2nde de ثنوية [au secondaire] qd père meurt, et travaille pour ses 2 frères plus petits. 6 ans هائل سعيد puis décor. Père agriculteur. Gardien de mosquée. مأذِّن [muezzin]. Mère habashie (en Ethiopie) → vivent avec عامه [tante].

 

[C078.jpg]

Walid 20 Vient de finir ثنوية [secondaire]  → جامعة [université]

Waddah 22 Père وزارة النفط [ministère du pétrole] الحكومية [gouvernemental] (poste vide)

 

Nasser 21.  Père docteur omrt y’a 1 an. Étudiant ثنوية [secondaire] Soeurs+ 1 petit frère [illisible]

 

Wa’il 25  عسكري [militaire] ds quartier  الجمهوري [(de l’hopital) Républicain] depuis un an. Avant rien, à l’usine 1 ans, il y a 3 ans. → fournit l’argent. Va se marier cette année.

Hani 20  موظف عامل بيت هائل [employé comme ouvrier dans la Maison Ha’il (Sa’îd)]

Gâd 24 secrétaire chez Société Sa’id

Ramzi 18 طالب [étudiant]

Adnan 13 ans.

Père peintre en bâtiment.

 

Bessam : 24 Laissé. Frères avec situation. Père travaillait ministère de la santé. B171: a arrêté après secondaire. Travaille à H[illisible] Marib. Père mort y a un an.

 

Fahmi 27 (frère de père)

Oussama 24 Marié 1 enfant. Étudié قانون [droit]. Chauffeur du Qadi depuis 3 ans. Collège de Soufi [?illisible] pendant 1 an(après اعدادية [éducation primaire]). Il y a aussi كولية الإمان [Collège de la foi] (Zindani) après ثنوية [éducation secondaire] 10 ans.

Ibrahim 22

Hisham 18طالب [étudiant]

محمد 13 [Mohammed]

سليمان 7 [sulayman]

 

Moncef 27 → soudeur ملاحم atelier du père.

1 frère → idem. Vit en face Mamlaka, au dessus pharmacie.

 

Salah 27. Hors quartier (mauvaise relation là où il habite
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-08-22T17:17:12.308372917'VP
NOTE: 'Semble une explication pour noyer le poisson. En réalité, c’est pour moi que Salah s’est mis à fréquenter le Mamlaka. Salah était un « intellectuel » du Mu’tamar.'
NOTE: 'En même temps, ils admettent qu’ils sont tous du Mu’tamar : manière de comprendre que ce n’est pas une simple organisation partisane, comme je l’imagine, mais un fait social « total ».'
NOTE: 'INTERACTION À CREUSER (question de mon degré de conscience de ma propre intrusion)']
). Membre du Mu’tamar. → tous membres du Mu’tamar.

 

Fawaz 25

Jalal "

Fawaz bis 25.

Riad 28.  Père retraité de l’armé. 1 petit frère طالب [étudiant]

  ولد الحارة [enfant du quartier, né] ds maison à droit de ورشة [réparateur automobile]

  sort après 4 ans. Avant travaille dans Change à Sanaa.

 

Dans l’avion du retour

[C080.jpg]

Envie de fixer. Sur le trajet du retour.

Hier soir, dur de m’imaginer que je quitte ma vie - Il y a un côté funèbre à l’ethnologie - Alors j’avance, je n’y pense pas trop car ça fait juste peur. Inconnu.

J’en parle au resto hier soir, sur Hadda avec Waddah, j’étouffe un sanglot, mais ne veut pas que je pleure. Lui a passé l’aprem sans parler, et finalement s’est résolu. C’est bien, c’est comme ça.

Moi je réalise comme je me suis toujours mis dans l’entre 2 avec lui. Jamais à y croire complètement, ni complètement à distance, j’oscillais.

→ alors quoi, qu’est-ce que ma vie au Yémen ? Un fantasme. Je parle de ce que j’ai maintenant des responsabilités, des relations engagées, avec Waddah, Nashwan, et même Ziad et Khaldoun.

Sauf que je ne sais pas en quoi elle diffère de ma vie en France, je ne sais pas si j’ai vécu dans un état d’exception permanent [lié à ma position d’Occidental], auquel j’ai pris goût, ou si j’ai découvert une autre forme d’être à soi et d’être aux autres.

Peu importe en définitive, c’est sans doute les deux à la fois, sans qu’on puisse en fait distinguer, l’important c’est que mes 2 personnes s’influencent l’un l’autre, et convergent finalement
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-08-22T17:33:10.641465150'VP
NOTE: 'Ouaouh, tout est dit, déjà !']
. Je ne peux pas vivre schizophrène, je dois savoir ce que j’aime chez les gens.

 

Note perception habillement

En papotant avec l’Irakien qui est à ma droite, j’ai réalisé que ce n’est pas vrai que tous les Yéménites portent jambiyya et Mawwaz, les photos prouvent le contraire mais dans mon souvenir c’était l’habillement majoritaire.

Bon, il y a que dans les séances de qar, ça se fait beaucoup plus, et puis ceux que j’ai le plus admirés s’habillent [à la] traditionnelle. Mais reste quand même que mon désir de faire les Dupont/Dupond est révélateur d’un certain concept de l’immersion. Aujourd’hui je me dis que quand je retournerai au حوض, je porterai mes jeans préférés.
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-08-22T17:37:47.923888721'VP
NOTE: 'Remarque très liée à la question précédente, degré de conscience de mon intrusion. Ce « concept de l’immersion » fonctionne comme un contexte que les Yéménites activent eux-mêmes, une mauvaise foi collective.'
NOTE: 'Par la suite, je n’aurai d’autre obsession que « d’être moi-même ». Porter mes jeans, et mes jeans préférés, ça veut dire ça. Stratégie de la sincérité. Il me faudra longtemps pour comprendre que ce n’est pas si simple, la nécessité d’une stratégie de la pudeur.']

 

Après il y a ce Je me suis donc habillé avec le ثوب noir de Waddah, la mashadda roue, assez classe. J’avais pensé vaguement à la honte parmi les Français, sans trop y attacher d’importance, je n’avais pas pensé au keufs qui vont sans doute me faire chier.

L’important, c’est que cet habit ne soit pas le signe d’un malaise, qui l’amplifie en l’exprimant. Avec cet habit, j’ai la gde classe, peu importe que ce soit folklo. Or c’est ça que j’ai gagné au Yémen : je suis sûr de moi, de mes décisions, j’aspire à cette fermeté capable, en même temps ouverte aux autres, ce qu’en somme j’ai compris de l’idéal مؤمنين.

Et en retrouvant Mari, je veux être sûr de ce que je veux lui offrir et recevoir d’elle, aller vers elle résolument. Je ne peux pas laisser le dépaysement me faire douter, sinon c’est la fin des haricots.

 

Chronologie derniers jours (2)

[C081.jpg]

Vendredi 17.

Je l’aisse Waddah remonter à Sanaa. J’écris. Retrouve Ziad au Hawdh. Resto poissons. Blagues entendues sur عرطة etc.

 

Samedi 18.

Qat dans Mamlaka, Ziad me refait dire tout ce que je lui ai déjà dit sur respect, égard, reconnaissance. Mais devant Ra’id et Yazid.

