Petite histoire de mon Aniblog
Sète,
le 30 décembre 2014
En 2007, mon travail
d'anthropologue a connu un tournant important. J'étais un
ethnographe s'aventurant dans une société étrangère, je suis
devenu un ethnographe s'aventurant dans sa propre vie. Au cours
des mois et des années qui ont suivi, j'ai été pris d'une envie
furieuse de placer des petits cailloux sur mon chemin.
Bien sûr, mon enquête dans la
société yéménite gardait la trace de ce cheminement, des
circonstances qui m'avaient mené là. Mais pour un lecteur
français, c'était trop compliqué à expliquer, d'autant que mon
point de vue allait se transformant de fond en comble. J'étais
frustré car je voulais tout de même m'exprimer, interagir, en
allant à l'essentiel.
Depuis l'adolescence, j'écoutais
une chanteuse américaine, dont la voix et la poésie me
transportaient. C'était une passion assez solitaire, la plupart
de mes camarades du lycée ne parlaient pas suffisamment anglais
pour comprendre. À l'époque cela ne me gênait pas, j'étais
plutôt habitué aux passions solitaires. La chanteuse produisait
un album par an, et chaque album venait prendre place dans ma
vie de jeune adulte, s'identifiant à une période particulière.
Ensemble, ils formaient un album photo que je parcourais
régulièrement, comme ma propre vie.
À 23 ans j'ai commencé à faire de
longs séjours au Yémen. Ani Difranco m'a accompagné dans ces
voyages, et dans les moments difficiles de ma vie sur le
terrain. Petit à petit, sa voix est devenue indissociable de ma
conscience morale au sein de la société yéménite. À 27 ans,
donc, j'ai ramené l'islam dans mes valises. C'était un geste un
peu fou, je ne savais pas moi-même ce que ça voulait dire. Que
dire à mes proches maintenant? Comment partager? Depuis de
nombreuses années déjà, en tant qu'anthropologue, j'essayais
d'exprimer quelque chose dont je faisais l'expérience au Yémen,
sans jamais y parvenir. À quoi bon ajouter maintenant des
passages du Coran, telle ou telle parole du Prophète? Je savais
déjà comment mes proches allaient l'entendre - d'ailleurs
je ne me faisais pas assez confiance à moi-même, j'avais peur de
saccager le texte avec mes analyses. Alors que dire? Que
partager?
Finalement, j'ai ouvert un blog,
intitulé "la Sainte Patronne des Ethnologues", et je me suis mis
à traduire des chansons d'Ani Difranco.
Ça n'a pas été un franc
succès : même traduit en français, ma chanteuse adorée ne
suscitait pas vraiment de réactions. J'avais aussi un peu honte
de cette "adoration". Toute cette histoire était bien
problématique, posant des questions sensibles et
importantes, auxquelles j'étais loin d'avoir la réponse…
Mais j'ai tout de même continué plusieurs années, j'ajoutais une
traduction de temps en temps, pour me défouler. Un jour vers
2011, j'ai voulu mettre à jour la version de Wordpress, et mon
blog est devenu inaccessible. Ce n'était pas très grave.
L'année dernière, j'ai dû renoncer
au monde académique et aux sciences sociales, ce qui n'était pas
facile. Une chanson d'Ani, Zoo,
la dernière du dernier album en date, exprimait très exactement
mon humeur : "I can no longer
watch TV, cause that shit really melts my brain". J'ai
mis la chanson sur la page d'accueil de mon site, et elle y est
resté toute l'année 2013.
Et puis il y a deux jours, j'ai
rédigé un nouveau texte pour ma page d'accueil, avec cette
caricature de Plantu où Hollande balance son pipi de chat sur la
tête d'un djihadiste. Ça m'a fait penser à la phrase d'Ani : "Words
are hotter than flames, words are wetter than water…",
alors j'ai traduit la chanson Willing
to Fight. Je continue de considérer Ani Difranco
comme une voix importante, et mes traductions valent le coup. Je
vais peut-être en exhumer quelques unes et les mettre ici,
bientôt inchallah.
[16 mai 2020 : je remets en ligne
toutes ces traductions (en lien avec mon texte "Déconfinement")].
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Mes traductions
/ billets de blog
Les titres en gras sont les chansons traduites.
8 mars 2008 : Marrow
/ La Sainte Patronne des Ethnologues
S’y mettre… / L’épaisseur
du clic
16 mars 2008 : Untouchable
Face / Unrequited
9 mars 2008 : Next Bold
Move
1er avril 2008 : Willing
to Fight / Ani Difranco, Mujtahid Babe
Every State
Line / L’attestation d’hébergement
8 avril 2008 : Grey
au Caire
10 mars 2008 : Bateson,
Ani Difranco et les chats
1er juin 2008 : Nina Simone / Anthroppolloggi
Goddam !
21 janvier 2009 : Obama
et les hommes qui accouchent
1er janvier 2009 : Red
Letter Year + Alla this
4 avril 2009 : Swan Dive
/ Le plongeon du cygne
10 juin 2009 : Landing
Gear
11 octobre 2009 : Subdivision,
et l’alignement de la rue Gabriel Péri
15 juillet 2010 : When
I’m Gone, reprise Phil Ochs
22 mai 2011 : Make them Apologize / Je
suis très en colère (sur l'affaire DSK).
29 décembre 2011 : Napoleon
30 décembre 2011 sur youtube : Most
of the Time (reprise de Dylan)
26 janvier 2013 : Up up up up up up : Structure
& croissance d’Ani Difranco…
Décembre 2013 : Zoo
(pour fermer mon site)
Décembre 2014 : Willing
to Fight (voir ci-dessus)
20 mai 2020 : The
million you never made (pour fêter le retour en
ligne de mon aniblog)
27 septembre 2020 : Coming
up / Petit cours d’anthropologie complotiste
14 octobre 2020 : Letter
to a John / Mes engagements
Mes billets trop "border line"
Je place aussi d'anciens billets de mon blog
Médiapart, supprimés parce que je ne les assumais plus,
mais que je trouve assez savoureux aujourd'hui :
12 mars 2011 : Privatisons
IKEA!
18 Décembre 2011 : L'ethnologue
et la capote
18 mai 2011 : Potiche
Présidente! (Sur les primaires PS de 2012)
14 octobre 2011 : Your
Next Bold Move, pour Martine (idem)
20 janvier 2013 : Quoi
ma gueule? (réaction à une caricature de Plantu)
22 novembre 2015 : Not
A Pretty Girl / L'islam est un féminisme
généralisé
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