8 janvier 2019

En avoir ou pas

En tant qu’anthropologue et en tant qu’homme, j’ai un point de vue assez particulier sur la crise que nous traversons. Pour moi il n’est pas juste question d’économie, parce que tout le monde est d’accord en fait sur la redistribution des richesses, c’est juste qu’on n’y arrive pas. Et on n’y arrive pas à cause de la manière dont la réalité sociale est posée, la manière dont sont pensées les inégalités. On n’y arrive pas à cause d’une caste qui est payée à parler des autres, et qui n’a rien dans le ventre. Je pense aux Humanités et aux sciences sociales, au-delà des médias et des politiques qui sont aujourd’hui la cible du mécontentement. Si les intellectuels se croyaient moins systématiquement au-dessus de la mêlée, est-ce que ça ne faciliterait pas la réflexion collective? Cette corporation des SHS connaît un passage à vide pour des raisons civilisationnelles - les vieilles structures anthropologiques de la chrétienté occidentale (où certains étaient payés à prier pour la société, et on ne sait plus trop ce que cela veut dire aujourd’hui) - autant que pour des raisons conjoncturelles plus récentes (liées à ce que le monde a vécu avant 1945). Quoi qu’il en soit de nos jours, cette corporation valide sa vision du monde en s’appuyant sur des populations démunies et captives, dans des États-Nations de façade, qui n’ont pas la même culture de la délibération démocratique. Voilà instinctivement le diagnostique.

Après, qu’est-ce que ça veut dire en avoir dans le ventre, quand il s’agit de pratique des sciences sociales ? Pour moi, ça a à voir avec une éthique intellectuelle dans la modélisation ; le fait de m’exposer dans l’interaction d’enquête ; être prêt, pour accueillir l’autre, à détricoter ma vision intellectuelle du monde, tout ce que je pensais avoir établi précédemment. Paradoxalement peut-être, ça a beaucoup à voir avec ce qu’énonce la critique féministe, mais beaucoup à voir aussi pour moi avec l’islam, avec ce qu’une compréhension profonde de l’islam pourrait nous apporter, du côté de l’éthique du regard, de la parole et de la pensée.

Nous vivons dans un système où seuls les ingénieurs et les banquiers ont le droit d’en avoir - un système qui « châtre » systématiquement ceux qui prétendent exercer ailleurs leur intelligence sociale. Je ne viens pas du tout de l’extrême droite : je suis arrivé à cette conclusion par mon propre chemin, qui n’a jamais été celui du racisme ou de l’homophobie, mais mon histoire montre exactement ça (voir la page d’accueil). Et je ne fais que poser le constat, dans l'espoir de nous remettre en mouvement, sur un chemin collectif…

A bientôt pour refaire le monde !

Retour sommaire Gilets Jaunes