Qate après dîner chez Na’if.

Le soir, Ziad n’a rien à dire. Je pars.

 

Dimanche 19.

Matin : Djebel Sabir avec Khaldoun. Projet de louer maison, Mari se fait copines parmi les Sabriates… Les shebabs montent qater chez moi…
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-08-22T17:51:52.274186312'VP
NOTE: 'L’option confortable, qui m’aurait peut-être appris beaucoup plus… L’option qui s’imposait. Si Florence Weber n’avait pas été là…']

 Biladiya. Carte.

J’apprends : Za’im : fréquemment utilisé avec ironie pour désigner celui qui en prend 3 à la fois.

Qat chez Ziad, à l’intérieur. Son père est malade, avec Yazid, un médecin, Nabil…

Dernière séance de qat chez Na’if…

Belle discussion avec Ziad.

 

Lundi 20.

Ziad fait avec moi le tour du quartier / se fait enfin prendre en photo, avec un peu tout le monde.

Déjeuner chez Na’if.

Ziad part à Shuwayfa.

Tahir m’accompagne.

-

Soir. Avec Waddah, je veux systématiquement éviter les querelles. Stables. Pas [illisible] dramatiser. On profite l’un de l’autre.
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-08-22T17:57:24.278543263'VP
NOTE: 'j’exprime ici clairement la manière dont nous gérons la situation. Une sorte d’aveuglement délibéré, pudeur dans l’obscénité.'
NOTE: 'Très lié à la question de l’habillement, et conscience de mon intrusion, avec ce dénouement : tout ça fait système. Je trouve une dignité dans cette position, parce que nous y trouvons une sorte de lucidité partagée. Hypnose réciproque.']

 

Mardi 21.

Un peu conflit sur emploi du temps.

Souq, puis qat tardif chez Nashwan.

Diner chez Munir, horrible. Discussions plates, ils volent [ ?illisible], ils m’énervent. Je retrouve Waddah à Tahrir.

Malaise de constater l’incompatibilité entre les 2 mondes.

 

Mercredi 22.

CDs. Déjeuner avec Abdu. Me parle de son exp. De la corruption généralisée.

Photos de Nashwan. Infos précises. Adieux à Nashwan, ému.

Ça y est, on atterrit.

Finalement, nous nous quittons Waddah et moi dans une sorte d’euphorie, un peu forcée sur la fin car Waddah n’a pu s’empêcher de boire. La prochaine fois, il sera différent.

 

Notes après le retour en France

Première spacialisation

[C082.jpg]

[dessin au crayon, spatialisant le problème].

عصابة.

1 communauté. 1 discours.

 

30/10 : travailler les affects

30 novembre 03

Lecture de « être affecté », JFS.

J’ai le sentiment que si je ne suis pas cette optique, je réduis ces phénomènes de domination à leur interprétation fonctionnaliste et j’en perds la teneur, la substance de l’expérience qu’ils constituent.
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-08-22T18:11:48.677753844'VP
NOTE: 'Ce qui se joue pour moi ici, c’est une religion du cogito, du cogito immergé dans le social. Le fait de domination ne saurait se réduire à l’expérience de la position innommable. La perspective d’une « religion ethnographique » transfigure cette expérience.'
NOTE: 'Sept jours après le retour, c’est ce qui me permet de trouver mon équilibre.']
Au-delà de cette interprétation sociologique élégante et conventionnelle, travailler les affects afin de rendre compte de l’enjeu psychologique, de la portée symbolique de cette domination et des stratégies discursives mise en place pour négocier son acceptation.
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-08-22T18:22:39.829524617'VP
NOTE: 'Va de pair avec essentialisation du Za’îm, cet objet sociologique produisant de la domination.'
NOTE: 'Produisant aussi une vision idéale… an epistemological location.']

Double discours, pas seulement limité à ce groupe et à destination de l’extérieur. C’est aussi la fiction égalitariste dont la domination se pare pour se faire accepter, c’est aussi ce que tout le monde préfère penser.

Il faudra traiter son pendant, c’est-à-dire la figure du مخنوث, le أبانة.

 

15/11 : « Au Yémen, je n’avais pas de visage »

15 novembre 03

Voilà donc, je ressors ce carnet pour régler son compte à cette honte. Pour marquer ici ce qui relève assurément du privé.

 

Alors comme ça j’ai passé 2 mois à être le  مخنوث de Ziad
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-08-22T19:38:35.472157859'VP
NOTE: 'Très étrange pour moi de lire ça aujourd’hui. (Aujourd’hui au contraire, ma relation avec Ziad est la seule qui échappe à cette problématique de l’intérêt).'
NOTE: ''
NOTE: 'En fait je suis aux prises avec une double honte : le souvenir physiologique et l’empreinte métaphysique. Ziad comme personne et comme objet, rend cette honte gérable : je décide de « regarder en face » cette relation, mais c’est évidemment d’abord une posture en France, élaborée pour assumer mon attachement au Yémen.'
NOTE: 'Tant que je travaille à mon mémoire, ça tiendra, je resterai protégé par la dignité de l’activité scientifique. Après ça ne tiendra plus – cf pages du carnet de 2004 – d’où conversion à l’homosexualité.']
, symboliquement, et je ne m’en suis pas rendu compte, ou seulement à qq semaines ou jours du départ !

Sans m’en rendre compte, et pourtant en ressentant la honte, une honte. Une honte dont je voudrais faire aujourd’hui un « instrument de connaissance », comme le dit si joliment Milliot.

Mais qu’est-ce qui dans cette honte, est le produit de mon histoire personnelle, qu’y a-t-il là dedans de « made in Yémen » ?

En quoi m’attacher au Yémen était-ce honteux ? Il faudra parcourir ce cahiers. Mais déjà je connais la réponse lapidaire, laconique : je suis allé au Yémen pour être مخنوث.
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-08-22T19:50:03.360393430'VP
NOTE: 'Encore une reformulation conceptuelle : être enculé.']

Je me suis abandonné à la bienveillance des Arabes sans qu’en fait leur bienveillance m’importe, sans qu’il n’ai jamais été question de la vérifier. Je me suis abandonné pour le principe.

Et j’ai persisté à m’abandonner lorsque j’avais la preuve qu’on abusait de moi, j’ai persisté à tendre l’autre joue, à défaut d’autre chose, tout en sachant pertinemment que l’Autre ne comprenait pas.
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-08-22T19:51:57.132957573'VP
NOTE: 'Forme de colère ici ?'
NOTE: 'Colère parce que je ne me comprends plus moi-même : la colère se déplace de Ziad vers moi, car il faut que je me ressaisisse, à travers l’écriture.']

Peu m’importait que l’Autre pense m’enculait, l’important était qu’il n’en était rien, il n’en était rien parce que j’étais consentant.

Je persistais donc jusqu’au bout à m’offrir, avec une abnégation morbide, je m’exaltais de n’avoir rien à cacher et tout à offrir, ou plus exactement de n’avoir rien à protéger, d’être une sorte d’ange, comme le disait si bien Waddah, un être flottant, sans attaches, sans envers et sans endroit, qui se retournait à loisir pour le plaisir ou la décontenance de l’Autre, des Autres, parfois, pour mon bon plaisir d’exhibitionniste en fait.

