La bataille de
Taez : topologie et enjeux
31 octobre 2018
Figure
1 : Vue sur Taez et sa
Forteresse Surplombante, depuis les flancs du DjébelSabir.
Juchée
sur un éperon rocheux au pied d’une grande montagne, la Forteresse
Surplombante ( Qal’a al-Qâhira )
domine une plaine agricole irrégulière [figure 1]. Cette montagne est
le Djébel Sabir, qui culmine à 3000 m. d’altitude. Elle appartient au
massif d’al-Hujariyya, qui surplombe le détroit de Bab el-Mandeb face
à la Corne de l’Afrique. Mais notre forteresse est tournée vers le
nord, vers cette plaine agricole suspendue à 1400 m., point de passage
naturel pour les caravanes entre Mokha et Aden, la Mer Rouge et
l’Océan Indien. La ville de Taez s’est développée là, sous cette
forteresse, à partir du XII ème
siècle. Plus au Nord commencent d’autres montagnes, plus escarpées,
des Hauts Plateaux plus arides, vers l’antique ville de Sanaa :
un pays reculé peuplé de guerriers farouches, donnant sur le désert
d’Arabie. Mais autour de Taez, le Bas Yémen est une région fertile,
arrosée par la mousson, c’est le grenier de
l’Arabia Felix. De tout temps, ses habitants ont voyagé vers les côtes
d’Afrique de l’Est, puis au vingtième siècle vers la colonie
britannique d’Aden, où ils ont fourni l’essentiel de la main d’oeuvre
d’un port mondial. C’est là aussi, dans le massif d’Al-Hujariyya,
qu’ont été fondées les premières écoles au Yémen du Nord, vers les
années 1940. Taez est un point d’équilibre entre ces espaces
géographiques contrastés, entre ces destins divergents qui composent
l’expérience yéménite. Taez est la clé du pays, à plus d’un titre. Qui
contrôle la ville contrôle le Yémen tout entier. [Figures 2 et 3]
Figure
2 : Carte du relief centrée
sur Taez et le massif d'Al-Hujariyya. (source
gouvernement ale
yéménite)
Figure
3 : Le front en 2018 (d’après
Wikipedia )
En rouge : Zone contrôlée par le gouvernement
yéménite.
En vert : Zone contrôlée par les Houthis.
(Vers Aden : Zone contrôlée par les séparatistes du Conseil
de transition du Sud.)
Entre 1948 et 1962
le dernier imam zaydite, qui régnait sur le Yémen du Nord depuis les
Hauts Plateaux, avait déplacé sa capitale de Sanaa à Taez, afin de mieux
contrer la pression modernisatrice venue d’Aden et de l’Egypte
Nasserienne. Le nouveau palais fut construit à l’est de la Vieille
Ville, sur les hauteurs d’Al-Gahmaliyya. La garde de l’imam, venue
elle-aussi des régions montagneuses du Nord, s’installa derrière le
palais, soit juste un peu plus au sud et encore plus en hauteur. Quant
aux ambassades étrangères, elles s’installèrent un peu en contre-bas du
palais, vers Hawdh Al-Ashraf (littéralement le « Bassin des
Saints »), qui n’était jusque là qu’une halte à l’extérieur des
murs où s’abreuvaient les caravanes. C’est là que fut construite dans
les années 1950 la première usine de traitement des eaux du pays,
offerte par les Etats Unis d’Amérique. Sur les pentes du Djébel Sabir,
le pouvoir vacillant des imams mettait en scène son pouvoir, selon une
transposition directe de la situation du pays inversée comme dans une
chambre noire : à Taez, la modernité vient du Nord et le pouvoir
impose son fief depuis le Sud.
Après
la Révolution de 1962, dans la République Arabe du Yémen, c’est aussi
au Hawdh que l’on construisit la Préfecture de Taez, adossée à l’usine
de traitement des eaux, ainsi que la première école moderne, l’École
du Peuple, construite par l’Union Soviétique. Mais plus au Nord dans
les Hauts Plateaux, la guerre civile faisait rage, entre les partisans
de l’imamat et ceux de la République : les premiers armés par
l’Arabie Saoudite, les seconds par l’Egypte de Jamal Abdelnasser.
