Anthropologue-musulman
Une défense intellectuelle de l’islam et de la laïcité

Je risque quelques intuitions à la faveur de la mobilisation des gilets jaunes, vu que je n’ai rien à perdre.

Vraiment des bribes lancées comme ça, j’affinerai peu à peu.

 

Résumé

Je suis un anthropologue-musulman. Pas juste un anthropologue de l’islam, ni même un musulman anthropologue, mais quelque chose de plus. Je suis un anthropologue-musulman, avec un tiret. Au-delà du petit jeu de rôle qui donne lieu à ces deux postures, au-delà de l’anthropologie de l’islam en tant qu’épistémologie et fait social total, je m’efforce de tracer un chemin cohérent.

Pour s’informer rapidement sur les circonstances d’élaboration de ces propositions, je renvoie à l’accueil de ma page personnelle, puis à ce passage dans mon « autobiographie de gilet jaune ».

Pour comprendre plus précisément le rapport avec mon travail au Yémen et la problématique de sa réception par des musulmans alphabétisés, voir l’accueil de mon chantier « scène primitive », puis mon réquisitoire vers la fin du texte « La solitude de Waddah ».

 

Qu’est-ce qu’un anthropologue-musulman ?

Écoles médiévales d’Orient et d’Occident

L’anthropologie de l’islam comme « fait social total » (ou : de l’opportunité du dégagisme)

 

 

Qu’est-ce qu’un anthropologue-musulman ?

14 décembre 2018 (mais je retouche peu à peu)

À la base, un anthropologue-musulman est quelque chose d’extrêmement simple.

Un anthropologue est un chercheur qui étudie l’homme en société (anthropos), et moi j’ai fait cela dans un pays musulman. En même temps, je suis moi-même originaire d’un pays qui comporte une importante minorité musulmane, un pays dont l’islam fait partie - dans le sens où le fait de devenir musulman n’est pas contradictoire avec le fait de rester français, ni même de rester anthropologue, en théorie. Ces deux conditions étant réunies, l’évènement que j’appelle « anthropologue-musulman » a toutes les chances de se produire : l’éventualité que le chercheur devienne musulman à un instant t de sa recherche (situé pour ma part en septembre 2007), et qu’à partir de cet instant t l’islam et l’anthropologie deviennent liées chez lui de manière de plus en plus inextricable - ce que dénote le tiret - tout en s’inscrivant toujours dans des traditions discursives1 absolument distinctes - ce point est important aussi.

En tant qu’anthropologue-musulman, je pratique une anthropologie absolument générale, non-réduite à l’étude des seuls musulmans, de ce qu’ils font où de ce qu’ils sont censés faire. Les analyses que je développe dans le contexte discursif de l’anthropologie et des sciences sociales, sont différentes de celles élaborées dans un registre discursif islamique, lorsque je m’adresse à Dieu, ou à un coreligionnaire en tant que croyant. Je ne mélange absolument pas les genres. Le tiret signifie cela aussi : d’un point de vue syntaxique, « musulman » n’est pas un qualificatif « d’anthropologue », ni l’inverse. La juxtaposition des deux termes n’implique aucune réduction pour l’un ou pour l’autre. Un anthropologue-musulman, c’est donc quelque chose d’extrêmement simple, et cette simplicité est la laïcité-même.

Sauf que dans les faits, l’anthropologue-musulman peine à exister. C’est cela qu’il faut expliquer, et c’est là que les choses commencent à devenir complexes. Dans l’espoir de cerner peu à peu le problème, je me contenterai ici d’aligner quelques remarques.

* * *

Sans doute la dimension normative cachée du discours anthropologique participe-t-elle du problème. Contrairement à ce que les sciences sociales se racontent à elles-mêmes, les discours sociologiques et anthropologiques n’ont jamais une vocation purement descriptive. Elles s’inscrivent toujours dans des institutions, qui ont leur propre histoire, et qui cherchent à faire advenir une certaine réalité sociale. Notamment - pont avec la mobilisation des Gilets Jaunes - le discours sociologique (et socio-anthropologique) s’inscrit toujours en relation avec une certaine manière de penser l’égalité, et de la faire advenir.