 

Morbide donc, que ce chemin que j’ai mené à son terme, jusqu’à l’exacte concordance de l’envers et de l’endroit, la certitude de ce qu’en définitive il pouvait tout prendre, à condition d’avoir l’intelligence suffisante.

Je ressentais dans ces dernières semaines une joie intense et permanente, la certitude d’avoir atteint la perfection d’un équilibre, entre moi et les autres, dans lequel j’étais spectateur du spectacle du monde, eux spectateurs de moi, mais où rien, au fond, n’était partagé.

 

Comme à l’époque où à 500m d’intervalle cohabitaient 2 mondes, Curie et Louis-le-Grand, je croquais la vie comme une pomme dans l’un, dans l’autre la vie me bouffait. J’ai retrouvé au Yémen la même schizophrénie et la même joie.

 

Bon, je sais pas dans quelles mesure ce que j’écris est pertinent. Je me laisse un peu prendre par le fleuve. L’important est qu’au Yémen je n’avais pas de visage. Je n’avais plus conscience de moi, ou plutôt : Ma conscience de moi se confondait avec la conscience que les autres avaient de moi… dans mon esprit du moins.

Un ange, transparent à lui-même et aux autres. Une idée. Une conscience.

 

Construction d’une description : un déplacement sur l’espace

Stimulé par la lecture d’un livre de David Lepoutre (et d’autres), je revisite par la pensée des choses que je n’ai jamais prises en note - et qui constitueront en fait l’essentiel de mon mémoire de DEA : l’espace d’abord, puis les modes de salutations.

> comment qualifier ce qui se joue dans cette revisite ? Quel déplacement par rapport au corps du carnet ? J’ai le sentiment que je perds tout sentiment de ma face, dans ce processus.

[C048.jpg]

Lepoutre comme aide à la remémoration. Construction d’une description.

 

Espace. Uriner : on peut partout, on ne fait pas partout.

(ex. salle de muscu.

 Diwan al-shaykh.

 

Couvertures sur le trottoir, parpaings. Diwan en plein air.

 Ouvriers dans magasin qui gueulent.

 

On fait un tour, on revient.

 

/(+jeunes) devant épicerie et de four.

 

Nashwan : point fixe pour se concentrer, s’asseoit…

شارون

+ دباب

 

Population attachée au quartier. Peu de sociabilité hors quartier.

 

Limites : ruelles (route à droite peu empruntée (ne mène à rien).

 

« Chamboredon : conflits surtout liés à statut incertain de ces "espaces interstitiels" entre domaine publique et d. privé ». p.45 [ ?illisible]

 

« circonscription territoriale ». Tours, mais jamais vers le bas, toujours vers l’arrière du quartier.
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-08-22T20:10:55.409399860'VP
NOTE: 'C’est à dire vers les quartiers qui comptent, et aussi les quartiers anciens, les quartiers dont on est quand on est de Taez.']

 

+ conflits avec bandes voisines. → refuge à l’abri de la violence symbolique de l’extérieur.

 

Il existe Mamlaka pour les vieux, diwan ouverts sur la rue…

 

 Ahmed,qui habite sur la rue + à D, se place souvent en contrebas de N. منصور كمان

Intersections. Epicerie. Coin.

 

Parler de "l’émigration" de Waddah. Quartier.

 

Dabab : les gens qui se rendent au Hawdh descendent après le tournant.

Entrées postées (gardées).

Position de Wa’il particulière. (s’il allait derrière, ce n’aurait pas d’intérêt).

Se définit par rapport au quartier. En même temps pas à l’intérieur.
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-08-22T20:16:00.749346501'VP
NOTE: 'J’ai l’impression que je ne voyais pas ces choses là sur place [à vérifier]. Je n’ai commencé à construire cette lecture systématique qu’au retour !']

 

(حارة من؟)

 

Culture des rues. Par rapport à autres centres d’activités.

 (adolescents) → Ppalement collège.

→ à une autre échelle. Culture de quartier / habitudes. Réseaux de souvenirs. Histoires. Potins

 

≠ شارع الحب

 قلعة القاهرة  

Habillement → trad/Occ ?

 

[C085.jpg]

Salutations

Présentation

Le زعيم qui présente ! → تبعان الأخ فواز...

 

On se sert la main dès qu’on arrive, 1ère fois [?illisible], et « salam ‘alaykum » tout le temps.

 + تحي لكل du Mu’tamar.

 

Salutations très expressives entre Ziad et les autres dehors du quartier.

وائل & منصف → Marques de mon affiliation comme pote de Ziad.

 الأخ و[illisible]

 

Lien d’interconnaissance

Rural / Rond point urbain

 

Ziad : ne sort que (quasiment) le soir +1 peu le matin / Wa’il. tjs dehors. → (lié magasins)

(masquage dû à ma situation, présence → )

  → 2 types d’économie journalière (incomplet)

 

François Dubet : la galère, jeunes en survie.

Pascal Duret. Anthropologie de la fraternité dans les cités (gd frères). Paris PUF 96.

Bandes de pairs « Sans hiérarchie ritualisée ni dénomination particulière… »

 

HS Becker. Outsiders. Études de sociologie de la déviance. Paris : Métaillé 85.

 

Vannes → à vrai dire moi j’observe des discussions tjs très sérieuses. + jeu dialecte / standard. → je ne capte pas trop.

 

Nom de la mère tabou

 

Ragots, tt le monde au courant de tout. (même Nabil ?) Nashwan

→ mais j’en suis exclus (place des filles)

 

Sauf au moment crise. Abdallah, Nashwan… Parler « par derrière » !

 

Mensonge. Ne pas supposer que ce que je dis -reproche- à Ziad lui paraît incongru. Même morale.

 Mais ce faisant je rentre en fait ds dynamiques d’honneur, de compétition ; car mon geste est interprété d manière totale, on lui suppose des profondeurs (que je reconnais par la suite).

 

→ analyser les actes qui m’ont fait rentrer dans l’arène.

En critiquant mon hôte, je perds mon statut d’hôte…
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-08-24T16:12:39.835206200'VP
NOTE: 'OK, donc j’étais bien conscient de ça.']

 

[C086.jpg] le « vice ». Ruse [?illisible], utile ↔ galère.

(là aussi, évolution de ma position ! [ascension] ou عراط)

interaction (défense) mais aussi  se mesurer. Puissance, pouvoir…

 

Ex. « ceux-ci doivent (en effet) à tout moment choisir entre les exigences qu’imposent la défense de leurs intérêts matériels et symboliques au sein du groupe des pairs et l’honnêteté relationnelle qui reste au demeurant la règle morale idéale. » (p.185)

 

Comprendre la tentative pour me faire partir comme une façon de dénier mon droit à l’honnêteté relationnelle. Casser mon statut de pair (Omar : « Je parle aux frères »).

Tjs sur la marge, entre hôte ↔ pair ↔ عرطة

Alliés ambigus.

J’ai fait de la politique.

 

Bagarres. « Sépareurs » → rôle valorisé.

Figure du « justicier » → à la fois valorisée et vite décriée.

Entraide « tous des frères »

d’abord dans le cadre des échanges de violences.

 Lien (vindicatoire) dans vengeance. Structurant le lien social.