Indirectement, c’était un affrontement entre blocs de la « Guerre
Froide », l’Arabie Saoudite étant alignée sur les Etats-Unis
depuis la première moitié du vingtième siècle, tandis que Nasser, bien
que « non-aligné », s’inscrivait dans le camps
« anti-impérialiste ». Mais cette guerre s’inscrivait aussi,
au sein même du monde arabe sunnite, dans la continuité d’une rivalité
ancienne entre l’Arabie Saoudite et l’Empire Ottoman, dont le Yémen
avait déjà été le théâtre. Rappelons que l’Arabie Saoudite est née au
XVIII ème siècle, dans
la région du Nejd - non loin des comptoirs commerciaux du Golfe
Persique - lors de l’alliance des Al Saoud avec le prédicateur
Mohammed bin Abdelwahhab, qui contestait la légitimité de la
domination ottomane. C’est donc un clivage bien plus ancien que la
guerre froide, un clivage aussi ancien que la domination anglaise sur
les mers et que l’idéologie des Lumières (à laquelle Abdelwahhab fait
implicitement référence), portant essentiellement sur la conception
islamique de l’État dans un contexte de domination européenne.
Du
fait de sa position géostratégique sur le détroit de Bab el-Mandeb, le
Yémen fut le théâtre de cette rivalité tout au long du XIX ème
siècle, et jusqu’à la chute de l’empire Ottoman. Pour s’immiscer dans
l’alliance tacite entre les imams zaydites des Hauts Plateaux et les
britanniques installés à Aden, les ottomans multipliaient les
incursions à partir de la Tihâma (plaine côtière de la mer rouge).
Logiquement, les Taezis connurent une occupation ottomane beaucoup
plus durable que la capitale Sanaa, au point qu’on les désignait comme
des burghulî , des
mangeurs de Boulgour, la céréale préférée des Turcs. L’origine de ce
terme, marqueur identitaire d’un empire disparu, est largement tombé
dans l’oubli. Mais il est resté un sobriquet méprisant affublé aux
gens du Bas Yémen par les tribus des Hauts Plateaux, qui fut réactivé
lors du soulèvement de 2011 par les soutiens du Régime. 1
Au XX ème
siècle, certains traits de la modernité ottomane furent repris par un
nationalisme arabe porté par la vague des décolonisations. Taez fut le
bastion naturel de ce nationalisme arabe, qui aboutit à la révolution de
1962, plongeant le Yémen du Nord dans la guerre civile. Mais après la
défaite de Nasser en 1967 face à Israël, la jeune République yéménite
perdit le soutien militaire de son parrain égyptien. La paix fut enfin
négociée entre les tribus républicaines et royalistes des Hauts
Plateaux. Le régime archaïque des imams fut abandonné, mais en
contrepartie la République faisait allégeance aux tribus. La région de
Taez fut évincée progressivement de l’armée, et se tourna massivement
vers l’éducation. Les écoles et les universités s’installèrent notamment
autour du Hawdh al-Ashraf. La ville était appelée à devenir un grand
pôle industriel et commercial, ponctionné par les taxes du Régime de
Sanaa. En contrepartie, les Taezis accompagnèrent le développement de
l’éducation et du petit commerce sur l’ensemble du territoire du Nord
Yémen.
Quant au Sud Yémen, après avoir arraché son indépendance à la
Couronne Britannique (1967), il basculait dans
la sphère d’influence soviétique avec la fondation de la République
Démocratique Populaire du Yémen. Le Hawdh était devenu
une sorte de gare centrale où les taxis collectifs terminaient leur
course en provenance des campagnes environnantes, de la Capitale Sanaa,
mais aussi du Sud-Yémen. Les espions déguisés en fous commencèrent à
converger vers le Hawdh Al-Ashraf - et sans doute aussi beaucoup de
fous déguisés en espions, considérés comme tels par la société
environnante, ou de leur propre point de vue…
Taez s’étendit considérablement au fil des
décennies, essentiellement grâce aux ressources de l’émigration :
la ville était devenu un gigantesque centre d’écoulement vers les
campagnes des produits manufacturés, et le Hawdh Al-Ashraf, une zone
d’intense activité commerciale, qui faisait dorénavant partie du centre,
tandis que les taxis collectifs furent délocalisés plus en périphérie .
Pour autant ce carrefour continuait d’exercer une attraction magnétique
sur les citadins insomniaques, les étudiants et les travailleurs ruraux,
de sorte que les cafés et les restaurants continuaient d’y être ouverts
24h sur 24. Pour le reste, Taez s’endormait dans son statut de ville
secondaire, jusqu’à l’avènement du Printemps Yéménite.