[J’écoutais hier une émission sur les Gilets Jaunes, La suite dans les idées du 12 janvier 2019 sur France Culture, à propos de l’ouvrage collectif Où va la France populaire. Il était question de sociologues que je connais bien : Bourdieu et Hoggart, Olivier Schwartz et plus récemment Florence Weber - c’est par elle que j’ai été formé. Et je me disais justement, en les écoutant, que c’est passionnant quand on est dedans, parce qu’on apprend beaucoup de choses sur la société française, mais c’est quand même pas une modélisation réelle de la société, de ce qu’est la société, de ce qui fait lien social. C’est plutôt un discours sur les inégalités, un discours qui se pense lui-même comme condition du lien social, qui vise à rétablir l’égalité et la paix entre les humains, simplement à travers une forme de témoignage. Il y a toujours cette croyance implicite chez le sociologue, d’ordre presque magique, que la sociologie est le lien social, et que les ennemis de la sociologie sont des ennemis du lien social. Cette croyance est indissociable de certains angles morts de la recherche empirique. Et je pense que dans la crise actuelle, ces angles morts aussi sont violemment mis en cause. J’y reviendrai…]

Cette dimension normative cachée des sciences sociales produit une collusion avec un autre type de discours normatif, produit cette fois par les fuqaha, la tradition islamique jurisprudentielle.

Or en réalité, ces discours s’inscrivent dans des contextes historiques très éloignés, des institutions distinctes, dont la collusion a été provoquée par la modernité et le colonialisme. À un certain moment de l’histoire (mais peut-être en fait depuis toujours), l’anthropologie a été le lieu d’une négociation politique entre des musulmans et des Européens. Des musulmans lettrés ont alors souhaité voir coïncider la norme anthropologique et la norme jurisprudentielle, par pragmatisme face à l’intrusion coloniale, mais aussi pour minimiser leur inconfort subjectif.

Cette situation est toute différente de la mienne, anthropologue de terrain travaillant dans la société yéménite des années 2000, qui en suis venu à me convertir à l’islam. Pour ma part, je faisais clairement la différence entre devenir yéménite et devenir musulman… Si bien que de mon point de vue, les arguments élaborés dans le contexte discursif de l’anthropologie n’ont aucune raison d’être transposables de manière univoque dans le contexte de la jurisprudence islamique (fiqh)…

…si ce n’est sur un point très précis mais décisif : la définition de l’islam lui-même, où ils peuvent et doivent coïncident parfaitement. En affirmant cette possibilité, je propose donc une autre articulation entre l’islam et l’anthropologie : articulation non plus centrée sur le lettré musulman confronté à la situation coloniale, mais sur le lettré européen cheminant vers l’islam dans ce contexte-là. Bien sûr l’idéal serait d’aboutir à une articulation commune, un compromis entre le musulman anthropologue et l’anthropologue-musulman…

* * *

Autre remarque : l’évènement « anthropologue-musulman » n’advient jamais que par accident. Mon cas ne fait pas exception : à l’origine, je n’avais aucunement l’intention de devenir anthropologue-musulman. J’étais physicien de formation, et aussi passionné par la langue arabe, et habitué à une camaraderie scientifique transculturelle par ma trajectoire personnelle et familiale. Quand je me suis réorienté vers les sciences sociales, peu après les attentats du 11 septembre 2001, c’était avec l’intention de devenir un « super-anthropologue », de trouver l’équation qui résoudrait tout. Il y avait quelque chose d’intellectuellement très ambitieux, de très rationnel, et en même temps quelque chose d’un peu fou, né dans des circonstances liées à la mort de mon père, lorsque la langue arabe était devenu une sorte de béquille dans ma vie de jeune adulte. Si je suis devenu anthropologue-musulman, c’est par l’effet d’un malentendu, une sorte de quiproquo familial et intellectuel. Mais cela ne peut être autrement en réalité, et c’est précisément ce que tous nos « musulmans anthropologues » refusent de reconnaître.

* * *

En tant qu’anthropologue-musulman, mon existence est structurellement menacée par deux types d’acteurs, liés par un rapport de cooptation réciproque :

Dans l’expression « musulmans anthropologues », j’inclus quantité de gens en réalité : des sociologues, des politistes, ou même des journalistes… Je les place tous dans la catégorie des « musulmans anthropologues » (sans tiret) : des personnes déjà de confession ou d’éducation musulmane à la base, qui se mettent à produire une sorte « d’anthropologie spontanée » de l’islam, sans que cela implique pour eux la nécessité de « redevenir » musulmans, et dont la démarche anthropologique, de ce fait, reste surdéterminée par leur condition sociale de musulman.