 

(pas de vengence au sein du groupe p.239)

c’est ça qui constitue unité… ou pas.

Appartenance territoriale.

 

Fanfaronnade et arrogance

[proportionnel à] force personnelle + Somme pondérée des alliés.

Réputation honorifique : se construit « là où peut se mesurer la capacité des individus et des groupes à obtenir réparation pour les atteintes et offenses subies ».

Omniprésence de référence au « respect » dans la relations.

Idéal sans cesse brisé.

 

[C087.jpg]

le 25 décembre – 05:51

 

Type animateur dans le centre. Depuis que je suis arrivé je veux faire sa connaissance. Il m’attire toujours l’attention quand il est dans la pièce. Samir, un beur quoi, mais l’air gentil, s’occupe des petits.

Ce soir pendant la soirée dansante du réveillon, après 1h à lancer des boules avec les petits, 1h à regarder de loin avec ma mère et François, je finis par aller m’asseoir avec les jeunes (anims) – dont lui.

Il est du havre, travaillait avant comme éducateur dans école de Zep. A priori a l’air pas antipathique, mais son regard n’est pas celui que j’imaginais, un peu fermé, brute [?illisible]. Le mythe s’effondre.

 

Cette nuit je rêve que je rencontre un arabe (c’est lui) stagiaire à l’ENS où je sais pas quoi, vient d’arriver, histoires de bourses. On fait connaissance, je veux le séduire, qu’il veuille être mon ami.

À un moment il commence à demander une clarification en des termes bizarres, islamiques (// waddah). Je le rassure en lui parlant d’un compromis, assez sur de moi, je cherche un ami et en tant qu’ethnologue certaines choses m’intéressent plus que d’autres, mais que je suis pas musulman mais c’est pareil.

On est dans les halles. Là dessus passent coup sur coup une nenette avec qui j’ai discuté (au CFEY ? Ici hier soir) que j’embrasse, puis Adèle.

Et puis embrouille, mon ami me prend par la main et me fait courir en laissant tout, on est poursuivis par des types méchants. Une fille qu’il connaît nous aide. On cherche à récupérer RER B.

Mais je me retrouve seul sur le quai, cueilli par un méchant en bas de l’escalier, il me menace avec une lame de rasoir. Je me réveille.

 

Tjs même schéma d’amitié.

Obsession.

Euphorie, + je suis sûr de moi.

Je le sais, plus rien ne compte.

Momo (Brice). Quebec. Ziad. Waddah.

Belles amitiés, ceci dit, mais pas tenable. Veulent autre chose et je suis jaloux malgré moi.
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-08-24T16:41:12.174932416'VP
NOTE: 'Tiens ! Pas mal comme interprétation. Je ne crois pas me l’avoir souvent exprimé de cette manière. En gros, je foire les amitiés parce que j’exige une fascination, qu’ils n’aient d’yeux que pour moi. En gros, je foire parce que je n’ai pas ma propre femme, ma propre exigence.'
NOTE: ''
NOTE: 'On voit bien ici le complexe qui me pousse à écrire, la fuite dans l’analyse.']

 

 

début 2004 : les yéménites expatriés ont le dernier mot

 

24/08/18 Le jugement de Taher et Tareq, et plus encore celui de Jassas, énoncent une position surplombante, expriment un mépris social intrinsèquement lié à l’interaction avec l’Occidental. Se prennent-ils vraiment pour émancipés, avant-garde de leur nation ? Traitent les gens que j’ai rencontré pour une anomalie, un « problème social ».

Mais c’est aussi parce qu’ils ne savent pas quoi me dire, quelle posture adopter face à moi, une pudeur face à l’Occidental… C’est une manière de minorer le déshonneur que j’ai subi (de leur point de vue). Alors que je n’ai pas subi de déshonneur en réalité. Rien ne s’est passé avec les Yéménites que je n’aie voulu.

Tout est là…

Le type qui connaît Nabil, et qui en même temps me dit ça… à peine m’a-t-il révélé l’existence de ce lien d’interconnaissance, qu’il l’enterre par un mépris social vertigineux. Et rien n’y fera.

Tout le drame de mon enquête est là.

 > A TRAVAILLER

 

[C088.jpg]

3 décembre [janvier ?] 04

Discussion avec Tahir et Tareq dans le métro.

Stigmatisés cette population : jeunes urbains. Sans boulot, font toutes sortes de conneries (boivent tapent violent).

 

Lien pères revenus de Saoudie.

 

Étonnés : qu’est-ce que je viens faire là ?

→ essaient un peu tout. -espion, -homo [illisible]

 

طراطر= بلتجي

طرطور (bouffon)

 

1er mars 04

Jassas = il a habité au Hawdh (près d’une tour de télécom au dessus de مدرسة الشعب)

Connaît Nabil, jouait au foot.

بلتجي ← يسرق٬ يشرب ويحشش٬ اللواط

→ à chacun son واد, lui achète des bonbons.
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-08-24T16:54:50.617713191'VP
NOTE: 'Synthèse de la description.']

 

Tu gares, il te dit « pas ici, c’est chez moi, tu t’en débarasses avec 200 ri. » Force à payer tout.
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-08-24T16:55:01.113683567'VP
NOTE: 'Anecdote qui dit bien position surplombante.']

 

Esquisse d’une réponse analytique à cette énigme du « stigmate »

[papier glissé dans le cahier, C091.jpg]

7 janvier 04

Notes.

 - Entretien → forme ? Situation d’entretien ? Enregistrement ?

 - Position d’hôte → processus norma, intégration. Mais aussi spécifique.

→ lien entre les deux. Enregistrement impossible car ce n’est pas une parole valable dans l’absolu. Hôte – officiel. Enregistrable.

 

→ Dans chronologie, associer un max de détails ethnographie. Pour l’associer au stade d’intégration. Rendre compte.
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-08-24T17:25:40.671126344'VP
NOTE: 'J’ai clairement conscience d’un processus qui est allé très loin. Même si au final, je n’ai pas su mettre en œuvre ce projet (rapporter au stade de mon terrain) faute de pouvoir qualifier ce qui s’était passé.'
NOTE: '=> C’est ce que je compte faire maintenant !']

Monographie de la jeunesse d’un quartier.

 

Dater systématiquement les info / obs / anecdotes.

Désingulariser.

 

« L’énigme » de mon terrain, c’est le stigmate dont ce groupe fait l’objet, savamment caché par lui et proclamé lourdement par les autres, et que jusqu’au bout je refuse de faire mien (lié à ma position neutre… naïve).

Dans l’avion, juillet 2004

[C089.jpg]

Dans l’avion. Dimanche 25 juillet 2004

Idées pour article.

Retracer les étapes qui se sont succédées (idéalement) pour mener de l’étrangeté à l’intelligibilité.

→ réfléchir sur la compréhension ↔ appréhension. Travailler sur le fossé qui sépare les deux.

 

Le discours

→ 1 énigme.

Les mots sont opaques.

« étudiant » brillant. Doué. Tangible !

 

Indices : problématiques : femmes, argent, islam.

 

Usage de l’espace – sociabilité.

→ preuve ? Contextualisation.

 

* Tabou. Condition dégradante. « stigmate » (Becker).