Aujourd’hui,
Taez est le point le plus « chaud » de la ligne de
démarcation qui coupe le pays en deux depuis 2015, entre les régions
tenues par la rébellion Houthie et celles tenues par les forces
loyalistes. Plus aucune voiture n’arrive au Hawdh Al-Ashraf. On trouve
des photos sur internet, et des vidéos : quelques reporters
agrippés à leur micro, portant le casque et le gilet pare-balle, dans
le paysage familier de ce carrefour emblématique 3 .
À moins d’un kilomètre en contre-bas, le Wadi Al-Qâdî [figure 4] est
depuis trois ans une zone minée, défendue par des snipers postés de par
et d’autre : une barrière infranchissable entre le faubourg
d’al-Hawban, l’entrée de Taez lorsque l’on vient de Sanaa, et la ville
proprement dite. Pour passer de l’une à l’autre, on est contraint de
faire un long détour à travers les montagnes. Il y a plusieurs
possibilités mais cela ne dure pas moins de cinq heures,
cela coute environ 3000 rials (10€) du fait de la pénurie de pétrole, et
très peu de personnes en ont les moyens.
Figure
4 : Depuis le sommet du
Djébel Sabir en 2007, vue des quartiers Est de Taez ( Hawdh
Al-Ashrâf ).
À droite, on distingue la verdure du Wâdî Al-Qâdî et le début
du faubourg d' Al-Hawbân
(liens google map).
C ette
situation est bien décrite d ans
le reportage de François-Xavier Trégan, Yemen,
l e chaos et le silence ,
diffusé sur Arte le 27 mars 2018 , dans
la partie consacrée à Taez ( à
partir de 18:42 : https://dai.ly/x6i3t7p?start=1122s ) .
Les images de la ville sont tournées dans le
secteur du Hawdh al-Ashraf, entre 23:00 et 29:30, puis en 34:30 on
retombe juste de l’autre côté de la ligne de front, après un détour par
les montagnes, qui servent de sas entre les deux zones.
Les Yéménites en avaient perdu conscience à
cause des facilités modernes, mais Taez est située sur un col, au sens
rigoureusement mathématique de la topologie : au creux d’une
« selle de cheval », avec cette plaine irrégulière suspendue à
1400 mètres d’altitude, entre deux massifs montagneux au nord et au sud,
mais débouchant à l’ouest sur la mer rouge, à l’est sur Aden et l’Océan
indien. Depuis 2015, la guerre a dramatisé les enjeux de la géographie.
Le massif montagneux d’Al-Hujariyya, entre Taez et Bab el-Mandeb, est
aujourd’hui contrôlé par les troupes restées loyales au Président exilé
dans la capitale Saoudienne, alliées à des forces djihadistes sous
influence des Emirats Arabes Unis. Quant à la rébellion Houthie,
considérée comme « pro-iranienne », elle est surtout soutenue
dans les Hauts Plateaux du Nord, beaucoup moins dans la
« selle » du Bas Yémen, et la ville de Taez proprement dite
lui est carrément hostile. Pour autant, la présence des Houthis dans les
faubourgs d’Al-Hawban, et sur quelques hauteurs qui se détachent sur
cette plaine face au Hawdh Al-Ashraf, leur
suffit à contrôler la ville .
Avec le doigt posé au creux d’une selle de cheval, les maîtres de Sanaa
contrôlent le Yémen tout entier.
> poursuivre vers : Qui
m'a conduit au Hawdh?
Que nous apprennent
ces considérations topologiques ? Elles nous
apprennent que la guerre civile yéménite est une farce. Une farce
tragique, responsable de l’une des plus graves crises humanitaires de
notre époque, mais une farce néanmoins.
Les
médias internationaux nous présentent une guerre par proxy, dans
laquelle s’affronteraient deux blocs équivalents, une guerre
ultra-violente. Nous avons tous en mémoire le pilonnage d’Alep par
l’aviation russe, et l’on s’imagine volontiers que les bombardements
saoudiens sur le Yémen sont d’une violence équivalente, puisqu’il
s’agit de contenir le redoutable arsenal mis par l’Iran à disposition
des rebelles Houthis. D’ailleurs on se demande bien comment, par tapis
volant sans doute, vu que les Saoudiens contrôlent les mers… Mais peu
importe : l’essentiel est que l’opinion mondiale frémisse face
aux scuds ridicules que les Houthis réussissent à envoyer sur Riad.