L’important est de remarquer qu’entre ces deux catégories d’acteurs, il existe une sorte de connivence, une cooptation réciproque. L’anthropologie de l’islam ne peut exister qu’en vertu de l’existence de musulmans anthropologues, au moins à titre de possibilité. Et qu’il s’agisse de véritables anthropologues importe peu, à vrai dire : l’essentiel est d’avoir des musulmans qui prennent la parole sur le mode discursif de l’anthropologie, qui participent au grand édifice de l’Humanisme institutionnalisé. Des personnes qui s’identifient et sont identifiées comme musulmanes, sans trop savoir nécessairement  ce que cela implique. Un peu comme le genre de contributions qui font aujourd’hui les réseaux sociaux, contributions spontanées et apparemment anodines. Pour que « l’anthropologie de l’islam » existe, il faut que des musulmans aient consenti à poster leur photo, tout sourire, et identifiables en tant que musulmans, fut-ce de manière tacite (c’est même encore mieux). « L’anthropologie de l’islam » est une sorte de Facebook, par lequel des musulmans consentent à se laisser définir.

Ce que nous appelons aujourd’hui « anthropologie de l’islam », en fait, engage l’existence-même de l’humanisme européen. Tout l’enjeu de cette entreprise humaniste, c’est qu’elle instaure un état de fait comme naturel. Elle fonde à la fois l’existence de l’anthropologie comme discipline autonome, et l’existence objective de l’islam, comme essence. Elle fonde un dualisme épistémologique, entre le champs des idées sociologiques et celui des idées religieuses ; elle fait croire que cette séparation comporte un caractère ontologique, alors qu’elle relève d’une structure des contextes, historiquement constituée. Et ce n’est qu’à cette condition, logiquement antérieure, que d’autres personnes, non-musulmanes, vont pouvoir se déclarer « anthropologues de l’islam ».

Cette situation laisse entendre que l’islam serait une culture non-européenne, au même titre par exemple que la culture amérindienne. Elle fait croire que les éléments essentiels du dogme ne seraient pas intelligibles en tant que propositions sociologiques - alors que les fondateurs de la sociologie (comme Marcel Mauss) avaient tout à fait conscience de cette convergence et de cette antériorité2.

Mais l’anthropologie actuelle de l’islam, d’un point de vue logique, conteste implicitement la double profession de foi, en tant que description nécessaire et suffisante du fait social appelé « islam ».

[…débouche aussi sur la question historique d’Ibn Khaldoun (1332-1406) - la première occurence de la pensée sociologique en contexte islamique, bien en amont de l’humanisme européen - et de son rapport avec la pensée islamique de l’époque. Notamment celle d’Ibn Taymiyya, qui intervient quelques décennies avant, et dont la pensée d’Ibn Khaldoun n’est par certains aspects qu’une reformulation, adressée au souverain.3].

 

 

Écoles médiévales d’Orient et d’Occident

Je reproduis ici la conclusion de mon texte : « Mohammed, un pur matheux », du 4 janvier 2019

(accessible dans mon chantier « scène primitive »).

 

Je propose une courte vidéo qui résume l’exposition « Lumières de la sagesse. Écoles médiévales d’Orient et d’Occident », présentée en 2013 à l’Institut du Monde Arabe (on pourra visionner simplement de 2:18 à 4:52). Entre les madrassas et les universités qui naissent vers le XIème siècle, l’historien Eric Vallet dit bien le point de divergence (même s’il préfère pour sa part ne pas insister) :

« Dans le monde latin, à partir du XIIème siècle, se multiplient les écoles urbaines, et cette multiplication va conduire assez rapidement à un nouveau type d’organisation, sur le modèle de ce qui se faisait ailleurs dans la ville : la corporation. Et c’est la naissance de ce qu’on appelle depuis ce temps-là les universités, c’est-à-dire ces sortes de syndicats de maîtres et d’étudiants. »

De ce fait, la socialisation universitaire a des conséquences épistémologiques et spirituelles, dont les déterminants historiques et le caractère structurel apparaissent de moins en moins clairement, à mesure que progresse l’entreprise (inconsciente) des sciences sociales pour « noyer le poisson ». Presque nécessairement, les diplômés musulmans sont emportés par un « vécu », qui leur ferme l’accès à leur propre tradition religieuse. Mais de plus en plus de diplômés musulmans, au nom d’un prétendu « réformisme », se contentent d’ignorer le problème et de traiter leurs coreligionnaires d’arriérés.