→ reconstituer la manière dont c’est vécu. Y compris à quel niveau ça se situe
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-08-24T17:11:48.177432125'VP
NOTE: 'Oui, c’est tout le pb. En réalité ce « stigmate » est indissociable de la modernité, phénomène très général.']
.

 

Revenir au discours, pour analyser le contexte d’énonciation. « à qui on l’a dit » / quoi.

 

Rqs (dans une conclusion). Dès le début, Ziad me dit qu’il a été un voyou. Ça ne me dit rien de +. La question est celle de la construction sociale de cette condition, qui ne m’est pas accessible a priori.

 

RQ : a priori, on va demander : n’y a-t-il pas plus simple manière ? Non. Acccède à 1 facette de la réalité sociale.

 

[C090.jpg]

Cette fois, il faudrait que je relativise le schème d’explication de la dernière enquête. Ziad comme paria. → pas vraiment.

Il existe âges de la vie.

Il existe catégories → phénomène large, pas exceptionnel.

=> qualifier comme phénomène social.

شرف صنع الله ابراهيم

 أحلام مستغا في [ ? illisible]الحواس

 

~> La manière dont خلدون pense زياد, pas d’interaction directe.

Médiatisé par « culture »
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-08-24T17:16:43.141117181'VP
NOTE: 'à cause de moi. Médiatisé surtout par ma présence, pudeur. Les modalités de ma présence les empêche de s’identifier l’un à l’autre.']
. Catégories.

 

Paria : approximation très mauvaise. Définir la catégorie.

→ pour préciser :

 * interroger d’autres gens. Ailleurs.

 * Retour rétrospectif.

 * Faire entretiens.

 

FIN DU CAHIER C

Retranscription sélective du journal de 2004

Tendance générale de ce terrain

La scène « Ammar S comme informateur » (26/8) est une interaction caractéristique de ce qui est rendu possible par le fait d’habiter à l’hôtel sur le Rond-Point : je permets à mes interlocuteurs du quartier de me parler dans un terrain neutre, sans être l’hôte de leurs « rivaux » commerçants.

Je célèbre cette nouveauté avec soulagement, comme un ré-ancrage dans l’objectivité, et la possibilité d’exister socialement en tant que chercheur.

Je ne suis absolument pas conscient alors de la violence que cette évolution représente pour Ziad. En fait, c’est spirituellement que je redeviendrai son hôte, et ça se fait progressivement, plutôt depuis la France.

Quoi qu’il en soit, je dois déconstruire

 

 

21/8 – Dîner film Hindi

[D050.jpg] Ammar -Ash-Sharir- me fait un numéro qu’il a besion d’amour, qu’il a tjs voulu avoir un ami étranger, qu’il veut apprendre le français.

Samedi 21 août.

(…) Passage Mamlaka. Waddah n’est pas encore parti. On écoute cassette de Jeff Buckley puis K7 mielleuse de Waddah.

Diner devant chez Ammar [Vendeur de casseroles], avec Med Sharif (…)

 

Retour Mamlaka. Wadah spécule sur qui va gagner entre moi et Ziad. Parie sur moi, qat, sous, … ça m’énerve. On rigole sur le théâtre.

Ziad lance :  Acte I : العرطة في ورطة

  Acte 2 : ورطة في عرطة

On rigole avec Abdallah sur l’année dernière, comme a révélé chaque personne du quartier quand Ziad m’a viré.

[D051.jpg] diner film hindi

On part dîner, avec un air de fête, mais je suis largué, je sais pas ce qu’on fête, c’est du scénario. Ça m’énerve.

Joie ! On s’y croit !

On fête quelque chose !

Je m’énerve contre W. Arrivé au resto, fais mine de partir. Film Indien. Vous avez trop regardé de séries TV.

Ziad part seul, (après blague de moi « Vous connaissez Monique » une mauvaise blague, extrêmement vulgaire) on le rejoint.

Je dis à W que je voudrais plus le voir dans le quartier.

Je reproche à Ziad d’encourager W et les autres dans réflexions creuses. Lui il joue, eux ils y croient. W se défend, garde son histoire de jeu.

(Moi je leur dis y’a pas de jeu, c’est l’oisiveté).

Et si Ziad sortait du jeu ? Qui gagne ?

Je prend W à part et lui explique que ces histoires je ne supporte plus, qu’il se perd dans une histoire et que Z l’y pousse. Il me dit qu’il a pris une décision définitive, qu’il va rester, - »Tu sais pourquoi je reste ? » - parce qu’il a تأكدت compris que je voulais détruire Ziad, « Je ne veux pas qu’il lui arrive la même chose qu’à moi.

Je pars me balader pour souffler.

Pourvoir du verbe. Pouvoir narratif.

Je réalise maintenant à quel point Ziad crée une dynamique narrative qui transfigure leur existence. Faite de défis, de grands principes, de solidarité, de religion, d’amour…

En effet, difficile de s’en extraire. Moi-même j’y suis sensible.

Je comprends pourquoi Waddah disait qu’il voulait oublier !

Instaure une réalité

Au retour W est parti. Z : « Je lui ai dit part ».

Ziad s’interroge : pourquoi il est comme ça ?

كلم خطير !

Il dit qu’il veut me tuer.

Sait très bien.

Se demander (juste) = acte de parole / indiscible

 

[D052.jpg] Remarques de Yazid sur le cochon.

Irrité par ma remarque sur le fait que parmi les Khodshy, Ammar et lui ont moins de  شرف.

شرف  Ici, c’est quelque chose de fondamental, surtout parmi eux.

Fasciné par ma traduction de Ben Harper, « Don’t take that attitude to your grave ». veut copier K7.

Yazid est hyper rigide je trouve. À des moments il est comme fou.

Reproche à propos de blague que je suis du Mossad, du cochon.

On se couche et je dis j’appellerai Waddah demain.

-

Lendemain Dimanche 22, Ziad prend le téléphone pour appeler Waddah, je l’engueule, ça ne le regarde pas.

Je pars.

 

Traîne devant les magasins. Finalement Yasser m’emmène qater chez ami employés à l’université. Ambiance TTT différente. Abdessalam rit beaucoup. Blague récurrente « البرتقالات », déclaré avec maniérée (…)

[D053.jpg] Je les lance sur الجولة (…)

[Sociologie passionnante]

[D054.jpg] Discussion الشميري & العديني

 

ajout dans la marge en haut :

Retour Mamlaka, W. dit rien, Ziad veut de l’argent pour qater, salaire. « Je veux sortir de ce quartier » → envoie Bessam chercher mes affaires.

- « Je vais dîner »

- « Ne reviens pas »

Je souris. Je pense encore revenir.

 

[suite Sociologie passionnante]

 

[D056.jpg (tr. complète)] Retour. Mariage Sher’ab. Zaffa islamiyya (musique top).

Waddah me rappelle : pourquoi t’es pas venu ?

- « histoires sans importance. »

- « Pour toi peut-être, mais pas pour Ziad et moi. Ecoute, tu verras ce qui s’est passé demain, mais j’ai gagné sur Ziad…

 Je lui dis au revoir avec tendresse. Bon courage au boulot.

