L'incendie de 2007
et ma vocation de médiateur social

29 mai 2021

Le 19 août 2007, je débarque vers midi sur la place de Hawdh al-Ashraf pour mon quatrième séjour. À la tombée de la nuit dans le quartier du haut, un jeune homme met le feu au salon, puis se laisse arrêter et disparaît en prison. Sur la place, tout le monde fait comme si de rien n’était : on me souhaite la bienvenue chaleureusement, comme si on n’avait pas remarqué la coïncidence. Moi-même j’ai profondément honte. Je ne suis pas allé saluer Ziad à mon arrivée, je savais au fond de moi qu’il allait faire quelque chose. À cette époque en Irak et en Afghanistan, les décapitations d’Occidentaux se généralisent. Depuis que j’ai appris la mort de son grand-frère, huit mois plus tôt dans un accident de voiture, je n’ai cessé d’imaginer que Ziad pourrait me faire la même chose…

vue du quartier depuis l'hôtel, avec de la fumée s'élevant au-dessus de la maison de Ziad
Ziad al-Shuwâfî (né en 1979), expert-comptable, héros de mon premier mémoire (2003-2004).

Je récupère mes valises et prends une chambre à l’hôtel, où je retrouve rapidement mes habitudes. Mais en fait ce jour est un tournant. Il signifie que la rencontre par les sciences sociales est peut-être une illusion. Le monde qui nous est familier est en train de basculer, sans que je sache encore expliquer pourquoi ni comment. J’anticipe ce cataclysme à venir, avec l’espoir de nous retrouver dans le monde d’après.

Ma vocation de médiateur

Au fond, ma vocation de médiateur social trouve son origine dans l’incendie de 2007, dans la nouvelle alliance que cet épisode rend possible avec la famille de Ziad, et avec la société yéménite plus largement. Dès cette époque, porté par la dignité de ces relations, je porte sur la France un regard renouvelé, à travers des engagements associatifs divers en marge de mon travail (je suis resté inscrit en thèse sur le Yémen jusqu’en 2013). En quelque sorte, je fais là mes premiers pas de médiateur social. J’ai conscience d’investir là, dans mon propre pays, quelque chose que m’ont appris les Yéménites. C’est d'ailleurs une part de ma motivation : j'y trouve la force de rester fidèle à cette histoire, pour continuer de me battre sur le terrain académique.

Démarche prolongée par mon déménagement à Sète, en février 2014. Depuis cette époque, j’ai à coeur d’aider les institutions françaises à rompre la spirale des communautarismes et des discriminations - de tous les communautarismes, de toutes les discriminations - juste avec ma petite histoire : l’approche non-culturaliste d’un pays comme le Yémen, juste avant qu’il ne soit ravagé par la guerre.

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