L’anthropologie de l’islam comme « fait social total » (ou : de l’opportunité du dégagisme)

22 décembre 2019

C’est vachement plus clair quand je m’énerve, étrangement…

 

Pourquoi je suis gilet jaune ? C’est en fait très simple.

Après des études de physique, j’ai souhaité devenir anthropologue, et j’ai passé environ dix ans de ma vie à faire des allers-retours au Yémen, pour de longs séjours d’immersion dans la société. Ma recherche avait fini par s’organiser autour de la thématique de « l’homoérotisme » - un thème de recherche très à la mode dans les années 2000, avant le réveil politique des peuples arabes. Pour moi, ça voulait dire l’observation des mirages d’homosexualité dans la sociabilité masculine urbaine, à la fois dans l’humour, dans les rumeurs ou les croyances collectives. À travers cette recherche, je cherchais en fait à comprendre pourquoi j’avais été confronté à l’homosexualité, tout à la fin de mon premier séjour en 2003. Je n’en parlais jamais explicitement, mais c’était transparent dans mes textes et dans toutes mes interventions académiques : j’essayais de comprendre le rapport entre l’homosexualité et l’objectivation sociologique, pourquoi à la fin de cette première immersion, l’arrachement au terrain et le passage à l’écriture avaient exigé cette confrontation à l’homosexualité. Après trois années de thèse, vers 2008, j’étais arrivé à quelques résultats substantiels. J’avais compris que je n’étais pas homosexuel, et que les Yéménites surtout ne l’étaient pas, que l’homosexualité était un artefact de la rencontre ethnographique : le carambolage d’un Occidental en chair et en os avec l’Occidental sublimé du Régime Yéménite.

 

Sauf que cette belle histoire, personne n’a voulu l’entendre : je me suis débattu pendant cinq années encore, pour faire aboutir la rédaction de ma thèse, face à des interlocuteurs académiques qui refusaient de me relire de manière constructive, malgré le contexte yéménite devenu des plus urgents. L’aboutissement de ma réflexion faisait peur, et ce pour une raison très simple : l’anthropologie de l’islam est un régime de prostitution généralisée. Mais je parle ici d’anthropologie de l’islam dans un sens très général : l’ensemble des discours et des pratiques qui contribuent à établir l’islam comme objet anthropologique. Je parle d’un phénomène de très grande ampleur, qui structure le monde d’après 1945 : l’anthropologie de l’islam est un « fait social total » au sens de Marcel Mauss, c’est-à-dire qui comporte une dimension aussi bien politique que matrimoniale, économique ou juridique, mobilisant l’ensemble des institutions de la société. L’anthropologie de l’islam possède néanmoins une fonction objective, qui se dérobe à la conscience des acteurs (mais que la sociologie ne manquerait pas d’établir si elle le voulait vraiment) : sa fonction est d’empêcher l’émergence d’anthropologues-musulmans, c’est-à-dire de musulmans pratiquant les sciences sociales et l’anthropologie la plus générale, de manière strictement laïque, loin de toute cooptation tacite et de tout culturalisme, portés simplement par la dynamique de leur engagement intellectuel et par leur foi. Cette possibilité est anéantie quotidiennement, par la structure des rapports établis entre spécialistes des sciences humaines (sociologues, anthropologues, psychologues, etc.) et leurs musulmans de service, qui se coulent dans ces institutions et dont la présence est décisive pour la crédibilité globale de ces discours, cette anthropologie implicite de l’islam, qui diffuse à tous les étages de la société.