 

23/8

Comportement des frères d’Abderrahman, d’al-Islah, pas du tout complaisants avec moi

→ ça tranche…

 

Lundi 23 -Déjeuner avec Shakib et son frère Oussama dans leur épicerie (+1 autre), accepte une participation.-

 

Wa’il & Fahmi devant halawiyyat → m’invite jeudi avec Z ou K ou…

Passe chez Khodshy : Walid et Ali qui dort.

Ali me pose des questions sur ma recherche : pas représentatif. 1 seul individu. Peux pas généraliser… et puis « Pays pauvres, redevenus comme des singes ». Alors je lui dis de rester, je m’explique.

 

-Omar essaie de s’énerver. Je me défends. Il rigole.

- « T’aime vraiment les discours à l’heure de la prière ! »

(je le regarde, puis détourne les yeux).

 

Mariage de la sœur d’Abderrahmane.

qat dans le petit Diwan d’en bas, devant l’entrée des femmes.

 

« Mourad »

Omar

Youssef

Munir oncle ? &2fils

 

 

 

 

?

Père

Abdallah

Moi

Yazid

Wa’il

 

Discu sur verlan (ملقوب). Mariage avec une française. Montre permis de recherche. Blague « Ziad m’a interdit » sans doute souvenir de 2003

Omar : حبك بقلبي كرادم كرادم

Résultats collège Med 550/700, très bien.

Scène où le père veut sortir, pas aidé par fils, rient, les insultent.

 

[D057.jpg] (…) Mamdouh & Nadi Al-Quds (…)

[D058.jpg] (…) Retour Ziad, avec un ami avocat. Même rengaine. Flous.

[D059.jpg] (…)

Jeudi, 4h du matin. Euréka.

Sujet

Etudier catégories de perception d’un phénomène social, d’un « problème de société ».

→ catégories, explication.

 Pauvre (rusticité) يأس. Mais encore.

→ Extension en sociohistoire.

Travail avec Dakhlia.

Extension logique de mon travail précédent (constate importance âges de la vie).

Meilleure problématique que « l’organisation implicite du Rd-Point ».

→ ça, ce sera l’observation.

24-25/8 – tentative Ziad & Oussama comme informateurs sur RP

[D060.jpg tr. totale]

Mardi 24 (écrit mercredi)

Déménagement. Déjeuner avec Bawab.

JE qate chez Ziad. Discussion sur mon sujet, ce qu’il peut faire pour moi (prend son stylo, écrit des feuilles).

En sous-terrain, négociation sur « est-ce que j’ai besoin de Ziad ou pas ». Lendemain

Les différentes classes du rond-point, + habitudes.

En fait il veut savoir mes projets pour me tenir.

(Flippe)
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-05-06T17:29:31.885434035'VP
NOTE: 'Révélateur d’une perception. À analyser']

Je lui demande pourquoi photo avec Duba’i :

« Parce que je le connais bien. » « Il y avait pas blague ? »

« Non – contrairement aux autres. » « Pourquoi, les autres ne le respectent pas ? »

« Non, c’est pas ça, mais les uatres ne le connaissent pas vraiment. »

Gène.

 

Rq de Abdallah sur son frère : « il traine tjs à شارع الحب 

Non, il a changé. Ne pense plus à ça. Sérieux…

Quiproquo, dans ma tête activité bon enfant. Pour lui ‘aïb : tu t’exposes au péché. عُرضه للذنب

 

Rq de Walid sur location Mamlaka : « Pourquoi t’acceptes qu’on reste ? »

- c’est juste qd Ziad est là. + [contrepartie] Ziad m’aide à étudier.

« Je vais étudier ailleurs pour vous laisser à l’aise (on discute). »

Se vente de sa réussite à l’université.

 

Rencontre Med ? Qui m’écrit poème. Discu sur Sida et Ben Harper (traduction) don’t take that attitude to your grave.

[D061.jpg tr. totale] 1ère nuit dans chambre.

Ziad dort sur le lit.

Retour sur histoire Nabil, quand je l’ai appelé (je lui donne mes motivations).

 

Mercredi 25

Rencontre père Waddah au Ashbât. « Waddah est rentré. Il faut qu’il soit sérieux, je lui ai dit ».

Qat chez Ziad, + Oussama. Difficulté à avancer. Joue au con.

« Ceux qui traînent le jour » Pourquoi → « Ils aiment trainer le jour ».

« Ceux qui traînent la nuit »  → « Ils aiment trainer la nuit ».

 

Un des fous qu’ils ont interviewé, il venait s’asseoir ici. « Comment il s’appelle ? » « ‘irdân » → Oussama rit (c’est pas vrai).

 

+ عبدالله اثمان, me dit Oussama. Mais Ziad dit dangereux. Père vend épices et encens. Lui taxi. 35 ans. Personnalité précédent Nabil, connue comme la plus charismatique du Hawdh

 

(Problématiser refus. Légitimité du sujet?)

ou

Gène de Ziad, veut savoir où je veux aller sans trop m’en donner.

En sous-main, négociation sur combien j’ai besoin de lui

(donc évaluation relation de dépendance).

 

Oussama veut aller en Fr → va voir à Shihr → Camelin.

Sur quoi ? Sur الخنثة ? Puis refuse de m’expliquer (blague obscène juste?!)

 

Autrefois, (il y a dix ans) c’était un endroit très dangereux. مُضَيِّقة الأخرين

+ gros point de bagarre de la ville.

Vision d’enfant ? Renvoie dans le passé par ruse ?

Je pars un peu énervé, décidément T mauvais informateur.

[D062.jpg] Je passe chez marchand de journaux (…)

Ziad veut rompre

[D063.jpg]

Ziad m’a appelé : « ce soir on met fin à notre relation » Peur que tu m’étudies encore.

 

[CONTENTIEUX Mohammed - Walid]

Arrive Med (photo), puis Walid.

Parle de son copain qui s’est brouillé (comme perdre sa main).

 

Histoire de sous avec Walid. Se défend (je me suis senti blessé → par qui ? Me considère mal)

Ziad prend défense : « Tu sais, tu as été shebab aussi »

Je sais que tu n’es pas Maddi, ce n’est pas ça le pb.

Z : Tu es bête aussi,tu crois que…

Med défend sa sincérité.

Jalal, médiateur.

Z ou 3 autres pers en plus, Abdallah, Zaydan ?

Finalement Ziad convainc Walid d’aller s’excuser.

 

Bref, différences de أخلاق, قيام

Insertion via Mamlaka dans réseau de subsistance.

Exactement ce que je pensais (Walid est d’abord frère de Ziad pour Mohammed).

Faire entretiens avec Walid, Mohammed, mais d’abord consentement Ziad.

+ Problématique de réception de ma recherche. Il faut gagner Ali.

 

+ tôt ce midi, Abdu, discu sur S’il lit ma recherche ou pas. Je lui parle de responsabilité.

 

Parle d’anecdote de Waddah à Ali.

 

[D064.jpg]

Mon étude = catastrophe pour Ziad.

Ziad a peur de mon étude.

Pas de confiance. C’est ça le problème.
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-05-06T18:21:27.703098659'VP
NOTE: 'Manifestement, je n’ai aucune conscience de ce qui cloche avec Ziad, de ce qu’il recherche avec moi. Je l’interprète comme une lubie, une volonté de domination.']
Je suis grave !

