L’anthropologie est une discipline des sciences sociales,
combinant l’expérience vécue sur le terrain - la fameuse
« observation participante » - aux approches
sociologiques et historiques, pour mieux saisir les grandes
structures de la vie en société.
L’anthropologie est parfois culturaliste (notamment aux
États-Unis, ou chez l’anthropologue français Claude
Levi-Strauss) mais pas forcément. Ces dernières décennies, en
réaction aux effets de l’ordre postcolonial, l’anthropologie se
propose souvent d’écrire contre la culture (Abu
Lughod,
1991), par un recours à l’histoire (Jocelyne
Dakhlia), et par une contextualisation sociologique
précise des comportements.
L'ambition anthropologique - un discours scientifique portant
sur l'Homme dans sa généralité (anthropos en grec) -
passe alors au second plan, au profit de l'ethnographie :
la description élaborée de mondes sociaux situés (du grec ethnos,
l'humain dans sa spécificité).
Face à la généralisation de l'expérience touristique, la
compétence propre de l’anthropologue réside dans la réflexivité
d’enquête (Florence
Weber, Jeanne
Favret-Saada) : la rigueur avec
laquelle il traitera ses expériences de terrain, qu’elles aient
pour cadre une société proche ou lointaine.
Par ailleurs, pour mieux appréhender les interconnections du
monde contemporain, l’ethnographie est de plus en plus souvent multi-site
(Marcus
1995, Cefaï
2010) : elle suit en
parallèle plusieurs terrains, plusieurs réseaux d’acteurs,
plusieurs objets dans plusieurs lieux. Un peu comme je le fais
entre Sète et Taez…
Gregory Bateson et la cybernétique
Gregory Bateson (1904-1980) est
un anthropologue britannique, biologiste de formation, dont
l’oeuvre de jeunesse (1936) a considérablement marqué
l’anthropologie de son époque. Consacrée à une tribu de
chasseurs de tête en Nouvelle Guinée, l’étude se focalise sur
la description analytique du Naven : un rituel de
travestissement collectif qui se déclenche parfois sans
prévenir, emportant l'ensemble de la communauté villageoise.
Pendant la Seconde Guerre
Mondiale, Bateson fait partie des membres fondateurs des
conférences Macy sur la cybernétique (1942-1953), qui jetèrent
les bases de l'informatique moderne. Transposant dans le
domaine du comportement la théorie mathématique des types
logiques (Russel et Whitehead), il apporte ensuite des
contributions décisives à la psychiatrie (notion de double
contrainte, systémique familiale et théorie de la
schizophrénie), à la psychologie de l’apprentissage (notion
d’apprentissage secondaire), et à l’écologie naissante. C’est
cette œuvre tardive, encore peu intégrée par les sciences
sociales, qui joue un rôle central dans mon travail à partir
de 2008.
Les principales contributions
scientifiques de Gregory Bateson sont rassemblées dans
l'ouvrage Vers une
écologie de l'esprit (extraits
disponibles ici).
Voir aussi la fiche
Wikipedia.
Bande-annonce (3'43) d'un documentaire réalisé en 2010
par sa dernière fille Nora Bateson (née en 1968).
Sciences sociales de la pensée islamique
Pour
mon appréhension de la pensée islamique médiévale, au
sortir de mon enquête au Yémen, l'étude de ce livre a
été déterminante :
Ovamir Anjum, Politics, Law, and
Community in Islamic Thought. The Taymiyyan Moment
(Cambrige University Press 2012).
Globalement depuis mon installation à Sète, mes
recherches portent essentiellement sur l’anthropologie de
l’Europe, avec un questionnement général sur les rôles
respectifs des mathématiques et du monothéïsme dans l’histoire
des idées. En dialogue avec des livres tels que :
Emmanuel Todd, Où en sommes-nous ? Une esquisse de
l’histoire humaine (Le Seuil, 2017).
Gérard Delille, L’économie de Dieu: famille et marché
entre christianisme, hébraïsme et islam (Paris : Les
Belles Lettres, 2015).
De mon point de vue, Todd sous-estime
l’importance des mutations théologiques et de la translatio
studiorum. Delille est plus en prise avec les questions
théologiques, surtout chrétiennes. Ma position serait peut-être
à mi-chemin. Toutes stimulantes que soient ces grandes
synthèses, elles restent éloignées du coeur empirique de mon
travail - à savoir ma propre ligne d’ethnographe
multi-site, et les paradoxes de l’interaction dans le monde
contemporain.