Et c’est seulement à la fin de ce processus que vient « l’anthropologie de l’islam » au sens académique restreint, c’est-à-dire tels et tels chercheurs qui s’efforcent de définir anthropologiquement la religion musulmane : globalement je trouve cette démarche peu convaincante, mais je ne leur en veux pas spécifiquement, ce n’est pas l’existence de ces chercheurs qui empêche l’émergence de sciences sociales véritablement laïques et musulmanes. Ils sont plutôt le chiffon rouge qu’on agite, pour épuiser les velléités critiques, et ont plutôt du mérite en cela…

 

J’avais dix-huit ans quand j’ai commencé à apprendre l’arabe, avec des camarades scientifiques, j’en ai aujourd’hui trente-huit. Cela fait maintenant quinze ans que je me confronte aux institutions des sciences sociales, que je m’épuise à leur parler. Cela fait plus de onze ans que je suis musulman, que je m’inquiète de l’intérieur de la « chose commune », plus généralement. Mais je n’ai ma place nulle part, du fait même de ce que m’a appris la rigueur intellectuelle. J’appartiens à une génération sacrifiée. Je m’identifie à la révolte des gilets jaunes, car je constate que plus on parle à ces gens, plus on va vers eux, plus ils sont lâches, et plus on leur donne raison. Maintenant ça suffit, je veux juste qu’ils dégagent. 

😮

 

Pour l’instant je laisse l’aspect rugueux. C’est le moment « gilets jaunes ».
J’ai bien conscience de ne pas être encore retombé sur mes pieds, mais c’est plus intéressant je trouve.

 

Coming soon : Synthèse d’anthropologie historique

Pour rationaliser tout ça en termes d’anthropologie de la parenté, je travaille actuellement sur les ouvrages suivants :

* Gérard Delille. L’économie de Dieu: famille et marché entre christianisme, hébraïsme et islam (Les Belles Lettres, 2015).

 que j’aimerais croiser avec :

* Emmanuel Todd, Où en sommes-nous ? Une esquisse de l’histoire humaine (Le Seuil, 2017).

 et un livre qui m’accompagne depuis plus longtemps :

* Ovamir Anjum. Politics, Law and Reason in Islamic Thought: The Taymiyyan Moment (Cambridge University Press, 2012).

Je voudrais arriver à formuler une alternative à « l’anthropologie de l’islam », soit une anthropologie générale, intégrant pleinement l’islam dans l’histoire commune (comme j’ai essayé de faire sur l’esclavage4 il y a quelques mois).

 

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1Je reprends à Ovamir Anjum la notion de « tradition discursive », introduite initialement par Talal Asad. Ovamir Anjum, « Islam as a discursive tradition: Talal Asad and his interlocutors », Comparative Studies of South Asia, Africa and the Middle East 27, no 3 (2007): 656–672.

2Voir par exemple dans le fameux Essai sur le don (1923-1924), les derniers paragraphes de la « Conclusion de sociologie économique et d'économie politique » : « Peut-être pourrions-nous indiquer une conclusion à la fois sociologique et pratique. La fameuse Sourate LXIV, « déception mutuelle » (Jugement dernier), donnée à La Mecque, à Mahomet, dit de Dieu :       
"15. Vos richesses et vos enfants sont votre tentation pendant que Dieu tient en réserve une récompense magnifique. 16. Craignez Dieu de toutes vos forces; écoutez, obéissez, faites l'aumône (sadaqa) dans votre propre intérêt. Celui qui se tient en garde contre son avarice sera heureux. 17. Si vous faites à Dieu un prêt généreux, il vous paiera le double, il vous pardonnera car il est reconnaissant et plein de longanimité. 18. Il connaît les choses visibles et invisibles, il est le puissant et le sage."       
Remplacez le nom d'Allah par celui de la société et celui du groupe professionnel ou additionnez les trois noms, si vous êtes religieux ; remplacez le concept d'aumône par celui de coopération, d'un travail, d'une prestation faite en vue d'autrui : vous aurez une assez bonne idée de l'art économique qui est en voie d'enfantement laborieux. On le voit déjà fonctionner dans certains groupements économiques, et dans les cœurs des masses qui ont, bien souvent, mieux que leurs dirigeants, le sens de leurs intérêts, de l'intérêt commun. »

3Je renvoie au livre d’Ovamir Anjum, un chercheur états-unien qui a joué un rôle décisif dans ma réflexion : Politics, Law and Reason in Islamic Thought: The Taymiyyan Moment (Cambridge University Press, 2012).

4 https://blogs.mediapart.fr/vincent-planel/blog/300518/violence-de-l-esclavage-violence-de-la-verite

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