J’insiste pour lui traduire ma recherche. En particulier 4°.

 

C’est lui qui arrête. M’explique que quand-même, veut qu’on se voie pas pdt 1,5 mois, juste avant mon retour.

Négo.

On parle de notre relation, à quel point c’est exceptionnel. Je le comprends.

Insiste sur beauté de la création sociale.

 

Blagues avec Ali, Fuwwaz, Ammar sur les marches margelle en face qui aiment la saleté, comme les jeunes. Je l’attaque (Ali). Provoque!

→ Diwan, places.

Ali est T intéressé.

 

 

💡Rédemption religieuse de Ziad = motif + que réalité historique avérée.

Satisfait la demande extérieure & aussi intérieure (via la contestation politique).
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-05-06T18:13:49.363051569'VP
NOTE: 'Intéressant que dans ce moment-là, j’éprouve le besoin de modéliser l’attrait de Ziad pour la religion, dans sa dimension performative.']

[D065.jpg]

Projet d’enquête

Entretiens avec plusieurs interlocuteurs du Rd Point.

Essayer avec Khaldoun, puis autres.

‘udaynî, Shamiri (qui hochait la tête).

Père Waddah.

Nabil ?

Mohammed

etc.

Peut-être plus facile de parler des Pb de Société
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-05-06T18:19:32.287202224'VP
NOTE: 'Je semble n’avoir plus aucune conscience de la contrainte politique, de la parole sur la question sociale. (à creuser à l’échelle des trois mois de 2004)']
. Ensuite objectiver nuances selon point de vue (Shamiris / Resto)

 

Nouveau resto Foul : tombola, 29 septembre. Hyper accueillant…

Mais d’abord régler relation à Ziad.

Il me réserve encore des surprises.

26/8 Ammar S comme informateur

Voir intro retranscription 2004

[D066.jpg] عرف = عادات وتقاليد

Ammar. Informateur impossible (fric, drague) + indicible.

Et en même temps, vrai point de vue.

Jeudi 26 août.

00:30, Ammar frappe il est monté !. Il veut connaître les résultats de ma recherche.

Exemple rel. Mariage : → sentiment de يأس والكبت refoulement

« شعور بالانهزام من داخل"

« J’ai apprécié que tu aies remarqué que quand on rentre dans le Mamlaka avec des étudiants, on est courbé, tête penchée prostré, ضلّ. »

(ce n’est pas ce que je voulais dire). N’ajoute rien ne sort pas du quartier car stable, on peut en parler (+ ambiguïté ruse).

انسان يمتلك وجاهة (considération) بالنقود او بالنفوذ ( prestige, pouvoirascendant) او بالعلم.

في البلدان العربية العرب يعتبر التشريع الخامس.

تشريع الأول au Yémen → دولة منفتحة , Différent Egypte, Liban

 

Exemple de Sheikh, responsable et obeït / Ziad non reconnu au-dehors.

→ « jolie expression.

نتقيد بفكر زياد on se conforme à la pensée de Ziad

بحكم علي سلوكية الأسرة والأصحاب.

traîner avec le père de Ammar.

 

Ça sert d’habiter ici ! À l’hôtel sur le RP, qui est un terrain neutre

En plus je trouve ça assez sain. Transaction dans le respect réciproque.

En même temps bel exemple des difficultés : il faut que j’aie confiance en lui, il faut qu’il m’apporte effectivement quelque chose ; il faut que sa demande soit à peu près justifiée.

Vite le désaccord peut apparaître et réinvestir les pôles pré-établis culturellement.

~Israël  Palestine.

C’est ça « schismogenèse » ?
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-05-06T18:37:05.448169064'VP
NOTE: 'Oui, la suite le montrera. Tenir à distance une schismogenèse.']

Cf engueulade Walid avec Mohammed

ajout dans la marge : -ce serait joli de raconter la scène, en la comparant à mon attitude de l’année dernière…-

-

Je réalise avec Ammar que je défigure un peu la sulh.

Néanmoins important de montrer comment Sulh participe de l’affermissement de
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-05-06T18:34:30.345746217'VP
NOTE: 'Cette phrase est caractéristique de mon « ~intellectualisme~ » cette année-là, où je prends vraiment mes pour des interlocuteurs scientifiques, comme s’ils pouvaient tous participer.']
l’autorité.

Ammar me promet de m’aider dans cette recherche, il va me montrer des gens. Me demande 500 Ri pour un ami, qui était déprimé hier. A trouvé une table basse, genre Mamlaka. Va me la passer sans contrepartie.

Respecte ma recherche. Mais les autres ne comprennent pas.

 

Moi je me tiens à dispo pour explique, je lui dis.

(mais risque plutôt de me garder pour lui)

 

26/8 Qat avec Ziad et Ammar al-Nâshirî

[D067.jpg] Jeudi 26 août

Qat avec Ziad. Discussion sur ma recherche n°2,  à partir de n°1.

→ « intro ». → j’insiste sur stigmate et impact. → Ziad attristé.

 

Après dîner, me dit qu’il revient à décision d’avant, ne veut pas écouter résultats.

J’ai en effet du mal à anticiper à quel point c’est violent.

Il faut que je le soigne.

Cadeau ?

Avant, Ziad demande nouvelles de ma sœur. Veut lui écrire une lettre.

 

Discussion avec Ammar le jeune, malin, veut qu’on discute. Mort/religion/Science. Palestine… Ziad l’encourage pas mal à rester au début, après veut absolument s’asseoir avec moi.

Sa présence a un impact sur rapport de force entre nous.

 

-Décès d’un voisin accident de voiture. Abdallah discours prosaïque, en parlent. (pas d’hystérie!)

 

Tour en voiture avec Yazid Oussama Nabil Abdallah et Omar. Nabil qui râle sur les tribus.

حوار مع صديقي الملحوم الملحد

 

Beignets avec Abdallah. Me conseille de faire attention le soir. Gars qui prennent des cachets, qui te courrent et t’égorgent pour de l’argent.

Discute avec un type de Salah, qui abus, qui emprunte trop à les amis de l’argent...

Salah. Il faudrait le retrouver.

[D068.jpg]

Ammar : à l’origine, le turtur était le chapeau conique qu’on mettait sur la tête des jeunes qu’on voulait punir (tour de la place). (lu dans une histoire pour enfants).

 

Inventaire de mots :

 (sanaa) بعكوك

(sanaa) جحملاوي

 à partir de quartier de Taez ! « Autrefois »

Zonard دانق  ~ تائه

RQ : bien sûr, le dialecte évolue beaucoup plus vite que la langue fixe écrite.

 

Blague de oussama qui dit qu’il est écrit dans recherche que Ammar est Loti (photo…). Ammar piqué au vif, veux des explications…

 

(vendredi)

Espoir : Analyser le rond-point comme lieu de production du stigmate, des catégories (semble trop ambitieux)

↔ et si il existait lien avec « culture du spectateur » générateur d’identités ?

Vendredi – colère de Ziad

Cette page est une juxtaposition de niveaux de conscience différents, notamment l’aliénation de Ziad qui se manifeste très clairement par rapport à ses amis, mais aussi tout un enchevêtrement de commentaires -méta (de Fuwwaz par exemple)… une complexité qui mériterait d’être analysée.