L’essentiel est que les Nations Unies puissent appeler les deux
parties à la retenue… L’enjeu de ces guerres
n’est pas tant que le monde arabe se trace un
avenir, mais qu’il se trace un avenir compatible avec l’ entertainment
du public occidental - Russie compris - dont dépend la
stabilité de l’économie mondiale.
D’ailleurs si nous
prenons du recul, c’est un peu la même chose en Syrie. Quand on écoute
les médias pro-russes, il n’est jamais question que de faire la chasse
aux terroristes. Quand on écoute les médias occidentaux, il ne s’agit
que de l’appétit de Poutine et des atrocités de Bashar. Comment ne pas
voir que cette guerre, toutes ces guerres, s’organisent autour d’un
non-dit ? Quelque chose que ne veulent dire ni les uns, ni les
autres, à savoir : si les Occidentaux avaient vraiment voulu
déloger Bashar, ils n’en auraient fait qu’une bouchée. Et si les
Saoudiens voulaient vraiment repousser les Houthis, jamais ils ne les
laisseraient stationner au milieu de cette plaine, dans le faubourg
d’Al-Hawban. D’ailleurs, la Syrie aussi est une selle de cheval, à
l’échelle du Moyen-Orient et du monde, elle est un carrefour. On est
parti en Libye sans hésiter, sauver le peuple libyen de son tyran, par
contre il fallait que le tyran Alaouite garde son doigt posé sur le
carrefour syrien. Cela imposait de raser Alep, donc ça a pris un peu de
temps, il fallait mettre les formes… Et puis finalement ces derniers
jours, la Russie a considéré qu’elle pouvait s’accommoder d’une province
d’Idlib restant aux mains des rebelles, pour s’entendre avec la
Turquie : Idlib n’est pas Alep, en termes de carrefour et
d’influence culturelle, tout comme la Libye n’était pas la Syrie.
On voit bien ici
l’insuffisance d’une lecture en termes de blocs géopolitiques, instrumentalisant
le clivage confessionnel chiite/sunnite. Cette thèse de
l’instrumentalisation confessionnelle, avec cette césure entre deux
couches superposées de réalités, est un phénomène en elle-même :
comme si les Arabes se battaient sur un territoire à part, dans un
paysage régi par ses règles propres, et aveugles à ce qui se passe
au-dessus de leurs têtes. Non : nous vivons bel et bien sur une
seule terre, un paysage structuré par des réalités indissociablement
géopolitiques, géostratégiques et anthropologiques. Et parce que nous
formons une seule espèce, ces réalités s’organisent bel et bien selon
une topologie unique, où l’on distingue des vallées et des plaines,
des cols et des massifs montagneux. Dans ce paysage, le
Yémen est à l’Arabie Saoudite ce que le monde arabe tout entier est à
l’Europe occidentale .
D’un certain point
de vue, les Houthis sont bien utiles aux Saoudiens, et la Russie fait le
jeu de la puissance américaine. Dans les deux cas, l’intervention d’une
puissance tierce sert de régulateur
à une sorte de « bouillon de culture » djihadiste. Mais
l ’intérêt de ces acteurs é tatiques ,
grands ou petits, est de planifier une stratégie profitable
sans renverser la table. Chacun sait que
l’enjeu de ces guerres n’est pas un renversement de l’ordre mondial
par la Russie et la Chine, seulement un ré-équilibrage de la
superpuissance américaine. L’anglosphère continue et continuera de
rester maître du jeu. Mais dans le cadre de ce ré-équilibrage, deux
zones posent problème, en termes de prédictions et de
lisibilité : l’Europe continentale et le monde arabe. Bien malin
qui peut dire où en sera l’Union Européenne dans six mois ou quelques
années, tout comme l’Egypte de Sissi et l’Arabie de Ben Salman. Tandis
que la Russie et l’Iran, qui ont vécu des ruptures politiques majeures
trois ou quatre décennies en amont, sont aujourd’hui des acteurs
cohérents et stables, qui reprennent simplement leur place dans le jeu
international.
Or ces deux crises
sont corrélées à vrai dire, et pas seulement dans l’esprit des partis
d’extrême droite, qui ont fait leur cri de ralliement de
« l’islamisation » supposée, puis de la crise migratoire.