[D069.jpg] Vendredi.

Au lever, je croise Ammar qui reste avec moi → déjeuner → souq. « ne dis pas que tu m’as payé le qat. »

 

Dans mamlaka, j’assiste  à plusieurs engueulades au cours de l’aprèm, à propos de 100 rials, 50, …

Cris, gros mots, partent en colère.

Ils sont habitués. Engueulade codifiée, ne signifie pas fin de relation (absurde, sont des frères).

Se taxent sans arrêt les uns les autres, se testent, s’égratinent, s’entrechoquent sans arrêt.

Par rapport à eux, je suis trop faible.

Cette année, je les vois plus tels qu’ils sont hors de ma présence. Les histoires d’argent sont monnaie courante.

Dévaluation de la gravité.

Banalisation.

Remarque de Fuwwaz : ils se sont habitués à ma présence.

 

يزيد : اعمال حرة من تحت السرة

yazid m’apprend l’expression: "faire des affaires par dessous la ceinture"

 

Ziad de mauvais poil. Dit que je ne le respecte pas en tant que Mudir al-Mal.

Puis demande Flous, flous, flous.

 

Avec عمار  بسام كباب (nom du village)

tentatives à propos du rond-point. Sert à rien.

 

Nu’man passe, me dit Bonjour. Nabil entreprend de me faire voir son sexe. Rient.

 

Discu sur ma recherche avec Ali (sur initiative de Ziad)

Je lui explique principe, efficacité, utilité politique.
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-05-06T19:50:39.936945377'VP
NOTE: 'Efficacité politique de l’ethnographie… à replacer dans l’époque.']

En fait quand on me demande à quoi ça sert, il faut leur parler politique.

C’est ça la question.

 

 

Discu Ziad : pb profond, s’exprime en bloquant : Flous, flous, flous.

« Tu m’arnaques, avant et jusqu’à maintenant. » « Tu veux m’arnaquer. Je demande de l’argent pour réparation. » « Et quoi que tu me donnes ce sera jamais assez par rapport à ce que tu m’as pris. Z(t)
[ANNOTATION:

BY 'Vincent Planel'
ON '2018-05-06T19:47:44.115796808'VP
NOTE: 'Ziad exprime ici comme un viol. Mais sa plainte est incompréhensible, même Oussama ne peut pas la comprendre. C’est ma posture objectiviste qui le viol. Mais il voit bien que je n’en suis pas conscient, et c’est d’autant plus destructeur pour lui qu’il ne peut pas me haïr, et que même ses amis d’enfance me respectent.']

Ossama doit faire médiateur. Ne le comprend pas.

Blessé. Exprime par « arnaque » sentiment de colère et de honte → mépris social.

Et malaise. Et par mépris social,

Sentiment de dégradation, malaise → à l’intérieur : expérience d’arnaqué

→ à l’extérieur : expérience de stigmatisé.

Besoin de m’arnaquer

Perso

rationnalisation. Je suis pervers. Mais va aussi avec notre bras de fer.

 

 

 

 

[D067.jpg]

Cdt

CdT Theo

1Poignard d'apparat recourbé, porté au Yémen par les hommes de tribu.

2Je reproduis ici les notes du soir, et pas celles du lendemain où je reviens sur la cérémonie.

3Camarades de classe préparatoire scientifique entre 1998 et 2000, à l'époque où j'ai commencé à apprendre l'arabe. Toute mon enquête au Yémen est une répétition de ces expériences « d'amitié amoureuse » vécues dans le cadre scolaire. Je consacrerai plus loin quelques pages ou un chapitre à une relecture de certaines expériences scolaires à la lumière de ce que j'ai compris au Yémen, visant à expliquer le type de conjonctures très particulières qui rendait possible ces expériences (je pense à un processus analogue au Naven de Bateson, un « Naven scolaire »).

4Je suis en terrain connu également parce que je fais face à l'émotion en appliquant la méthodologie de l'enquête ethnographique, comme en témoigne l'utilisation du terme « allié ». Voir Stéphane Beaud et Florence Weber, Le guide de l’enquête de terrain (Paris: La découverte, 1998).

5Je pense en fait à « corps pour corps », les carnets publiés par Jeanne Favret-Saada après Les mots, la mort, les sorts. Jeanne Favret-Saada et Josée Contreras, Corps pour corps. Enquête sur la sorcellerie dans le bocage. (Paris: Gallimard, 1981).

6De fait, même dans l'université yéménite, la comptabilité n'est pas une matière très valorisée, on peut y entrer avec des notes moyennes. À la sortie du secondaire, Ziad investissait peu l'école et il avait des notes moyennes.

7Plus tard, le terme Za'îm sera réservé à Ziad, lorsqu'il le reprendra à son compte pour élaborer la théorie de son propre charisme. Vincent Planel, « “Zaïd, Za’îm al-hâra [Leader du quartier]” : analyse sociologique d’un charisme de quartier », Chroniques yéménites 12 (2005): 81-102.

8Concept Bourdieusien…

9Je pense au problème des bactéries nosocomiales, qui développent une résistance aux antibiotiques dans les milieux trop aseptisés comme les hôpitaux ou les maisons de retraite. Ce problème offre une bonne illustration des principes de la sélection naturelle.

10Je faisais référence à Pierre Bourdieu, Science de la science et réflexivité (Paris: Raisons d’agir, 2001).

11Je faisais référence à E.W. Said, Covering Islam : How the Media and the Experts Determine How We See the Rest of the World (New York: Vintage, 1981).

12Sauf dans des circonstances exceptionnelles, telles que celles que nous traversons aujourd’hui, quinze ans après les faits, où il peut être intéressant au contraire de produire ces matériaux bruts et dans leur intégralité (photos des pages + transcription verbatim). Je l’ai fait il y a quelques mois avec l’intégralité de mes séquences vidéos - mises sur Youtube en janvier 2018 sous forme brute, avec un ordonnancement sommaire - et c’est exactement la même chose que je suis en train de faire avec mes notes de 2003. Mais on voit bien que cette démarche s’inscrit dans un contexte d’une certaine gravité, à la fois dans ma situation personnelle et pour le pays lui-même. J’ai mis en ligne mes vidéos parce que je n’en pouvais plus de porter ces souvenirs, et dans un désir d’interpeller directement les Yéménites. De fait, la mise à nu de ces images m’a remis en mouvement : je me suis mis à préparer des allocutions en langue arabe, ce que je n’avais jamais fait jusqu’à présent. C’est dans la même optique que s’inscrit la transcription verbatim de mes carnets de 2003, où ne figure aucun détail intime, mais dont j’ai toujours eu honte pour des raisons de circonstances (je gardais toujours un lien avec les personnes concernées). Le fait de produire ces notes transforme assez radicalement ce que je suis capable de dire et de penser, même si ces transcriptions sont mises en annexe (ou sur un site en ligne) et le lecteur ne s’y réfèrera pas forcément.

13Dans La division du travail social (1893), Durkheim nomme « solidarité mécanique » un type de lien social caractéristique de la société traditionnelle, fondée sur la proximité, l’attachement à la norme et une forme de conscience collective. Les sociétés modernes à l’inverse, verraient se développer une « solidarité organique », fondée sur la division du travail et l’interdépendance objective.