L’enjeu de la période actuelle est de penser cette articulation, de
manière plus élaborée. C’est pourquoi je ne m’associe pas aux campagnes
médiatiques pour « l’arrêt des bombardements saoudiens au
Yémen », qui simplifient le problème de manière excessive. Ces
réactions pavloviennes ne cachent-elles pas une nostalgie d’un monde en
blanc et noir, comme à l’époque des guerres de G. W. Bush, où notre
pays, avec Dominique de Villepin, se donnait le beau rôle pour pas un
sou sur la scène internationale. Si nous sommes émus véritablement par
la catastrophe humanitaire qui sévit au Yémen, alors nous devons pousser
plus loin l’introspection, envisager le problème dans sa globalité et
notre part dans celui-ci. Car nous avons intérêt, nous Français, à
penser ensemble ces deux crises. Nous avons intérêt à comprendre que les
Yéménites ne sont qu’une variable d’ajustement, au sein d’un processus
de transformation beaucoup plus large, où se joue également notre propre
destin. Nous devons également prendre conscience que les populations du
Sud sont lucides et pragmatiques, qu’elles sont prêtes en général à des
compromis, comme les Yéménites l’ont montré entre 2011 et 2015, avec la
« solution yéménite » tant vantée par Obama. Ce qui fait
obstacle, es t plutôt l’inertie
de nos structures économiques et intellectuelles, d’un
confort subjectif de plus en plus travaillé par le
doute, mais dont nous ne pouvons néanmoins nous extirper .
En relatant le
cheminement d’une subjectivité d’anthropologue travaillé
par le doute cartésien, au coeur de la société yéménite, j’aimerais
convaincre mon lecteur qu’il existe une relation étroite, directe,
entre notre faillite démocratique et les souffrances actuelles de ce
peuple. L’enjeu des années à venir en effet, auquel ce texte et les
suivants aimeraient contribuer, est que la relation bilatérale entre
l’Europe continentale et le monde arabe retrouve sa pulsation propre,
pour que cette relation redevienne un facteur de stabilisation pour
les deux parties. Et ce, dans la fidélité à leurs traditions
respectives : l’avenir du monde arabe passe nécessairement par
l’épanouissement de subjectivités politiques islamiques. Quand à
l’avenir de l’Europe continentale (c’est-à-dire peu ou prou
aujourd’hui l’Union Européenne, depuis la sortie du Royaume Uni), nous
savons déjà qu’il combinera l’autoritarisme de Macron et le populisme
des Le Pen : les deux monstres ne vont pas se neutraliser l’un
l’autre et s’effondrer un beau matin. Mais l’Université est depuis
toujours l’institution phare de l’Europe, et elle le restera. D’où la
nécessité de construire une compréhension universitaire de l’islam.
À
cette fin, il conviendra de garder constamment en tête la structure
mise en évidence par les guerres, qui ne mentent pas :
le Yémen est à l’Arabie Saoudite ce que le
monde arabe est à l’Europe occidentale, le
tout étant sous domination de l’anglosphère .
Rappelons-nous que la puissance anglaise s’est
construite sur les mers, mais que l’homme est une espèce terrestre. Pour
construire les conditions d’une
identification réciproque entre la France et l’Arabie, r appelons-nous
que l’anglosphère domine le monde parce qu’elle sut capter l’héritage
des premières aventures maritimes portugaises, qui entendaient
contourner par l’Atlantique des routes commerciales arabes qu’ ils
ne parvenaient pas à pénétre r .
Du
moins les autocars et les voitures au départ ; à l’arrivée, les
conducteurs continuaient souvent d’amener leurs passagers jusqu’au
Hawdh - sauf aux heures où la zone était trop embouteillée.
Voir
par exemple le reportage de Skynews Arabia, tourné le 19 février 2016 :
" انعدام الحركة التجارية في تعز مع استمرار الحصار
" [Effondrement de l’activité commerciale à
Taez avec la poursuite du blocus]. https://www.skynewsarabia.com/video/817649
(consulté le 30 septembre 2018)
Dans
le reportage de François-Xavier Trégan, l’émissaire de la Croix Rouge se
rend à Taez depuis Aden en empruntant la route de Tûr Al-Bâha, par un
détroit spectaculaire où la route ne fut terminée qu’à la fin des années
2000 (voir à 20:03 ),
pour rejoindre enfin Al-Turba et traverser le massif d’Al-Hujariyya
jusqu’à l’entrée ouest de Taez. La route habituelle aurait débouché sur
le Hawdh Al-Ashraf, par l’est, en empruntant cette plaine naturelle
beaucoup plus large, mais celle-ci est bloquée par les Houthis, qui
stationnent notamment à Al-Rahida.
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